GNVert, filiale d'Engie qui exploite la large majorité des stations GNV publiques en France, a vu le rythme de ses ouvertures se multiplier sensiblement au cours des années : d'une par an en 2012, on est passé à 10 en 2016, alors qu'une quinzaine sont prévues pour 2017. Première alternative mondiale à l'essence et au diesel, le gaz naturel n'est encore utilisé en France que par quelques milliers de véhicules, notamment des poids lourds. Pourtant, dans sa forme renouvelable, il pourrait contribuer à divers objectifs de la loi de transition énergétique. Pour dynamiser l'offre comme la demande, l'Ademe vient de lancer un appel à projet, alors que 15 millions d'euros seront consacrés à la construction d'une dizaine de stations en Île-de-France. 13 500 véhicules dans l'Hexagone, contre plus de 18 millions dans le monde et un million en Italie. Et une quarantaine de stations ouvertes au public alors qu'elles sont, respectivement, 990 et 840 outre-Alpes et en Allemagne. La France n'est décidément pas à la pointe dans le développement du gaz naturel pour véhicules (GNV), d'origine fossile comme renouvelable. Un retard sans doute lié à la place privilégiée traditionnellement réservée à l'électricité en France, puis aux politiques publiques de soutien au diesel, et désormais fruit d'un enchaînement vicieux entre la rareté de l'offre et de la demande : ce n'est sans doute pas un hasard si les quelques véhicules roulant au GNV en France sont essentiellement des bus, des bennes à ordures et des flottes d'entreprises disposant de stations privatives pour s'alimenter. Peu d'oxydes d'azote et de particules fines Pourtant, de nombreux avantages sont reconnus à ce carburant, du moins par rapport à l'essence et au diesel, dont il représente aujourd'hui la première alternative dans le monde : les véhicules alimentés au GNV émettent dans l'atmosphère très peu d'oxydes d'azote ainsi que de particules fines - aujourd'hui considérées par l'Organisation mondiale de la santé comme un problème de santé majeur. Il présente aussi un intérêt en matière de sécurité énergétique : «Les réserves de gaz sont importantes et leur répartition géographique est moins concentrée à l'échelle de la planète que celles de pétrole», lit-on dans une fiche dédiée du ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer. Compris entre 0,70 € et 1,20 euros par litre équivalent gazole, le coût à la pompe du gaz carburant est d'ailleurs, en moyenne, inférieur de 50% par rapport à l'essence et de 30% par rapport au diesel, calcule le réseau de distribution Grdf. Quant à son impact en matière d'émissions de gaz à effet de serre, les avantages de la combustion de GNV par rapport à celle d'essence ou de diesel restent discutés. Ils sont néanmoins indéniables si l'on prend en compte l'ensemble du cycle de vie du bioGNV, considéré comme l'avenir de la filière : du biométhane qui peut être produit localement à partir de déchets organiques ménagers ou agricoles et des eaux usées. Son intégration au GNV classique ne demande aucune adaptation technique, soulignent les acteurs du secteur, puisque les deux gaz se mélangent parfaitement : un atout pour garantir une montée en puissance progressive de la part du carburant renouvelable. Cerise sur le gâteau de ce modèle d'économie circulaire, sa production génère comme résidu un engrais naturel. La comparaison avec l'alimentation électrique dépend en revanche de la source, renouvelable ou pas, du gaz et de l'électricité. Mais par rapport aux véhicules électriques, ceux qui roulent au GNV bénéficient sans doute aujourd'hui de beaucoup plus d'autonomie : jusqu'à 500 km pour un poids lourd voire 1 000 pour un véhicule léger. Ces derniers sont d'ailleurs toujours des hybrides, pouvant passer de l'utilisation de l'essence au gaz et vice-versa. L'UE exige une station toutes les 150 kilomètres Afin de réduire l'impact environnemental des transports français, qui aujourd'hui pèsent pour 30% des émissions de GES, «le GNV a donc sa place dans le mix énergétique», estime le président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Bruno Léchevin. En vue de la disparition du diesel et tant que les performances de l'électrique restent limitées, «le GNV semble d'ailleurs essentiel afin de répondre aux besoins des flottes de poids lourds», qui tout en comptant pour 5% du trafic routier français sont à l'origine de 21% des émissions de GES, estime le député UMP des Hauts-de-Seine Jean-Jacques Guillet. Les autorités françaises tentent alors de rattraper le retard dans le développement de ce carburant qui, notamment dans sa forme renouvelable, semble d'ailleurs pouvoir contribuer à plusieurs objectifs fixés pour 2030 par la loi de transition énergétique : plus de 30% de la consommation finale d'énergie venant des renouvelables, 10% de carburant renouvelable dans les transports, ainsi qu'une réduction de 40% des émissions de GES françaises par rapport à 1990. Une croissance du marché de 3% Il s'agit également de répondre aux exigences de l'Union européenne, dont une directive de 2014 invite les Etats membres à mettre en place avant 2026 un nombre approprié de stations de ravitaillement en GNV ouvertes au public, idéalement tous les 150 km. Un amortissement fiscal supplémentaire exceptionnel de 40% vient ainsi en aide, depuis la fin de l'année dernière, aux entreprises qui veulent investir dans des véhicules de plus de 3,5 tonnes roulant au GNV. Fin juillet, l'Ademe, qui mise sur 45% de l'énergie consacrée aux transports en France venant du gaz et notamment du biogaz en 2050, a pour sa part lancé un appel à projets. Financé par le Programme d'investissements d'avenir (PIA), il consacre jusqu'à 300 000 euros par projet au déploiement de tant de stations publiques que de flottes de véhicules GNV. Un partenariat a en outre été signé fin 2014 entre le Syndicat intercommunal pour le gaz et l'électricité en Île-de-France (Sigeif), la ville de Paris et le groupe La Poste, visant à développer dans la région - qui soutient financièrement l'initiative - un réseau d'une dizaine de stations publiques d'avitaillement. La première, qui sera exploitée par la société espagnole Endesa, ouvrira en octobre 2016 sur le port fluvial de Bonneuil-sur-Marne. A partir de 2018, trois stations pourraient voir le jour chaque année. L'investissement, d'une quinzaine de millions d'euros, sera porté par une société d'économie mixte constituée ad hoc et dotée d'un capital de cinq millions d'euros. «Il faut que le public intervienne pour pallier les hésitations du privé face à la faiblesse de la demande», explique Jean-Jacques Guillet, président du Sigeif, qui précise : alors que chaque station coûte quelque 1,3 million d'euros, le retour sur investissement demande une quinzaine d'années. Grâce à ces coups de pouce, le marché croît donc, doucement : en 2015, il a augmenté de 3%, et GRDF mise sur une multiplication par trois de la consommation globale en 2020. GNVert, filiale d'Engie qui exploite la large majorité des stations GNV publiques en France, a vu le rythme de ses ouvertures se multiplier sensiblement au cours des années : d'une par an en 2012, on est passé à 10 en 2016, alors qu'une quinzaine sont prévues pour 2017. La RATP s'est fixée comme objectif pour 2025 de diminuer de 50% son bilan carbone en remplaçant 80% de sa flotte par des bus électrique et 20% (pour les trajets plus longs) par des bus GNV. Un soutien fiscal encore insuffisant Tous les freins ne semblent pour autant pas levés, et des questions restent ouvertes. La limitation aux poids très lourds du sur-amortissement autorisé par la loi ne favorise pas encore suffisamment l'investissement dans des véhicules GNV: ils coûtent en effet 25% de plus que les véhicules à essence ou diesel et ne connaissent pas encore de marché d'occasion, regrette la société Vir Transport, qui en utilise une soixantaine pour assurer les livraisons de certains de ses clients, parmi lesquels Ikea. «Tant que les constructeurs français n'investiront pas dans le gaz carburant, le seul marché qui peut avoir un avenir est celui B2B», estime par ailleurs Philippe Van deven, directeur général de GNVert. Aujourd'hui, le marché européen est dominé à 50% par l'Italien Fiat, et pour le reste par les Allemands Volkswagen et Opel. Mais l'avenir du GNV dans le cadre de la transition énergétique décrétée par Ségolène Royal dépendra surtout de celui du biogaz, et de la capacité des collectivités territoriales de s'engager dans la méthanisation. Les acteurs se montrent optimistes : «Nous croyons particulièrement au BioGNV, dont les études montrent qu'il peut permettre aux territoires d'allers vers un équilibre carbone», affirme le directeur général de Grdf, Edouard Sauvage. «Le bioGNV est en train de mûrir rapidement», estime pour sa part Jean-Jacques Guillet. Aujourd'hui, malgré l'existence d'un système de subventions financé par l'achat de certificats de garantie, seulement 24 sites injectent du bio-méthane dans le réseau français, souligne Véronique Bel, chef de projet mobilité chez Grdf. Mais elle garde confiance : 400 projets sont à l'étude, et les déchets annuels de 7 000 habitants permettraient à un bus de rouler pendant un an. G. G. In latribune.fr