Le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aïssa a été clair «l'Algérie n'a pas besoin d'une tierce partie pour évaluer ses affaires religieuses ou lui donner des leçons (…) Nous n'avons pas besoin d'une tierce partie pour nous juger ou nous évaluer». Le ministre qui répondait à une question sur sa position du rapport du département d'Etat américain au sujet de la liberté religieuse en Algérie pour l'année 2015, en marge d'une session de formation au profit des hadjis, a également déclaré que «le ministère des Affaires étrangères apportera une réponse officielle au rapport américain sur les libertés religieuses dans le monde en 2015, lequel a salué les efforts déployés par l'Algérie pour faire respecter les libertés religieuses conformément à des garanties constitutionnelles et légales». Pour le ministre, «ce rapport positif est le meilleur qui soit rédigé sur l'Algérie, depuis que le Département d'Etat américain se soit penché sur cette question», ajoutant que «les auteurs de ce rapport ont bien saisi le concept d'équité et la politique adoptée par l'Algérie en termes de modération, de préservation de l'identité et de soutien au dialogue des civilisations». «Les lacunes relevées par ledit rapport sont dues à une incompréhension de notre culture nationale», a indiqué le ministre précisant que «l'Algérie demeure attachée à son appartenance culturelle et civilisationnelle et consacre la liberté de culte et de la pratique religieuse aussi bien dans sa Constitution que dans les lois de la République». Après avoir rappelé que «la justice algérienne incrimine quiconque insulte les prophètes ou dénigre les religions», M. Aissa a saisi l'occasion pour affirmer que le Code pénal allait s'appliquer à l'individu qui avait récemment porté atteinte à la religion musulmane et à la personne du prophète Mohammad (QSSSL). «La loi interdit, également, les campagnes de prosélytisme par l'exploitation des mineurs et des nécessiteux», a-t-il ajouté. Il y a lieu de rappeler que dans son rapport exhaustif sur les libertés religieuses dans le monde en 2015, le département d'Etat américain a souligné que la Constitution algérienne garantit la liberté de conscience et les lois accordent à chacun le droit de pratiquer sa religion dans le respect de l'ordre et de la réglementation publics. Il a également précisé que le Code pénal incrimine quiconque insulte les prophètes ou dénigre les religions. Il évoque cependant «des entraves significatives à la pratique religieuse», touchant notamment des chrétiens. Le rapport en question, préparé par la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale, pointe du doigt, entre autres, les «refus» de visas de travail dont se plaignent des religieux étrangers, la «non-reconnaissance» de leurs demandes pour la constitution d'une association, ou encore les difficultés administratives ou bureaucratiques perturbant leurs activités et surtout l'importation de livres et autres manuscrits religieux. Allant plus loin dans ses accusations en s'appuyant sur «des rencontres avec des officiels, des représentants de partis politiques, des ONG et les représentants du mouvement associatif et sur les écrits de la presse privée», il est affirmé dans le rapport que «la société algérienne est perçue comme antisémite». D'après le rapport en question, les citoyens de confession juive résidant en Algérie, se verraient dans l'obligation d'adopter les codes de la société algérienne pour se fondre dans la masse, tout en cachant leur appartenance religieuse pour éviter de potentielles agressions. Et il en veut pour preuve une vidéo mise en ligne sur Youtube par «Diga Man», un collectif qui effectue des caméras cachées et intitulée : «Juifs dans les rues de l'Algérie : ce qui va arriver». Sur cette vidéo, on peut notamment apercevoir un jeune homme du collectif portant une kippa marcher dans la rue. Ce dernier se fait harceler et insulter. Quel crédit peut-on accorder à cette vidéo ? Est-ce une mise en scène ? Un montage ? Et même si ce n'est pas le cas, une hirondelle ne fait pas le printemps. L'histoire de l'Algérie avec ses juifs ne suffit-elle pas à éclairer sur la nature des relations et de la cohabitation entre les Algériens musulmans et les citoyens de confessions juives. Faut-il rappeler ces Algériens de confessions juives qui avaient rejoint les rangs du FLN en 1956 ? Ces derniers partageaient les quartiers, les traditions, la langue et le pays avec les Algériens. Faut-il rappelé aussi cet extrait d'un tract de 1957 : «Nous sommes fiers de l'injure qu'on nous lançait comme un opprobre : oui, nous sommes des juifs indigènes algériens» ou encore cet appel du FLN de 1959 «nous nous adressons à tous ceux de nos compatriotes israélites qui se veulent algériens, mais qui se tiennent toujours en marge de la lutte de leur peuple et nous leur disons : vous faites partie intégrante du peuple algérien… Il s'agit de devenir des citoyens effectifs de votre véritable pays». «Vous faites partie intégrante du peuple algérien», c'est ce que des Algériens ont dit à leurs compatriotes juifs en 1959 déjà ! Même durant les années du terrorisme où chaque citoyen était menacé dans sa chair, les Algériens ont toujours exprimé leur solidarité et leur amitié aux étrangers de confessions autres que musulmanes. Faut-il rappeler les milliers de personnes qui ont assisté, en 1995, à l'inhumation, au cimetière chrétien de Tizi Ouzou, de trois des quatre pères blancs assassinés dans le presbytère de cette ville par un commando du GIA. La population avait tenu à manifester son deuil et sa réprobation à l'égard de l'acte barbare commis par le GIA. En Algérie, les synagogues sont nombreuses dans les principales grandes villes, mais aussi dans des petits villages très reculés. Elles n'ont été ni saccagées ni brûlées. Il faudrait peut-être rappeler, par ailleurs, les déclarations de Paul Desfarges, l'évêque de Constantine et d'Hippone depuis 2008 et Archevêque intérimaire d'Alger. Installé en Algérie dans les années 1970 et de nationalité algérienne depuis 1982, l'évêque a, dans une interview accordée en 2015, affirmé : «On peut dire que les chrétiens pratiquent leur religion en toute liberté en Algérie». Donc la vraie question qui doit être posée ce n'est pas si l'Algérie est antisémite. Car les Algériens ne sont pas antisémites, mais antisionistes. L'antisémitisme se définit comme le racisme à l'encontre des juifs. L'antisionisme, comme l'opposition au mouvement politique et religieux visant à l'établissement puis à la consolidation d'un Etat juif en Palestine. Or un amalgame est souvent entretenu entre ces deux termes et cette confusion doit cesser. Reste à la fin une dernière vérité à souligner, celle qu'une partie d'Algériens, comme partout dans les communautés religieuses, nourrissent une certaine haine confessionnelle envers les non musulmans sunnites. Ces derniers sont le produit de l'intégrisme salafiste wahabite. Le wahabisme est une doctrine exclusive qui nourrit la haine de tout ce qui n'est pas musulman sunnite, voire même de tout ce qui n'est pas du rite hanbalite. Cette doctrine s'est répandue de façon fulgurante à travers le monde musulman et même au-delà grâce aux pétrodollars, pour nourrir la haine confessionnelle non seulement contre les juifs et les chrétiens, mais aussi contre les chiites, les ibadhites, les alaouite, les druzes... Le wahabisme a attenté aux valeurs algériennes, à la culture et à l'islam ancestral. D'où les attitudes et les comportements non tolérants à l'égard des confessions autres que le sunnisme. H. Y.