Les patrons ont le blues, titre un canard électronique. Bref, ils dépriment. Et cette déprime se renforce chaque fois que le débit du robinet de la commande publique faiblit ou se tarit. Ah ! ils ont le bourdon les camarades privés, de plus en plus privés des dépenses de l'Etat qui sont le moteur fondamental de la croissance. Et par ces temps de prix de pétrole anémique, la réduction importante des investissements publics inquiète beaucoup nos privés nourris depuis toujours à la mamelle de l'Etat investisseur. Et l'inquiétude est encore plus manifeste dans le secteur du BTP, principal pourvoyeur d'emplois, et qui est lourdement frappé par le gel ou l'annulation de projets importants. Et lorsqu'ils sont assez inquiets, ils pointent de plus belle chez l'Exécutif le «flou total», c'est-à-dire, «l'absence de vision et de stratégie». Fondées ou pas, leurs craintes et leurs critiques révèlent toutefois chez eux une incapacité structurelle à créer eux-mêmes de la richesse et de la valeur ajoutée. Autrement qu'à s'abreuver principalement aux sources naguère généreuses de la dépense publique. Les vaches maigres et les lendemains incertains les font même flipper ! Et ils l'ont fait savoir bruyamment dans les coulisses de leur seconde université d'été, sous la bannière du FCE. Mais ils veulent quoi au juste nos privés, longtemps dopés par la commande publique et qui ont pris de l'embonpoint financier grâce au prix subventionné des matières de base à forte valeur sociale ajoutée (blé, lait, sucre, huiles) ? Eh bien, ils veulent des «réformes rapides, concrètes et efficaces». Libérales au maximum. Celles qui leur permettent de payer le moins de taxes et de charges possibles. Celles-là mêmes qui leur donneraient la possibilité de licencier quand ils veulent et comme ils veulent, selon le sacro-saint principe ultra libéral de la «flexibilité» du marché de l'emploi. C'est cela la réforme ici, maintenant et sans coup férir qu'ils appellent de tous leurs vœux, sans se soucier le moins du monde de la casse sociale subséquente. Pourtant, cette crise économique a ceci de bon qu'elle jette une lumière encore plus crue sur le fait que des hommes d'affaires ont acquis des monopoles de fait ou des positions dominantes. Etat de fait favorisé par la politique de redistribution de la rente en vigueur durant les années 1990 et accélérée depuis 2000. Et traduit par un accès privilégié aux marchés publics et aux crédits bancaires publics les plus avantageux. Cet immense privilège acquis avait pourtant une contrepartie : créer de la richesse et non pas se soucier exclusivement de l'élargissement de sa surface financière ; autrement dit accumuler de l'argent en investissant peu dans l'emploi productif. Ces magnats du fric, même s'ils créent de l'emploi, n'investissent pas dans l'emploi massif et la formation. Ils ne créent pas ou si peu de la valeur ajoutée et de la richesse, même quand ils entrent dans des partenariats avec des étrangers. Des associations qui ne favorisent pas pour autant les transferts de technologie vers l'Algérie. Donc, trêve de jérémiades ! Il est attendu de nos privés de s'organiser pour construire un grand patronat. De le construire pour en faire une force de proposition dynamique. Et, rêvons-le, une source régulière de création de richesses, d'autant plus providentielle que la manne pétrolière a vocation à s'étioler comme l'indique la tendance baissière et durable sur le front des hydrocarbures. Une puissance de production à l'export également. Une force de contribution réelle à la réduction de la dépendance aux hydrocarbures. Un contributeur positif à la transition énergétique. Bref, un acteur patriotique, transparent et efficace participant à l'essor du bien commun. A l'image de la Chine, devenue une superpuissance mondiale grâce à ses entrepreneurs publics et privés. Le pays a plus que jamais besoin d'un privé fort, autonome, inventif, agressif à l'export, qui investit dans le pays et même à l'étranger. Qui contracte des partenariats favorisant le transfert de technologie et l'accumulation des savoirs, dans des cadres respectant la souveraineté nationale là où elle doit être impérativement défendue notamment par l'Etat. L'Etat qui veillerait à ce que le privé n'agisse pas pour démanteler les protections sociales et les acquis sociaux des Algériens les plus faibles. N. K.