Oui, l'Union européenne est «frileuse», parce qu'elle n'arrive pas à avoir une «politique commune puissante», qu'elle est tournée «vers l'Est», que l'approche allemande, par exemple, «n'est pas la même que l'approche française». C'est le propos de Jean-François Coustilliere, ancien conseiller de la marine française, aujourd'hui à la retraite. Il s'exprimait au cours d'une conférence-débat organisée hier à l'hôtel Hilton par l'Institut national d'études de stratégie globale. La conférence avait pour thème : «Enjeux stratégiques dans l'espace méditerranée, l'approche des Etats-Unis et de l'Europe.» Jean-François Coustilliere semble vouloir dire les choses comme elles sont. Quand il a abordé la politique européenne vis-à-vis des pays du sud de la Méditerranée, il a eu cette phrase : «On ne regarde pas l'Algérie, pour l'exemple, de la même façon que l'on regarde l'Ukraine, et je suis désolé de le dire.» On aurait souhaité voir une Europe «forte politiquement», a-t-il dit. Pour lui, les problèmes dans les pays du sud de la Méditerranée ne sont pas sans répercussions sur les pays du Nord, sur l'UE. C'est pourquoi, estime-t-il, le dialogue entre les pays de la rive sud et ceux de la rive nord doit continuer. Ce dialogue, a-t-il ajouté, on l'a instauré à la faveur du Processus de Barcelone, une initiative qui a permis aux pays des deux rives de se parler, de coopérer… Ce processus existe toujours, il n'a pas été enterré, tranche-t-il. Est-il comparable à l'Union pour la Méditerranée ? Jean-François Coustilliere fait remarquer, en réponse à des questions posées par des participants à cette conférence, que «Barcelone est une initiative européenne», l'UPM est une démarche «intergouvernementale» et elle a suivi un «cheminement un peu particulier». Ce qui est intéressant dans l'UPM, à son goût, c'est qu'elle vise des «projets concrets». Le conférencier a par ailleurs situé les enjeux en Méditerranée. Ceux-ci tournent autour de trois points fondamentaux : «L'emploi, l'alimentation et l'eau.» A l'appui de son analyse, une somme de données chiffrées. C'est ainsi qu'il a révélé qu'il faut créer, dans quinze ans, trente cinq millions d'empois, dans l'espace méditerranéen. Un défi jouable ? Pour le tenir, il faut, ajoute-t-il, une croissance soutenue de sept à huit pour cent par an. Autre indice, dix pays du sud de la Méditerranée vont connaître des besoins accrus en ressources hydriques, a-t-il noté. Cette problématique de l'eau n'est cependant pas le propre des pays de la rive sud, elle peut exister aussi dans le Nord, a-t-il affirmé. L'importance de cet espace se mesure aussi au trafic pétrolier : un tiers du trafic est en Méditerranée et non dans la Manche, a-t-il rapporté. Et les Etats-Unis en Méditerranée ? Jean-François Coustilliere explique que les Américains considèrent que le Bassin méditerranéen est un «couloir essentiel pour l'Europe mais également pour l'Asie et le Moyen-Orient». D'autres aspects ont été également abordés par le conférencier à l'occasion de ces débats. Y. S.