Toutes les six semaines, lors de sa conférence de presse, le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, défend l'idée que sa politique monétaire ultra-accommodante ne peut fonctionner sans «l'utilisation des espaces budgétaires disponibles» et sans les «réformes structurelles». Les dirigeants de la BCE lui emboîtent souvent le pas, ne manquant jamais une occasion d'en appeler aux «réformes structurelle» comme une des solutions au marasme économique européen. D'autant que la solution budgétaire tombe, dans la structure actuelle de la zone euro et compte tenu de la mauvaise volonté allemande, à plat. Toutes les six semaines, lors de sa conférence de presse, le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, défend l'idée que sa politique monétaire ultra-accommodante ne peut fonctionner sans «l'utilisation des espaces budgétaires disponibles» et sans les «réformes structurelles». Les dirigeants de la BCE lui emboîtent souvent le pas, ne manquant jamais une occasion d'en appeler aux «réformes structurelle» comme une des solutions au marasme économique européen. D'autant que la solution budgétaire tombe, dans la structure actuelle de la zone euro et compte tenu de la mauvaise volonté allemande, à plat. Une task force pour pousser les réformes ? Est-on sur le point de passer à la vitesse supérieure ? Selon une dépêche Bloomberg publiée ce mercredi 21 septembre et citant des «personnes familières avec le dossier», la BCE aurait mis sur pied au printemps une «task force sur les réformes économiques». Son but serait de «répondre au mécontentement de la BCE concernant la mauvaise volonté des gouvernements». La «principale inquiétude», selon Bloomberg, serait que le mouvement de réformes «qui s'est développé durant la crise de la dette de la zone euro se réduit». Cette «task force» sera-t-elle donc un moyen de faire pression sur les gouvernements pour favoriser une politique de l'offre et développer un programme de réformes pour chaque pays ? En d'autres termes, ce groupe est-il la préfiguration d'une forme de «troïka» permanente chargée de donner des prescriptions aux Etats ? Le terme de «task force» rappelle immanquablement le groupe de fonctionnaires européens dirigé par l'Allemand Horst Reichenbach envoyé à Athènes en 2011 pour «réformer le pays». Ce groupe, dont l'audit a prouvé les limites en février dernier, avait été incapable de se démarquer de la troïka et était devenu hautement impopulaire en Grèce. Pas de prescriptions aux Etats Dans l'immédiat, ce groupe ne semble pas avoir une telle fonction. Selon une source proche du dossier contactée par la Tribune, qui confirme la création de cette équipe, il ne s'agirait pas d'une «task force», mais d'un «groupe de travail». Sa fonction serait «d'étudier l'impact des réformes pour affiner le jugement de la BCE sur leur impact macroéconomique». «Il s'agit de déterminer, par exemple, quelle réforme pourrait le plus favoriser la croissance compte tenu de son coût politique», indique cette source. Mais, ajoute-t-elle, «en aucun cas, il ne s'agit de donner des prescriptions aux Etats et la BCE ne dictera rien à personne». Le groupe de travail sur les réformes, qui ne s'est du reste pas encore réuni, aurait donc pour fonction d'alimenter la réflexion des instances dirigeantes de la BCE, mais aussi le débat entre les institutions européennes avec lesquelles la BCE est en contact permanent. Ce «groupe de travail» ne serait donc pas une forme de «troïka», chargé de rédiger un programme de réformes structurelles pour les gouvernements. Du reste, il n'y aura pas, assure-t-on à Francfort, de «rapport» ou de «conclusions» de ce groupe de travail. Des réformes floues aux effets incertains Le terme de «réformes structurelles» est un terme assez flou pour qu'on puisse y placer ce qu'on veut, en fonction de son école de pensée et de sa position en Europe. Le terme est cependant souvent employé pour décrire des politiques favorisant l'offre, comme les réformes du marché du travail. L'impact de ces réformes sur le plan macroéconomique est cependant des plus contesté. La crise de la zone euro et les politiques imposées aux pays jugés non compétitifs ont conduit à des résultats pour le moins contrastés en termes d'emplois. Une étude récente, par exemple, estimait que la flexibilité salariale n'était pas une solution efficace dans une union monétaire. La tâche du groupe de travail de la BCE est donc en théorie immense et ses conclusions bien incertaines. Mais du moins, si son travail n'est qu'informatif, n'est-il pas inutile pour en finir avec un simplisme trop répandu, celui d'une certaine «magie des réformes». Equilibre précaire entre relance et réformes Reste que, quel que soit l'aspect «inoffensif» ou non de ce groupe de travail, l'importance donnée par la BCE aux réformes structurelles est significative de la position inconfortable de l'institution dirigée par Mario Draghi. En juillet, ce dernier avait insisté sur la nécessité d'accélérer les «réformes structurelles». Mardi, dans une interview accordée à L'Opinion, l'économiste en chef de la BCE Peter Praet, a beaucoup insisté sur ces «réformes». Ce discours est, dans la rhétorique de la BCE mis à égalité avec la politique budgétaire. En réalité, la Banque centrale ne semble s'autoriser à parler que de relance budgétaire - et en septembre, Mario Draghi a beaucoup insisté sur ce point - si et seulement si elle exige, en parallèle de «réformes». C'est un message envoyé à Berlin où l'on pense que seules ces «réformes» peuvent dynamiser la croissance. Mais, au final, cet équilibre nuit à l'objectif de la BCE. Car si Berlin ne veut pas de relance européenne sans réformes, les autres pays prétendent ne pouvoir réformer sans relance. C'est tout le discours de Matteo Renzi ces derniers jours. Chacun campe ainsi sur ses positions et peut s'appuyer sur la BCE. Quelle priorité pour la BCE ? Pourtant, entre réformes structurelles et relance, la priorité de la BCE devrait être claire. Les réformes structurelles au sens où l'entendent généralement les institutions européennes et les gouvernements, ont pour fonction de favoriser la compétitivité et le bon fonctionnement des marchés. Elles ont souvent un effet - au moins à court et moyen terme - déflationniste. Cet effet peut être ou non durable, mais, compte tenu de la situation actuelle de la zone euro et de l'absence de dynamique inflationniste, la BCE ne peut que se montrer prudente avec ce type de méthode. A l'inverse, une politique de relance, et notamment d'investissement public, permettrait d'offrir rapidement des débouchés «réels» aux fonds déversés chaque mois par la BCE sur les marchés en espérant qu'ils se transmettent à la demande. La priorité devrait donc être donnée à cette politique. C'est ce qui se passe en Chine, au Royaume-Uni ou au Japon, par exemple. Du reste, les effets macroéconomiques de ces politiques peuvent être contestés, mais ils le sont tout autant que ceux des «réformes». Mais politiquement, l'affaire est trop difficile à faire accepter pour la BCE. La tentation est donc constante de mettre l'accent vers les «réformes structurelles» pour cacher les grandes failles du policy mix européen. Ce nouveau groupe de travail de la BCE traduit cette tentation. L'avenir dira s'il s'attachera réellement à creuser l'intérêt de ces réformes ou s'il s'agira, comme le suggère plutôt Bloomberg, de tracer l'ébauche d'une politique paneuropéenne de l'offre qui exercera une pression indirecte sur les Etats. En clair, il s'agira de savoir si ce groupe de travail change ou non l'équilibre rhétorique de la BCE entre relance et réformes. Si l'on met l'accent sur la deuxième option, il s'agira sans doute d'offrir des gages à Berlin pour la convaincre d'agir sur le plan budgétaire. Un pari qui serait très incertain à un an d'élections allemandes dominées par la présence des Eurosceptiques d'AfD et qu'il n'est pas certain que Mario Draghi soit prêt à prendre. R. G. In latribune.fr