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Alger, portes ouvertes
Publié dans La Tribune le 04 - 08 - 2016

Alger-blanche le jour. Alger-mauve et Alger-bleu la nuit. Alger-velours, Alger-lumières. Jamais les mots ne seraient de trop pour dire la beauté de notre ville. Vocabulaire et sémantique ne seraient d'ailleurs pas assez évocateurs pour célébrer ses charmes renouvelés. Alors, aujourd'hui, arrêt sur image. Sur celles de ses portes car Alger se raconte aussi à travers ses accès. Portes de ses anciens remparts et celles de ses maisons à chebk ou à portiques, et encore plus celles du Palais d'été, du Palais des Raïs, de Dar Aziza et Dar Essof. Chanter alors la beauté d'Alger par la porte, l'idée est finalement partie d'une superbe image sur Facebook. Photo d'une porte sublime. Le temps d'une nouvelle balade dans la ville et après relecture d'écrits d'auteurs séduits par la vieille Citadelle, et voilà que surgisse l'idée d'évoquer les portes d'Alger et son âme éternelle. Chronique du temps qui offense et de la main de l'Homme qui souvent dégrade et avilit. Mais c'est aussi une porte ouverte pour le souvenir du beau qui enchante encore. S'ils revenaient visiter leur ville, Bologhine Ibn Ziri et Salim Ettoumi pleureraient certes à chaudes larmes. Peut-être prendraient-ils même un tranquillisant pour oublier que Sidi Abderrahmène, son saint tutélaire, n'a pas su la protéger de l'affront et de la profanation. Il est vrai que 430 maisons des 1 200 encore debout en 1962 se sont effondrées. La Casbah se meurt, par petits bouts ou par pans entiers. Et rien ne semble vouloir arrêter son inexorable déchéance. La décrépitude est criarde et la déliquescence poignante. Mais elle fait encore illusion notre ville. Erigée en pente, avec ses rues tortueuses, ses sinuosités en escaliers, ses impasses et ses passages voûtés. Ah ses maisons en étagement enchevêtrées et solidaires, tels des légos imbriqués face au bleu de la Méditerranée ! Elle est à la fois un ravissement et un crève-cœur, Alger qui est avant tout la Casbah. Et l'antique citadelle ce sont jadis sept portes qui n'existent plus que dans la mémoire collective, par la grâce perpétuelle de la toponymie. Bab El Oued, Bab Triq Essor, Bab Azzoun, Bab Dzira, Bab Elbhar, Bab El Casbah et Bab Jdid. Voies d'accès à la vieille dame que l'armée française détruisit pour ériger la Place du Duc d'Orléans et les immeubles haussmanniens alentours. Mais oublions un instant le temps passé et présent de l'affliction pour demeurer dans l'évocation du merveilleux. Par exemple, celui de Le Corbusier qui jugea son urbanisme parfait. Celui des peintres orientalistes Eugène de Lacroix et Eugène Fromentin. Celui du miniaturiste Mohamed Racim. Encore et toujours encore, celui des musiciens, des cinéastes, des écrivains, des bédéistes, des artisans, des poètes et des chanteurs. Et de bien d'autres amoureux d'une ville tout en mystérieux méandres, avec ses mausolées, ses mosquées et ses médersas. Ses maisons alaoui, ses maisons à Kbou et ses autres masures à encorbellement. La casbah est tout autant la ville de l'Homme, de l'âne et des bourriquiers-éboueurs, seuls à pouvoir arpenter ce labyrinthe sans voitures. La Casbah qui, à l'origine, descendait jusqu'à l'Amirauté, c'est les parfums de jasmin et de messk éllil, le cestrum nocturnum, le roi des fragrances, le galant de nuit. C'est le châabi, avec les voix de jasmin de Cheikh Nador, le Cardinal El Anka, Hadj Mrizek Amar Ezzahi et de bien d'autres icônes artistiques. C'est la chanson judéo-arabe avec l'inoubliable Lili Boniche et tant d'autres légendes du merveilleux poétique. C'est le cinéma avec les frères Lumière qui filmèrent les illuminations et les sortilèges de la Casbah. C'est Jean Gabin dans le costume de Pepe le Moko. C'est la Bataille d'Alger, Gillo Pentecorvo, Ali La Pointe contre Bigeard, P'tit Omar, Hassiba Ben Bouali et les trois Djamila : Boupacha, Bouazza et Bouhired. C'est Abbane Ramdane et Larbi Ben Mhidi contre Robert Lacoste et Massu. La ville de Béni Mezghenna, c'est finalement mais jamais enfin «La Colline Visitée» par Rachid Mimouni et illustrée par Jacques Ferrandez. Sans oublier le mystère au miel des boqalas, «El Qaçba Zemân» de Kaddour M'hamsadji et «la Casbah Lumière» de Himoud Brahimi. Après tout, diriez-vous, c'est «Tahya Ya Didou» et Momo qui vante «Sa mienne Casbah». Qui chante «Encore Elle», qui s'écrie du môle d'Alger : «Alger la palombe, colombe ravie, les mouettes au port, les bateaux ancrés.»
N. K.

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