«La première victime de la guerre c'est la femme. Et le sujet profond dans ce film c'est la situation de la femme. On a un adage qui dit que le carburant de la guerre c'est les hommes et les cendres c'est la femme, dira le cinéaste. Et, pour les artistes irakiens, dans un contexte marqué par le feu et le sang, le véritable défi d'une œuvre tel que le Silence du berger est de briser l'omerta La compétition dans la 9e édition du Festival international d'Oran du film arabe (Fiofa), dans la catégorie long métrage a été ouverte, samedi dernier à la salle Maghreb, avec la projection de trois longs métrages en l'occurrence Eclipses du tunisien Fadhel Jaziri, le Silence du berger de l'irakien Raad Mechatet et Sur la route d'Istambul de Rachid Bouchareb. Les trois films abordent la thématique de l'impact de la guerre et du terrorisme sur la société à travers le prisme du vécu individuel. Le Silence du berger produit par l'entreprise publique irakienne du cinéma et du théâtre, avec comme comédiens principaux Mahmoud Abou Abbas, Samar quahtane, Alla NAdjm et Mourthada Habib, aborde la thématique de l'autoritarisme, de la peur et du silence. Ces thèmes sont abordés à travers l'histoire de Zahra, la fille du chef de tribu qui disparaît après être aller chercher de l'eau à la rivière. Cette disparition coïncide avec la disparition d'un autre jeune homme de la tribu ce qui donne lieu à la spéculation de la fuite d'un jeune couple d'amoureux, jetant ainsi le déshonneur sur le chef de la tribu qui humilié par le comportement de sa fille subira 15 ans d'humiliation. Il aura fallu attendre toutes ces années pour que la vérité éclate. En vérité, le jeune homme était emprisonné par le système dictatorial. Quand à l'innocente et pure Zahra, elle a été sauvagement assassinée car elle a eu le malheur d'être témoin d'un massacre collectif. Le berger qui avait assisté à cette scène atroce a gardé le silence durant toutes ses années, et il a fallu un élément déclencheur pour qu'il ose enfin dire la vérité. Lors de la séance des débats qui a suivie la projection du film, le réalisateur irakien, accompagné des deux comédiens principaux, indiquera que «le film pose la question de la violence, l'oppression féroce de l'Etat qui engendre un état de peur viscérale. Mais aussi celle de la tribu et d'une société conservatrice». Il dira à ce propos que «la première victime de la guerre c'est la femme. Et le sujet profond dans ce film c'est la situation de la femme. On a un adage qui dit que le carburant de la guerre c'est les hommes et les cendres c'est la femme. Car, dans un contexte marquée par la peur et la violence, la femme vit une double oppression de la dictature d'un système et celle de la tribus». «Nous vivons dans une société patriarcale au sens profond du terme. A la fin du film, on souligne que la véritable blessure profonde du père était le déshonneur qui pesait sur lui après la disparition de sa fille. Ainsi après la découverte de la dépouille de sa fille, il retrouve son honneur et sa position de chef de tribu, avec des célébrations festives. Une ambiance d'allégresse qui fait abstraction de la manière abjecte et sauvage avec laquelle a été tuée sa propre fille. Cela montre qu'il préfère la mort de la chair de sa chair que son honneur soit entaché. A l'opposé, sa femme, en tant que mère, porte le deuil alors qu'elle avait l'espoir que sa fille s'était enfuie pour un monde meilleur», ajoutera le cinéaste. Le réalisateur irakien et les comédiens ont également abordé lors de cette rencontre, la question de la peur et de la terreur présente dans toute la société irakienne à cause de l'insécurité permanente et des attentas récurrents qui n'épargnent personne et dont le plus grand nombres des victimes sont les femmes et les enfants. Les artistes diront que dans un contexte marqué par le feu et le sang, le véritable défi d'une œuvre tel que le Silence du berger est de briser l'omerta. Un défi aussi humain que matériel. Le film a été produit avec des moyens dérisoires après le démantèlement et l'effondrement de l'industrie du cinéma irakien qui a été complètement laminée depuis l'invasion américaine. Ainsi, «aujourd'hui, il s'agit de renaître des cendres de la guerre pour dire la vie, la créativité et préserver les valeurs culturelles dans un contexte marqué par la destruction et le chaos. Malgré les morts au quotidien, ils ne peuvent pas éliminer 35 millions d'Irakien, c'est à nous, les artistes, dans tous les domaines, de semer la vie et l'espoir pour dire nous sommes encore la et nous sommes vivants», affirment-ils. Dans la matinée de samedi dernier, l'Algérie est entrée en compétition dans la catégorie court métrage, avec la projection de deux courts métrages : Qindil el bahr de Damien Ounouri et Souvenirs de Walid Benyahia et Farid Noui, qui ont été projetés à la cinémathèque d'Oran. Quatre autres courts métrages ont été, par ailleurs, présentés lors de cette première séance. Il s'agit de Ghasra du réalisateur tunisien Jamil Najjar, Avec ton âme du Libanais Karil Rahabani, le Jour de l'Aïd du Marocain Rachid El Ouali et Chaud et sec en été de l'Egyptien Chérif El Bandari. S. B.