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L'opposition russe en miettes
Des élections législatives sans surprise ?
Publié dans La Tribune le 20 - 09 - 2016

En devançant de près de 30 points le parti libéral démocrate (extrême droite), Russie unie a remporté sans surprise les élections législatives du 18 septembre. Outre la popularité de la politique extérieure du président Poutine, le parti pro-Kremlin a pu compter sur les divisions de l'opposition libérale. Associée à la thérapie de choc que plusieurs de ses chefs infligèrent au pays dans les années 1990, celle-ci n'a pas su capter le mécontentement exprimé dans la rue en 2011.
Cor Hou
A l'approche des élections, les leçons du passé semblent ne pas avoir été retenues. L'opposition démocrate-libérale a échoué, une fois encore, à former une coalition susceptible de lui assurer une représentation importante à la Douma, la Chambre basse du Parlement. Alors que les manifestations contre la fraude électorale en 2011 (1) lui avaient redonné vigueur, la campagne des derniers mois a accentué les querelles internes. Au total, les partis qui mettent l'Etat de droit et la liberté d'entreprendre en bonne place dans leurs programmes présenteront cinq listes séparées.
L'assouplissement des règles permettant de participer aux élections - qui fut concédé par l'exécutif après 2011 - a effectivement élargi l'offre politique (21 partis contre 7 en 2011), mais au prix d'une dispersion des forces. A quelques exceptions près, on note aussi peu de renouvellement des figures de proue du camp libéral que dans les autres partis. Les deux grands partis d'opposition représentés au Parlement, le Parti communiste et le Parti libéral-démocrate (nationaliste), ont les mêmes chefs depuis 1993 : MM. Guennadi Ziouganov et Vladimir Jirinovky.
Parmi les formations démocrates-libérales, le parti Iabloko, créé en 1993, offre un rare exemple de longévité. Il a été fondé par M. Grigori Iavlinsky, le concepteur du «programme des 500 jours» qui préfigurait la «thérapie de choc» appliquée par Egor Gaïdar, Premier ministre puis ministre de l'Economie entre 1991 et 1994, sous la présidence de Boris Eltsine. Associé à la débâcle économique et sociale des années 1990 (2), ce parti a rapidement décliné (3). Toutefois, son ancrage ancien dans le paysage politique ainsi que sa structuration régionale auraient logiquement pu l'imposer comme un pôle de ralliement. C'était sans compter le fractionnisme du camp libéral, un problème déjà ancien. Les représentants de l'aile la plus libérale des gouvernements Eltsine avaient été écartés des postes-clés lors de la crise de 1998 : Gaïdar, mais aussi Boris Nemtsov, ministre de l'énergie de 1997 à 1998 assassiné en 2015, M. Sergueï Kirienko, Premier ministre de mars à août 1998, ou encore M. Anatoli Tchoubaïs, artisan du programme de privatisation de l'économie et à différents postes du gouvernement entre 1992 et 1998. Ils ont formé en 1999 un second parti libéral, l'Union des forces de droite (SPS), dissoute en 2008. A leur suite, des responsables gouvernementaux en poste lors du premier mandat de M. Vladimir Poutine comme M. Mikhaïl Kassianov, Premier ministre de 2000 à 2004, ou M. Vladimir Milov, ancien ministre adjoint de l'Energie, ont rejoint les rangs de l'opposition. Le camp libéral devint alors un maquis de mouvements politiques, d'alliances éphémères et d'égos démesurés.
Cette vieille garde libérale a été éclipsée durant les manifestations de 2011 par quelques visages nouveaux, comme MM. Ilia Iachine (allié un temps à M. Kassianov) ou Alexeï Navalny. Populaire créateur d'un site Internet, Rospil, consacré à la traque de la corruption sur les marchés publics, ce dernier qualifie Russie unie, la formation de M. Poutine, de «parti des escrocs et des voleurs», une formule largement reprise par la rue. Candidat à la mairie de Moscou en 2013, il a remporté le score important de 27 % des suffrages. Associé au camp libéral en raison de sa posture d'opposant, il fut cependant expulsé de Iabloko en 2007 pour ses positions nationalistes et des propos jugés racistes sur les habitants du Nord-Caucase. Soumis depuis trois ans à une succession de tracasseries judiciaires, Alexeï Navalny ne peut pas être candidat, mais son Parti du progrès a lancé une «Coalition démocratique» pour prolonger la dynamique des manifestations de 2011 en vue des législatives de 2016. Cette coalition devait rallier Choix démocratique de M. Milov, une partie de Iabloko ainsi qu'une poignée d'autres formations autour d'un programme prônant un «développement de type européen» pour la Russie. M. Navalny avait pris soin de préciser que «ce (n'était) pas un parti libéral, mais une large union démocratique, où peuvent coexister des sociaux-démocrates, des libéraux, des conservateurs de type européen». Peine perdue le rassemblement a tourné à la foire d'empoigne avant les primaires du 29 mai 2016 qui ont connu un fiasco informatique (lire «Les primaires, version russe»). Les méthodes visant à discréditer l'adversaire qui avaient fait florès dans les années 1990 ont ressurgi. Mis en cause dans un documentaire diffusé sur la chaîne publique NTV, qui le montrait au lit avec une collègue en train de critiquer ses collègues de l'opposition, M. Kassianov a refusé d'abandonner la tête de liste, contre l'avis de ses alliés. Le 27 avril, MM. Navalny et Milov annonçaient la dissolution de la coalition après un autre débat stérile sur le partage des circonscriptions et la signature d'un mémorandum commun. Il est probable que quelques démocrates-libéraux soient élus grâce au retour du scrutin uninominal par circonscription pour la moitié des sièges. Mais ils n'ont guère de chance d'atteindre le seuil des 7% nécessaire au niveau national pour obtenir les sièges répartis à la proportionnelle et ne seront probablement pas suffisamment nombreux pour constituer un groupe parlementaire.
Les querelles internes n'expliquent qu'en partie l'échec des libéraux. Leur discrédit tient beaucoup à leur refus de reconnaître leurs erreurs des années 1990, qui ont polarisé la société entre une petite classe de vainqueurs - dont ils étaient - et une classe de perdants - dont ils ne se sont guère préoccupés. Tout au plus regrettent-ils, comme l'avait exprimé M. Nemtsov, avoir truqué l'élection présidentielle de 1996. Par ailleurs, depuis que Iabloko a perdu ses derniers députés à la Douma, en 2007, tous les partis et mouvements libéraux ont glissé dans une opposition hors système (c'est-à-dire non parlementaire), une position qu'ils revendiquent comme un signe de liberté et d'indépendance, mais qui consacre leur marginalisation. Car cette posture froisse une partie de l'électorat, qui rejette toute opposition frontale au pouvoir en place. Si l'on en croit un récent sondage (4), seulement 52% des personnes interrogées estiment que la Russie a besoin d'une opposition, et seulement 13% en vue «d'assurer une alternance du pouvoir». Près d'un tiers des sondés estime que l'opposition est inutile, car elle «affaiblit la société par des disputes en cette période difficile». Par ailleurs, contrairement à une large majorité de la population, la plupart des chefs de file de l'opposition démocrate-libérale ont désapprouvé l'annexion de la Crimée ou, pour le moins, la méthode utilisée pour y parvenir. M. Kassianov se déclara même, lors d'une conférence du think tank Atlantic Council, favorable aux sanctions occidentales. En avril 2015, son intervention devant le Congrès américain pour demander des sanctions contre huit journalistes accusés d'avoir attisé la haine contre M. Nemtsov avait déjà aggravé son image de personnage déloyal à l'égard de son pays.
Plus récemment, les milieux d'affaires ont constitué une nouvelle offre politique qui renoue avec l'idée en vogue dans les années 1990 selon laquelle la libéralisation de l'économie, prioritaire, débouche naturellement sur davantage de démocratie. Depuis 2008, on a compté au moins trois tentatives - rapidement avortées - de former un parti représentant les intérêts des industriels et milieux financiers (5). Parmi elles, celle de M. Mikhaïl Prokhorov, un milliardaire, dirigeant du syndicat patronal, qui avait acquis des parts du géant russe Norilsk Nickel au début des années 1990 (6). Son ancien parti, Cause juste, n'a obtenu aucun siège à la Douma, mais, à la présidentielle de 2012, son nom a rassemblé 7,7% des voix.
Cette formation était apparue comme une tentative de proposer un visage de gestionnaire rassurant aux électeurs urbains et éduqués et, surtout dans les régions, de séduire les patrons des petites et moyennes entreprises - en proposant notamment une semaine de 60 heures de travail contre 40 officiellement aujourd'hui. Dès le début de sa carrière politique, cependant, M. Prokhorov a dû se défendre d'être un homme de paille. Ainsi, au lendemain de sa candidature le célèbre journaliste Vladimir Pozner commençait son interview en lui citant un rapport américain qui décrivait Cause juste comme une «opposition loyale au Kremlin», puis le pressait de dire s'il avait «été choisi par Poutine ou par Medvedev».
Après avoir rapidement perdu le contrôle de Cause juste (devenue Parti de la croissance), M. Prokhorov a créé en 2012 la Plate-forme citoyenne, dont la direction lui échappe à nouveau ; chacune de ces formations présentera ses candidats aux prochaines élections. Les bureaux de sa société, Onexim, ont été perquisitionnés en avril 2016. On ignore s'il s'agissait d'un avertissement après la publication par son groupe de presse RBC de commentaires sur les «Panama Papers» impliquant l'entourage présidentiel, ou d'un nouveau signal du gouvernement aux Russes qui pratiquent l'évasion fiscale.
L'émergence de partis «probusiness» dénote une inflexion dans les règles du jeu que M. Poutine avait imposées aux hommes d'affaires dès son arrivée au pouvoir, et rappelées fermement avec l'arrestation en 2003 de l'oligarque Mikhaïl Khodorkovsky (libéré en 2013). Interdites d'accès à la politique, les grandes fortunes russes, souvent mal acquises, devaient, en échange de la clémence du pouvoir, concourir à la «modernisation» de l'économie. Entendre : s'enrichir, mais sans nuire aux intérêts nationaux, voire en les servant, comme l'ont illustré les généreuses contributions du secteur privé à la construction des infrastructures des Jeux olympiques de Sotchi.
L'émergence d'une nouvelle génération d'entrepreneurs ainsi que la crise de 2008 a poussé M. Poutine à redéfinir les termes de ce contrat. En décembre 2014, dans son discours à l'Assemblée fédérale, le président proposait «une relation entre la communauté des affaires et l'Etat construite sur une cause commune, un partenariat et un dialogue entre égaux». En échange de la mobilisation des élites économiques pour le relèvement de l'économie, il promettait de libérer les entrepreneurs de la «supervision abusive» des organes de contrôle administratif, une amnistie totale sur les capitaux rapatriés - bref, des mesures très libérales, auxquelles est venue s'ajouter cet été l'annonce de nouvelles privatisations dans les secteurs du pétrole, de l'extraction diamantaire ou encore du transport aérien.
Au fond, cette droite issue des milieux d'affaires partage les positions de l'aile libérale de l'exécutif, que le président a récemment renforcée pour crédibiliser son programme économique auprès des investisseurs étrangers. Le directeur de la Sberbank, M. Guerman Gref, et surtout l'ancien ministre des Finances Alexeï Koudrine - qui s'était joint aux manifestants de 2011, tout en gardant un contact personnel avec le Président - sont revenus sur le devant de la scène. Le second a intégré la toute-puissante administration présidentielle, avant de s'aventurer sur le terrain de la politique étrangère, exhortant le président à «réduire les tensions géopolitiques pour le bien de l'économie russe», car, dit-il, la Russie «doit s'intégrer dans la chaîne internationale afin de réduire le fossé technologique» (7).
Arbitre entre cette aile libérale, souvent pro-occidentale et une aile étatiste plus préoccupée de la grandeur du pays, M. Poutine a entrepris une reprise en main de secteurs vitaux, notamment de l'énergie, tout en assurant un large espace au marché dans les autres domaines. Ce faisant, l'exécutif, comme les partis «probusiness», conteste à l'opposition démocrate-libérale le monopole du libéralisme économique, en lui laissant la critique de l'autoritarisme et de la bureaucratisation. Si les manifestations de 2011 ont montré qu'une partie de la population aspirait à davantage d'ouverture politique, les récentes concessions du pouvoir (retour à l'élection des gouverneurs, simplification de la procédure pour créer un parti, baisse du nombre de parrainages requis pour être candidats, ouverture des primaires de Russie unie à tous citoyens, etc.), sont pour l'opposition libérale un cadeau empoisonné. Quittant la rue pour les urnes, elle apparaît encore plus divisée.
N. B.
Politologue, éditrice du site Inside Russia & Eurasia.
(1) Lire Jean-Marie Chauvier « “Révolution blanche”, drapeaux rouges et forces de l'ombre », La valise diplomatique, 22 décembre 2011.
(2) Françoise Daucé, « Iabloko ou la défaite du libéralisme politique en Russie », Critique Internationale, no 22, Paris, janvier 2004.
(3) En 2003, le parti recueillait 3,4 % des voix et 4 sièges de députés sur 450, contre respectivement 7,8 % et 27 en 1993.
(4) Sondage du centre Levada cité par Interfax, 13 mars 2016.
(5) Kommersant Vlast, Moscou, 22 février 2016.
(6) Il s'est fait connaître en France suite à son arrestation dans son chalet de Courchevel puis une garde à vue dans le cadre d'une instruction pour «proxénétisme aggravé». Entendu par la justice en tant que témoin assisté, il n'avait plus été inquiété par la suite.
(7) « Kudrin urges Putin to ease geopolitical tensions for economy », The Moscow Times, 30 mai 2016.
In Le Monde Diplomatique


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