Demain, à Paris et dans plusieurs villes de sa banlieue, des hommages et recueillements marqueront le 55e anniversaire du massacre du 17 octobre 1961 et des jours suivants, massacre sauvage perpétré par la police française contre des dizaines de milliers d'Algériens qui manifestaient pacifiquement contre le couvre-feu discriminatoire que voulait leur imposer le sinistre préfet, Maurice Papon. Plus de 300 compatriotes, officiellement «Français musulmans» à l'époque, ont perdu leur vie, le plus souvent jetés vivant dans la Seine, et des milliers furent blessés. A Paris, l'ambassadeur d'Algérie, Amar Bendjama, et la Maire de la ville, Anne Hidalgo, présideront en fin de matinée de lundi une cérémonie de recueillement avec dépôt de gerbes de fleurs devant la plaque commémorative à la mémoire des Martyrs du 17 octobre 1961 scellée à l'une des entrées du Pont Saint Michel . En fin de journée aura lieu sur le même pont, un rassemblement à l'appel d'associations et de deux partis politiques, le Parti communiste (Pcf) et le Parti des écologistes-européens-les Verts (Eelv). Des cérémonies de recueillements et d'hommages «à ceux qui se sont soulevés contre les horreurs commises par l'Etat français durant la Guerre d'indépendance algérienne» sont programmées dans les villes proches de la capitale par le Collectif 17-Octobre-1961 : Paris, Banlieue Nord-ouest, Nanterre, Argenteuil, Bezons, Colombes, Clichy La Garenne, Gennevilliers et le Pont de Neuilly. «Cette année, lors des initiatives organisées, en plus de rendre hommage aux Algériens victimes de la brutalité meurtrière cette nuit-là, nous rappellerons l'histoire de ces Français et de ces Françaises anticolonialistes qui s'engagèrent auprès du peuple algérien dans sa lutte pour la liberté et l'indépendance», indique le Collectif qui souligne qu'il s'agit d'un «engagement qui leur a valu d'être criminalisés et accusés de trahir leur pays, alors qu'ils se battaient justement pour rester fidèles aux valeurs et idéaux de liberté, égalité et fraternité». Journée du souvenir, d'hommages et de recueillements, le 17 octobre 2016 est aussi, comme ceux des dernières années, une journée d'actions et de revendications. Tout particulièrement la revendication portant sur la reconnaissance par les autorités du pays que les massacres du 17 octobre 1961 étaient un crime d'Etat. Ce combat est porté pour l'essentiel par le Collectif Vérité et Justice avec les dizaines d'associations et les partis politiques qui le composent. Sa position est définie ainsi : «55 ans après, la vérité est en marche. Cependant, la France n'a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu'elle a menées- en particulier la guerre d'Algérie-, non plus dans le cortège de drames et d'horreurs qu'elles ont entraînés, comme ce crime d'Etat que constitue le 17 octobre 1961. Le 17 octobre 2012, le président de la République a certes fait un premier pas important en déclarant : «Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes.» Mais le terme crime n'est pas repris, et la responsabilité, sous-entendue, n'est pas clairement définie. «Nous demandons une parole claire aux autorités de la République, au moment où certains osent encore aujourd'hui continuer à parler des «bienfaits de la colonisation», à célébrer le putsch des généraux à Alger contre la République, à «honorer» les criminels de l'OAS, indique le Collectif Vérité et Justice qui estime que dans ce domaine il est «nécessaire que des mesures significatives soient prises» comme «la création d'un lieu de mémoire voué à cet évènement, demandé dans la résolution votée par le Sénat en octobre 2012 qui reconnaissait elle aussi ce massacre, soit rapidement mis en œuvre par les autorités de l'Etat, de la Ville de Paris et la Région Ile de France». Il affirme aussi que «la vérité doit être dite sur l'organisation criminelle de l'OAS que certains, comme à Béziers avec le Maire Bernard Ménard, et au sein de l'ancienne majorité présidentielle, veulent la réhabiliter». «Ce n'est qu'à ce prix, déduit le Collectif, que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la Guerre d'Algérie, à savoir le racisme et l'islamophobie dont sont victimes aujourd'hui nombre de citoyennes et de citoyens, ressortissants d'origine maghrébine ou des anciennes colonies, y compris sous la forme de violences policières récurrentes, parfois meurtrières.» Convaincu qu'«on ne construit pas la démocratie sur des mensonges et des occultations», le Collectif affirme qu'il est temps, notamment «que le président de la République, au nom de la France, confirme, par un geste symbolique, la reconnaissance et la condamnation de ce crime d'Etat, que la liberté d'accès aux archives soit effective pour tous, que la recherche historique sur ces questions soit encouragée dans un cadre franco-algérien, international et indépendant». M. M.