L'Australie va-t-elle devoir choisir entre les Etats-Unis et la Chine ? La question est de plus en plus souvent posée sur l'île-continent. Elle est «à la mode», minimisait Malcolm Turnbull, le Premier ministre, début septembre. L'Australie va-t-elle devoir choisir entre les Etats-Unis et la Chine ? La question est de plus en plus souvent posée sur l'île-continent. Elle est «à la mode», minimisait Malcolm Turnbull, le Premier ministre, début septembre. Certains la jugent saugrenue tant l'alliance avec Washington reste la priorité de la politique étrangère australienne. Celle-ci est née avec la seconde guerre mondiale et l'Australie, fidèle parmi les fidèles, a participé, aux côtés des Etats-Unis, aux guerres de Corée, du Vietnam, et a répondu présente en Afghanistan, en Irak, en Syrie. «Les Etats-Unis ont certainement des amis plus importants, plus riches. Je veux que vous sachiez que les Etats-Unis n'auront jamais un ami plus fiable que l'Australie», assurait, en 2014, l'ex-Premier ministre Tony Abbott à Barack Obama. Mais le poids et l'influence de la Chine grandissent dans le pays. Comme le résume le docteur Michael Fullilove, du think tank Lowy Institute, «notre principal partenaire commercial, la Chine, est devenu le rival le plus sérieux de notre principal allié, les Etats-Unis». Dans un sondage, le Lowy Institute a interrogé les Australiens : quel est le pays le plus important pour l'Australie ? 43% ont répondu les Etats-Unis et 43% la Chine. 900 000 habitants d'origine chinoise Comme dans tant d'autres pays de la région Asie-Pacifique, la Chine est devenue incontournable économiquement. Pour l'agence financière Bloomberg, l'Australie est l'économie la plus dépendante de la Chine parmi les pays développés. Un accord de libre-échange entre les deux pays est entré en vigueur en 2015. L'Australie exporte son fer et son charbon. Les agriculteurs vendent leur lait, leur vin, leur viande, etc. Les étudiants chinois remplissent les caisses des universités australiennes. Dans des filières comme le commerce, dans certaines universités, ceux-ci sont plus nombreux que les Australiens. La croissance du secteur touristique est en grande partie portée par ces visiteurs venus de la République populaire. En 2015, ils ont été plus d'un million, une hausse de 22% par rapport à l'année précédente. Par ailleurs, la communauté chinoise grossit : sur les 24 millions d'habitants que compte l'Australie, environ 900 000 sont d'origine chinoise et plus de la moitié d'entre eux sont nés en Chine. Depuis la fin août, c'est l'influence de Pékin dans la politique qui occupe les esprits. Les Australiens ont découvert le poids des donations chinoises à leurs partis et prennent conscience du soft power exercé par Pékin. Le média public ABC a révélé que des personnes et des entreprises en lien avec la Chine ont versé plus de 5,5 millions de dollars (3,7 millions d'euros) aux Libéraux et aux Travaillistes en deux ans. L'ambassadeur des Etats-Unis en Australie, John Berry, n'a pas mâché ses mots : «Nous avons été surpris par l'ampleur de l'implication du gouvernement chinois dans la politique australienne», a-t-il lâché au quotidien The Australian. Une réforme serait la bienvenue pour se protéger «contre l'influence indue de gouvernements qui ne partagent pas nos valeurs». Une certaine irritation Ce n'est pas la première fois que les agissements de la Chine en Australie provoquent une certaine irritation à Washington. Il y a moins d'un an, le port de Darwin, dans le nord du pays, était au centre de l'attention. L'Australie a octroyé un bail de 99 ans pour la gestion de ce port à une entreprise chinoise, qui, selon des médias australiens, aurait des liens avec l'Armée populaire de libération. Or, des centaines de militaires américains sont basés à Darwin et transitent par ce port. Ils seront 2 500 en 2017, en vertu d'un accord signé en 2011. «Prévenez-nous la prochaine fois», aurait lâché Barack Obama au Premier ministre australien. Washington aurait découvert l'accord une fois signé, dans les colonnes du New York Times. Depuis, Canberra scrute à la loupe les investissements chinois, au risque de froisser ce si précieux partenaire. Le gouvernement a rejeté en août, au nom de la sécurité nationale, l'offre de groupes chinois et hongkongais de reprendre l'exploitation du réseau électrique de la Nouvelle-Galles du Sud, l'Etat où se trouve Sydney. L'Australie a également opposé son veto à des offres de rachat chinoises du plus grand ranch du monde, la Kidman station, qui s'étale sur 2,5% des surfaces agricoles australiennes. Pékin n'a pas caché son agacement. Inquiétude L'Australie marche sur des œufs avec la Chine. Son influence croissante inquiète d'autant plus que ses prétentions territoriales grandissent, comme en mer de Chine méridionale, par laquelle transite 60% du commerce australien. Washington a envoyé sa flotte dans les eaux disputées, au nom de la «liberté de navigation» et pour transmettre un message de fermeté à Pékin. Canberra n'a pas pris part à ces opérations. «Nous ne souhaitons pas une escalade des tensions. Nous appelons à l'apaisement», explique Julie Bishop, la ministre des Affaires étrangères australienne. Mais l'île-continent investit lourdement dans sa défense : le budget va passer de 32,4 milliards de dollars australiens (22 milliards d'euros) actuellement, à 58,7 milliards (39,9 milliards d'euros) en 2026. Les relations avec la Chine et avec les Etats-Unis figurent bien en tête des préoccupations. D'ici à vingt ans, «la moitié des sous-marins et des avions de combat du monde» se trouveront dans la région indo-pacifique, selon Canberra. L'Australie va doubler sa flotte de sous-marins pour en avoir douze ; c'est le programme de défense le plus important de son histoire. Le constructeur naval français Dcns a décroché le contrat, en avril, face aux Japonais et aux Allemands. La compétition a été surveillée de près par les Américains et c'est bien eux, les alliés historiques, qui fourniront les systèmes de combat. C. T. In lemonde.fr