Face à l'urgence d'agir pour tenter de surmonter définitivement la crise de la dette préconisée par certains responsables européens, la chancelière Angela Merkel a répété sa préférence pour un tempo plus lent, alors que le président de la BCE Mario Draghi a affiché son optimisme sur l'issue de la crise. "La crise n'est pas arrivée en une nuit. Par conséquent, nous avons besoin de prendre une longue respiration pour la surmonter", a déclaré la chancelière allemande, à l'occasion du congrès de la fédération allemande de l'industrie (BDI) à Berlin. L'image est claire: pour la chancelière, souvent critiquée à l'étranger pour la lenteur de ses réactions face à la crise mais louée chez elle pour son sang-froid, Rome ne s'est pas fait en un jour et la sortie de crise de la zone euro non plus. Au cœur des différends actuellement: la mise en place d'une surveillance européenne des banques proposée par la Commission européenne et confiée à la Banque centrale européenne (BCE). Forte supervision des banques dit Merkel Si le principe ne fait pas débat, les contours et le calendrier de ce superviseur, devant permettre d'éviter toute répercussion en cascade des difficultés d'une banque européenne, sont sujets à divergences. "Je suis favorable à une plus forte supervision des banques", a déclaré Mme Merkel. "Mais (cela) doit amener davantage d'obligations. Je ne peux pas me prononcer sur la recapitalisation de banques dans un autre pays si je n'ai pas encore créé le droit d'intervenir", a-t-elle argumenté. Cela doit donc se faire "pas à pas, dans l'ordre et pas trop vite", a ajouté la chancelière, alors que Paris plaide pour une mise en place dès le début de l'année prochaine. Dans l'après-midi, Mario Draghi a assuré qu'il était "confiant" dans le fait "que les gouvernements vont trouver un accord sur le cadre approprié", lors du même congrès du BDI. Premiers effets du rachat de dettes d'état par la BCE Dans un élan d'optimisme, M. Draghi, qui défendait sa politique devant une audience sceptique, a assuré voir "un certain nombre de raisons d'être positif sur la direction qu'est en train de suivre la zone euro". Selon lui, les premiers effets du nouveau programme de rachat de dettes d'Etat décidé par la BCE début septembre commencent à se faire sentir. "La zone euro fait des progrès. Et les investisseurs sont prêts à réinvestir aux premiers signes de stabilisation". Mais l'action de la BCE peut "seulement construire un pont vers un futur plus stable", à charge pour les Etats de prendre les mesures structurelles nécessaires pour étayer ce pont. Mme Merkel, et M. Draghi, ont d'ailleurs, à l'issue d'un entretien privé en milieu de journée, assuré "qu'il faut toujours en Europe -aussi bien sur le plan national qu'au sein de l'Union monétaire- être tout à fait disposé à des réformes, pour atteindre une meilleure compétitivité et être de nouveau digne de confiance", selon un communiqué. Mais nombre de responsables européens jugent que le temps continue de presser sur plusieurs dossiers sensibles, alors que les inquiétudes sur l'état de la zone euro, un temps assoupies, se ravivent. La remontée des taux obligataires de l'Italie et l'Espagne -deux pays en proie aux manifestations de leur population contre la cure d'austérité administrée- en sont une illustration. Eventuelle restructuration des créances détenues par la BCE La Grèce, qui a un "problème de financement" persistant selon la patronne du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde, a connu une nouvelle grève générale, hier, contre des mesures d'austérité supplémentaires en préparation. Athènes a par ailleurs dit travailler à une éventuelle restructuration de ses créances détenues par la Banque centrale européenne (BCE). Cette dernière a refusé de commenter cette information mais une source européenne à Bruxelles a confirmé qu'il faudra "réévaluer la situation", ce qui laisse augurer un nouveau plan d'aide. Toutefois, le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble a appelé, à l'issue d'une rencontre, avant-hier, à Helsinki, avec ses homologues finlandais et néerlandais, à attendre avec patience le rapport de la troïka des créanciers internationaux de la Grèce, plutôt que de se perdre en "spéculations". "Telle est la situation, le reste est de la spéculation", a-t-il déclaré. Signe toutefois d'agitation en coulisses pour unifier les points de vue sur la situation européenne, la chancelière a rencontré, hier, Christine Lagarde. Aucune déclaration publique n'était prévue. A Francfort, le président de la Bundesbank Jens Weidmann, qui s'oppose publiquement aux mesures de soutien adoptées par la BCE, a reçu le ministre italien des Finances Vittorio Grilli.