Mahieddine Bachtarzi, figure emblématique du 4e art algérien, a été à l'honneur, hier matin, à l'auditorium de l'Etablissement Arts et Culture, lors d'une journée d'étude qui lui a été consacrée. Organisée par le CRASC, en collaboration avec l'Association des champs culturels et de la mondialisation et le Centre de recherches de l'université d'Oran, la rencontre a rassemblé nombre d'universitaires et d'artistes. L'universitaire Ahmed Cheniki dira dans son allocution, à l'ouverture de cette rencontre que nul ne peut évoquer le théâtre algérien sans citer Mahieddine Bachtarzi. «Je le considère comme une institution et personne n'a pu réaliser ce qu'il a fait en un laps de temps restreint», dira-t-il. A la fois homme de théâtre et chanteur, Bachtarzi, qui a exercé durant la colonisation et après l'indépendance, s'est distingué par son sens pointu de l'organisation, son travail acharné, sa lutte constante pour redresser un théâtre algérien, sans tomber dans le piège du système colonial et cela en multipliant les stratégie que l'universitaire Hadj Meliani qualifie de «stratégies d'évitement». «Bachtarzi a surgi de l'ombre au moment où la culture algérienne craignait sa disparition. Il est apparu pour orienter le théâtre vers un nouveau courant, lui imposant un genre typiquement algérien. Il est aussi à l'origine de la décentralisation du théâtre car il n'a jamais hésité à effectuer des tournées sur tout le territoire algérien. Je dirais même que c'est lui qui a initié l'Algérie au théâtre», conclura M. Cheniki. Pour sa part, Hadj Meliani, professeur à l'université de Mostaganem, lors de sa communication ayant pour thème : «Eléments épars de l'expérience musicale de Mahieddine Bachtarzi», s'est penché sur une autre facette de l'artiste, celle de l'interprète de musique andalouse. «Notre intention est d'aller au-delà des stéréotypes et des idées reçues dans le champ artistique algérien, car tout le monde reprend la même chose et à la fin on n'apprend rien. Mais nous, en tant que chercheurs, nous sommes là pour dire les vérités», dira-t-il avant de désaxer complètement son sujet et de s'étaler sur les problèmes que rencontrent les chercheurs, en l'occurence l'impossibilité d'accéder aux archives. «Il existe une grande quantité d'archives de Bachtarzi, mais elles demeurent introuvables et ce n'est pas du tout normal que ces documents importants de notre mémoire puissent être occultés», révélera-t-il, ajoutant que «beaucoup de gens possèdent des éléments précieux sur le défunt. Il faut qu'ils comprennent que ce ne sont pas des biens personnels mais qu'ils appartiennent au pays». «A force de fermer les yeux et de se taire, le temps finira par effacer tout ce que a réalisé Mahieddine Bachtarzi», conclura-t-il avec tristesse. Le conférencier a également souligné la nécessité de recueillir les témoignages de personnes ayant connu l'artiste dans le but de sauvegarder sa mémoire. Il proposera par la suite de rééditer les trois tomes des Mémoires de Mahieddine Bachtarzi, dont le tome I reste introuvable, mais en incluant une critique scientifique. «Il y a aussi les enregistrements sonores de l'artiste, plus de 400, ainsi que ses films, nécessaires pour reconstituer une mémoire vivante», dira-t-il. La parole sera ensuite donnée au journaliste Kamel Bendimered, qui présentera une communication intitulée «L'amiral du théâtre algérien» dans laquelle il met Bachtarzi et le personnage Sophocle sur le même piédestal. «Comme Sophocle a bien gagné le titre d'amiral grâce à sa pièce Œdipe, le roi Bachtarzi mérite ce même titre», affirme-t-il. Quant à l'invité d'honneur, Guy Dugas, professeur à l'université de Montpellier III, il a fait une lecture structurale de l'œuvre d'Emmanuel Roblès qui relate dans sa grande partie le parcours de Bachtarzi. «Il ne s'agit pas d'une simple biographie, l'auteur a tenté de dresser un tableau sur la situation du théâtre algérien», dira-t-il. Par ailleurs, M. Cheniki annoncera que Jeanne Goodman organisera en novembre prochain un atelier de travail consacré à Mehieddine Bachtarzi à New York. W. S.