C'est toujours le temps des vaches maigres et les deux médailles d'argent de Taoufik Makhloufi ne sont que l'arbre qui cache la forêt de l'incroyable indigence du sport algérien ! Avec ces deux performances inespérées, qu'il ne doit qu'à ses qualités d'extraordinaire performer, l'Algérie occupe la 62e place au classement des médailles des JO 2016. Sans Makhloufi, cela aurait été pire encore ! Notre pays perd surtout 13 places par rapport aux jeux de 2012, déjà grâce à la médaille d'or du même Makhloufi. Pis encore, il se retrouve à la cinquième position sur le plan africain, derrière le Kenya, l'Afrique du Sud, l'Ethiopie et la Côte d'Ivoire qui ont glané de l'or. Certes, sur le plan de la nature du métal, on a fait mieux que le Maroc, la Tunisie et l'Egypte, mais maigre consolation tout de même ! Finalement, on n'a que ce que l'on mérite et le tort n'est surtout pas imputable aux athlètes qui font ce qu'ils peuvent. Le sport algérien est surtout malade de son indigence structurelle et de la médiocrité inouïe de ses dirigeants. Des bureaucrates et d'anciens sportifs, souvent incompétents, ignares et, fait à toujours souligner, d'une sordide âpreté au gain, prêts à grenouiller tout le temps pour gratter des avantages au détriment de la préparation de l'élite athlétique. On ne le sait que trop, le sport algérien est malade. Ses pathologies sont archi-connues. Sous-équipement structurel et inexistence d'élites et d'encadrement de qualité. Mais il y a pire. Gangréné par un affairisme «beggariste» et un management de souk, il souffre notamment d'un autoritarisme bureaucratique qui croit susciter la dynamique et la performance sportives à coups de simples textes juridiques. Et c'est le président Abdelaziz Bouteflika qui en a fait lui-même le triste constat en 2009. A Sétif, il avait parlé «d'état de sinistre» et de «fonds de commerce» sordide ! Triste bilan de la calamité sportive nationale ! Vénalité et médiocrité sont donc les deux termes de l'équation de l'échec endémique, selon le constat même du chef de l'Etat. Et l'on se souvient par ailleurs que le sport algérien était tombé déjà dans le plus affreux des marasmes au milieu des années 1970. Les résultats internationaux étaient des plus médiocres. L'organisation du sport, caractérisée par l'incompétence et l'incurie, était frappée d'obsolescence. Le football, entre les mains de dirigeants à faibles capacités managériales, quand il ne s'agissait pas de maquignons du sport, était l'arbre qui cachait la forêt. Le 19 juin 1977, au stade du 5-Juillet d'Alger, lors d'une finale de Coupe d'Algérie, l'hymne national fut copieusement sifflé en présence du président de la République. Cet incident, qui avait beaucoup marqué Houari Boumediene, décidera alors du sort des sports, dont l'organisation subira de profonds changements. Dès les jours suivants, le Président, qui craignait beaucoup de voir mise à mal la cohésion nationale, mettra en place un collège d'experts chargés de plancher sur une vaste réforme. L'équipe de crânes d'œufs désignée planchera sur la question à la présidence de la République et concoctera durant l'été une réforme audacieuse, avant que ne soit effectué un large remaniement ministériel dès la rentrée de septembre. Djamel Houhou, un jeune cadre, issu de la diplomatie combattante du FLN fut nommé ministre de la Jeunesse et des Sports. Au premier Conseil des ministres de rentrée, le ton est donné : le sport algérien connaîtra une réforme profonde de structures, d'organisation, de philosophie, de méthodes et de moyens. Et sera encadré par de nouvelles élites plus compétentes, plus dévouées et plus désintéressés. Le principe en était simple : un sport amateur, dit de masse, confié aux communes, et un sport d'élite, qualifié de performance, voire de haute performance, géré et financé par les plus grandes entreprises publiques. Un système de formation fut également mis en place. Une véritable révolution ! Le sport national vivra par conséquent une décennie dorée, notamment le football, le handball, la boxe et l'athlétisme qui connaitront des heures de gloire sur la scène internationale. Le président Abdelaziz Bouteflika, qui avait vécu aux premières loges la réforme au forceps de 1977, pourrait être bien inspiré pour lancer cette fois-ci un vaste chantier de transformation des sports. Dans le même esprit qui a présidé à la grande réforme de 1977 où un facteur déclenchant (hymne national sifflé) et une situation sclérosée (nécrose du système sportif) ont rencontré une forte volonté politique, celle d'un chef d'Etat à l'immense pouvoir charismatique. A près de quatre décennies d'intervalle, des conditions similaires existent qui doivent favoriser une véritable révolution sportive. N. K.