Le 9e Festival international d'Oran du film arabe s'est clôturé par des hommages rendus au cinéaste égyptien Mohamed Khan décédé mardi, au réalisateur syrien Eyman Zidane et à l'Algérien Merzak Allouache. Le cinéma égyptien est sorti grand gagnant de la 9e édition du Festival international d'Oran du film arabe (FIOFA), clôturée mercerdi soir au théâtre de plein air Hasni Chekroun à El Bahia. Le long métrage égyptien Nawara de Halla Khalil a décroché le Wihr d'or, grand prix du festival. Ce film revient, à travers un angle différent, sur la Révolution du 25 janvier 2011 qui a mis fin à plus de 20 ans de règne de Hosni Moubarak et de sa famille. Le film suggère que cette Révolution est inachevée et que les couches les plus démunies ont perdu la bataille de la justice sociale, au moins temporairement. «Je ne m'attendais pas à ce prix, ici à Oran. Depuis la première écriture, le film Nawara avait une place particulière dans mon coeur. J'aurais voulu que Mohamed Khan soit parmi nous en ce moment particulier. Je ne vais jamais oublier tout ce qui nous a appris. Je garderais toujours à l'esprit que Mohamed Khan nous a enseigné l'amour du cinéma et l'amour de la vie», a souligné Halla Khalil. Brahim Seddiki, commissaire du festival, a, au début de la cérémonie, rendu un hommage particulier au cinéaste égyptien Mohamed Khan, décédé le 26 juillet à l'âge de 74 ans. Une minute de silence a été observée par les présents à la mémoire du défunt. Mohamed Khan était l'un des fondateurs de l'école du réalisme dans le cinéma égyptien, née à la fin des années 1970. Il avait réalisé notamment Kharaja wa lam yaoud (Sorti sans retour, 1984), Mechouar Omar (Le parcours de Omar, 1985), Zaoujat rajoul mouhim (Femme d'un homme important, 1988) et Faris al madina (Le cavalier de la ville, 1991). Manaa Shalaby, qui n'a pas pu faire le déplacement à Oran, a décroché le prix de la meilleure actrice pour son rôle dans le film Nawara. Le prix du meilleur acteur est revenu au Libanais Alain Saadeh pour son rôle dans le long métrage Kteer Kbir (Very big shot) de MirJean Abou Chayâa. Un film d'une saisisante fraîcheur qui évoque tous les travers de la société libanaise — et arabe par extension — dans une forme qui se rapproche de la comédie noire. Le drame social marocain A mile in my shoes de Said Khallaf a obtenu le prix spécial du jury. Le film raconte l'histoire d'un enfant qui se venge de la société, à l'âge adulte, après avoir grandi dans la rue et subi toutes les formes de violence, d'agression et de mépris. «Je suis honoré par ce prix attribué par un festival qui a sa place dans le Monde arabe et en Afrique. C'est la treizième distinction. C'est donc une nouvelle responsabilité pour moi en tant que cinéaste. Je dois maintenir le même niveau dans mes prochains travaux», a déclaré Said Khallaf. Le secret de la réussite dépend, selon lui, de la capacité du cinéaste à croire au sujet qu'il aborde dans ses films. Le prix du meilleur scénario a été attribué au Syrien Said Joud pour le film En attendant l'automne (qu'il a lui-même réalisé) sur les drames de la Syrie, prise dans l'engrenage de la guerre et des manipulations. L'Algérien Lotfi Bouchouchi a obtenu le prix du meilleur réalisateur pour son long métrage de fiction Le Puits. «Ce prix m'oblige à m'engager à mettre mon film à la disposition des Algériens là où c'est possible. Il nous faut absolument une volonté politique pour relancer le cinéma, avoir des salles, des producteurs, des distributeurs, une remontée de la recette, une réglementation», a plaidé Lotfi Bouchouchi dans une lettre adressée au festival, lue à sa place par une comédienne du film Le Puits. Le cinéma et la guerre La mention spéciale du jury est revenue au Silence du berger de l'Irakien Raad Mechat. «On m'a posé la question : le cinéma peut-il affronter le sang, la mort et la guerre ? Le cinéma fait partie de la prise de conscience et de la connaissance. Le cinéma est une force, une énergie pour affronter les monstres d'aujourd'hui. Nous connaissons des boucheries quotidiennes en Irak et en Syrie. Nos pays, qui ont des racines qui remontent loin dans le temps, vont repousser cette mort quotidienne et ce terrorisme», a déclaré Raad Mechatet, saluant les actes actuels de résistance des cinéastes arabes. Le Silence du berger évoque les crimes du régime de Saddam Hussein (les fameux charniers du sud de l'Irak) à travers le regard d'un berger. Des crimes couverts de silence. «Nous avons eu une grande discussion sur les films sélectionnés. Le palmarès réflète ce que nous avons ressenti par rapport aux sujets abordés par ces longs métrages, surtout dans leurs relations avec la réalité difficile que vivent certains pays arabes actuellement. Nous avons pris en compte la manière avec laquelle cette situation était exprimée et le langage cinématographique utilisé. Nawara est une vision de la réalité égyptienne avant et après la Révolution de 2011. Le film a exprimé une fidelité totale à cette Révolution», nous a déclaré Mohamed Malas, président du jury longs métrages. Le court métrage Chaud et sec en été de l'Egyptien Cherif Al Bandary a été consacré par le Wihr d'or par le jury présidé par l'Algérien Rachid Benallal. «Les gens ne me connaissaient pas, n'avaient aucune idée sur mon film. Mais ils sont venus dans la salle, ils ont aimé et applaudi le court métrage. L'accueil du public m'a beaucoup touché», a relevé Cherif Al Bandary, qui en est à sa troisième participation au festival d'Oran et qui prépare son premier long métrage. Le prix spécial du jury est revenu à Kindil el bahr de Damien Ounouri, projeté à Oran en avant-première algérienne. «Il y a beaucoup de jeunes cinéastes prometteurs. Je souhaite qu'il ait plus de transparence et de communication au ministère de la Culture pour qu'on continue tous ensemble à faire jaillir le cinéma algérien», a souhaité Damien Ounouri, appelant à faire du cinéma algérien «à hauteur de notre imaginaire». Le jury a accordé une mention spéciale au court métrage Ghasra de Jamil Najjar. Dans ce film, Jamil Najjar se moque à sa manière, dans un condensé d'humour, de la situation politique et sociale actuelle en Tunisie. Merzak Allouache honoré Hassen Ferhani a obtenu le Wihr d'or pour son documentaire Fi Rassi rond-point. Prenant la parole, il a remercié les travailleurs des Abattoirs d'Alger pour leur aide lors de la réalisation du documentaire. Le jury documentaire présidé par le Tunisien Mourad Bencheikh a souhaité qu'à l'avenir, le comité d'organisation du Festival d'Oran prenne en compte les caractéristiques cinématographiques dans la sélection des documentaires et veille à mieux programmer les projections. Le prix spécial du jury est revenu à l'Egyptien Mahmoud Sleemane pour Nous ne serons jamais des enfants. «Je dédie ce prix aux peuples arabes qui aspirent à la liberté et à la culture», a déclaré le jeune réalisateur. Le cinéaste algérien Merzak Allouache a été honoré par le festival à l›occasion des quarante ans de Omar Gatlato. Un autre hommage a été rendu au réalisateur et producteur syrien Eyman Zidane. «Ici à Oran, Damas était dans mon cœur. J'ai vu Damas dans les yeux des habitants d'Oran, les miens. Damas regarde la lumière dans la perspective de la grande victoire», a déclaré Eyman Zidane. Brahim Seddiki, qui a salué la forte présence du public oranais dans les projections, lui a donné rendez-vous en juillet 2017, pour la dixième édition du festival : «Le festival a le droit de fêter ses dix ans. Nous ferons un retrospective de tout ce qui a été fait. Nous allons faire en sorte que le prochain festival soit présent dans tout l'Ouest algérien. La qualité et la nouveauté seront les caractéristiques pour le choix ds films. Et nous allons faire en sorte que les plus grandes stars du cinéma arabe soient présentes. Nous sommes ouverts à toutes les propositions, écoutons les observations et acceptons les critiques.»