Le premier Ministre a récemment déclaré que l'Etat ne prendra plus en charge le déficit abyssal de la Caisse nationale des retraites. «L'Etat ne financera plus le déficit de la CNR qui devra désormais compter sur les cotisations des travailleurs». Avec le désengagement de l'Etat, qui prendra alors en charge les déficits ? Les seuls travailleurs, a déjà répondu Abdelmalek Sellal. Mais il y a un hic parce que la solution préconisée est une fausse bonne clé. Du fait même que le nombre de cotisants effectifs soit très insuffisant pour combler le déficit. Tous les salaires additionnés n'assureraient pas un peu plus de la moitié des pensions à verser. Le DG de la CNR a en effet annoncé que les besoins de la Caisse seront de 1 100 milliards de dinars au 31 décembre 2016, pour 2,8 millions de pensionnés. Et fait concomitant, les recettes actuelles de la CNR issues des cotisations versées ne dépassent pas les 500 milliards de dinars alors que les cotisations globales devant être générées par tous les salaires sont de l'ordre de 3 600 milliards de DA. Il se trouve aussi que le gros contingent des contributeurs est composé de fonctionnaires, dont quelques 500 000 militaires qui alimentent une caisse spécifique. Sans compter le confidentiel et opaque FSR. Ce Fonds spécial des retraites dont la liste des plus hautes fonctions éligibles n'a cessé de s'allonger en 36 ans d'existence, jusqu'à englober désormais les directeurs d'exécutif de wilaya et les SG de daïra et de commune. Résultat des courses, les cotisants réels ne peuvent offrir à la CNR que les 500 milliards de DA annuellement versés, parts patronales incluses. Alors, pour ramener la CNR à l'équilibre de ses comptes, il faudra bien trouver l'équivalent de six fois les salaires cotisables, majorés de 26% en parts patronales. Soit, selon les spécialistes, presque la moitié du PIB en salaires déclarés et plus du double des salaries déclarés, à savoir un peu moins de 6,5 millions d'affiliés à la Caisse nationale d'assurances sociales (Cnas). Or si on devait en croire l'ONS, le taux de chômage actuel serait de 9,9%, avec 1 millions de chômeurs sur 12 millions d'actifs potentiels. Donc, au moins 5 autres millions d'aptes à l'emploi pour payer l'ensemble des cotisations. Et ces cotisants potentiels se trouvent pour la plupart dans la sphère informelle qui échappe à l'impôt et aux cotisations sociales. Il y a ainsi des gisements fantastiques à capter et le gouvernement devrait s'y employer avec détermination, sérieux et rigueur. La résorption des déficits de la CNR est à ce prix. Sinon, comment la financer en dehors de l'Etat qui ne veut plus le faire ? Cela passe d'abord par l'affiliation obligatoire de l'économie informelle à la Cnas et la CNR. Ensuite, par la réduction des privilèges dus au titre du FSR, sans compter la nécessaire réévaluation des plus gros salaires qui doivent être ramenés à la proportion socialement raisonnable de 8 à 10% du Smig, comme cela se pratique dans des pays à économie libérale. Sinon, le Trésor public continuera nécessairement de payer le déficit jusqu'au dernier dinar ! Dans le cas contraire, ce serait un séisme socio-politique ! Et ce serait bien le cas avec la persistance des facteurs de déséquilibres de la CNR et l'absence de sources de financement alternatives à l'Etat. Dans le cas où il ne financerait plus les déficits de la CNR tel que l'affirme le PM, le non versement des pensions ou des retards de paiement préjudiciables, signeraient alors l'arrêt de mort de la Caisse. Et, à Dieu ne plaise, l'entrée du pays dans une ère d'instabilité sociale chronique qui serait très difficile à gérer en même temps que la menace terroriste. Une menace de tous les instants et en tout lieu du territoire national que l'armée et l'ensemble des corps de sécurité s'échinent à gérer du mieux possible. Il y a enfin une vérité à rappeler : l'équilibre de la société et de l'Etat est essentiellement assuré par les cotisants réguliers qui sont également les meilleurs contributeurs fiscaux. Entre autres, les militaires, les services de sécurité et les agents des services publics. Grâce auxquels la machine continue de fonctionner en bien ou en mal mais surtout tant bien que mal. N. K.