Face aux défis que représente la sécurité alimentaire du pays, la question de la résorption totale et pérenne de la pratique de la jachère se pose avec beaucoup d'acuité. Elle demeure en fait une priorité absolue car les besoins de consommation du pays exigent une croissance de la production agricole, et donc une exploitation optimale de toutes les ressources et les superficies agricoles. «Nous ne pouvons plus nous permettre le luxe de laisser des centaines d'hectares en jachère quand on sait le poids et l'importance des enjeux futurs : assurer au plus vite notre sécurité alimentaire notamment dans les produits agricoles de large consommation comme les céréales et la production importante de fourrages pour le cheptel de vaches laitières», soutiennent des spécialistes en sécurité alimentaire. Pour l'heure, et ce qui est des plus déplorables, des terres à grandes potentialités agricoles sont abandonnées dans le nord du pays. Du côté du ministère de l'Agriculture, du développement rural et de la pêche, on parle depuis deux décennies de mettre fin à cette pratique mais dans la pratique, sur le terrain, rien n'a été fait jusqu'ici dans ce sens, ou du moins ce ne sont que de petites parcelles en friche qui ont été récupérées. Toutefois, selon les déclarations du premier responsable du secteur au sujet de la jachère lors de sa visite dernièrement dans la wilaya de Constantine, les pouvoirs publics vont passer à l'action. En effet, intervenant au cours d'une rencontre avec des céréaliculteurs et des cadres de son secteur, le ministre s'est attardé sur l'urgence de résorber les terres en jachère ou abandonnées pour atteindre l'autosuffisance alimentaire. Il a ainsi fait savoir que désormais son département s'occupera «fermement» de cette question, considérée comme essentielle dans le processus de développement économique national. Qualifiant ce dossier de «sensible», M. Abdeslam Chelghoum a par ailleurs indiqué que les textes de lois protégeant les terres agricoles et interdisant leurs exploitation à d'autres fins, même par leurs propriétaires privés, «doivent être appliqués à la lettre» pour rentabiliser davantage ce secteur considéré comme «stratégique» dans la nouvelle politique nationale de diversification économique. Les pouvoirs publics sont manifestement décidés à mettre fin à la pratique de la jachère, ce qui est attendu quand on sait que sur une superficie de six millions d'hectares de terres cultivables, seulement trois millions d'hectares de propriétés agricoles sont cultivés à l'échelle nationale. Le cas de la wilaya de Constantine et le plus effarant. En témoigne cette wilaya à vocation grandement céréalière au moins 35% des 70 000 ha consacré à la céréaliculture sont laissés en jachère. Devant un tel état des lieux «la mise en place d'un programme de résorption de la jachère devient impérative», soutiennent des cadres du ministère de l'Agriculture du développement rural et de la pêche. Cette option s'inscrit dans la stratégie d'exploitation optimale et clairvoyante des sols qui, dans cette perspective, visent, pour le court terme, la réduction de la jachère. Mais comment convaincre les agriculteurs de la nécessité d'abandonner la pratique de la jachère ? De l'avis des techniciens, «c'est en fonction de toutes les données composées du calcul économique, des techniques adéquates de conduite culturale, des moyens matériels et financiers disponibles et des structures agraires appropriées que pourront être envisagées, par un agriculteur averti, la réduction puis la suppression de la jachère et la mise en place de rotations des cultures plus intensives que le binôme actuel céréales-jachères qui prédomine dans notre système de production. Pour les agriculteurs, la jachère est un moyen efficace de réduire les aléas dus aux irrégularités pluviométriques. Ce qui explique donc la généralisation de cette pratique en Algérie. En clair les exploitants agricoles en Algérie conscients que, faute de fumure et de fertilisants, dont les prix sont très souvent hors de portée, les sols ne se régénèrent pas et ne peuvent donc que donner de mauvais rendements, ont adopté la jachère, c'est-à-dire l'abandon du sol pendant une période plus ou moins longue, comme mode de protection des terres. Ils pensent que les légères façons culturales réalisées sur jachère permettaient d'aérer le sol et d'emmagasiner l'eau de pluie. En somme, les exploitants sont de plus en plus convaincus que le recours à la jachère est incontournable pour faire face au phénomène de l'irrégularité du climat. Ils seront d'ailleurs nombreux à témoigner que «le stress hydrique constaté ces dernières années a rendu précaires par année les activités agricoles et agropastorales». Du côté des agronomes, les arguments avancés pour motiver la pratique de la jachère ne tiennent pas la route car, pour eux, la mise en friche n'est rien d'autre qu'une «improvisation hasardeuse». Il suffit, selon ces agronomes qui se sont penchés sur la question des rendements obtenus sur des périmètres cultivés après leur mise en jachère, de faire parler les chiffres. A l'analyse il devient impératif d'exiger de mettre fin à la pratique de la jachère, c'est d'autant plus faisable à condition de réserver une attention particulière à la diffusion des nouvelles techniques culturales d'où l'implication des exploitants agricoles. Une stratégie qui doit au plus être mise en œuvre car il y va de l'avenir alimentaire de l'Algérie qui a un grand besoin de se libérer de la grande dépendance des importations de ses besoins alimentaires. Z. A. A propos de la décision de mettre fin à la jachère Des agriculteurs interpellent le ministre Des propriétaires terriens se sont rapprochés du ministre de l'Agriculture du développement rural et de la pêche, Abdeslam Chelghoum, qui accompagnait le Premier ministre Abdelmalek Sellal en visite de travail jeudi dernier dans la wilaya d'Oum El Bouaghi pour lui transmettre leur inquiétude des suites de déclarations qu'il a faites à partir de Constantine il y a quelques semaines de cela et où ce dernier avait fermement instruit qu'il fallait en finir avec la jachère. Ces agriculteurs ont en faite mal accueilli les propos du ministre au sujet de la jachère car ceux la même ce sont habitués à cette pratique. Ces derniers ne se sont pas fait prier pour dire au ministre : «Ils sont prêts à abandonner la pratique de la jachère pour peu que leurs soit accordée l'aide financière nécessaire pour fertiliser les terres qu'ils abandonnent à la friche chaque début de saison». En guise de réponse à cette prise de position, le premier responsable du secteur leur a lancé «aujourd'hui avec les nouvelles techniques culturales, la pratique ne devrait plus exister, c'est pourquoi je vous demande de vous rapprocher de votre Chambre de l'agriculture pour en savoir un peu plus sur la manière d'exploiter toute la superficie de vos terres. Non sans leur demander enfin d'y mettre des leurs afin de passer à une totale exploitation de leurs terres». Ce à quoi les propriétaires terriens ont laissé entendre au ministre qu'ils ne sont pas en mesure financièrement de mener campagne sur toute leur superficie. «Rapprochez-vous de la Badr si vous voulez bénéficier de crédit de campagne», leur a signifié enfin Abdeslam Chelghoum. En toute état de cause, il faut savoir que la résorption de la jachère est devenu impératif si l'on veut lever le défi que représente la sécurité alimentaire, c'est pourquoi il est demandé aux exploitants agricoles de s'impliquer davantage dans le besoin de produire plus. En clair, mettre à profit toutes terres arables en passant par la résorption définitive de la pratique de la jachère.