C'est inéluctable. Le recours à l'endettement extérieur, dans le contexte actuel de nos finances publiques, n'est plus une simple option. Avec un déficit budgétaire à au moins 16% du PIB, il est devenu inévitable. D'autant plus inexorable que la baisse importante des investissements étatiques est un facteur d'encouragement à chercher des sources de financement externe. Et c'est le Premier ministre, longtemps prudent à ce sujet, voire dénégateur, qui vient confirmer ce qui est déjà officiel car acté dans la loi de Finances 2017. Cela dit, on savait que l'Etat, via une entreprise publique comme Sonelgaz ou le financement du projet du grand port de Cherchell, était déjà inscrit dans une logique d'endettement extérieur. Mais voilà donc Abdelmalek Sellal qui plaide en effet pour un certain niveau d'endettement qui ne serait pas de nature à obérer la «souveraineté de la décision économique nationale». Sachant en toute évidence que la «décision politique en est tributaire». Encore que le niveau du futur endettement ne doit pas être «élevé» pour ne pas «compromettre l'avenir des générations futures». Dans les faits, le gouvernement a autorisé les entreprises publiques à y recourir sous conditions. Notamment l'obligation de fournir des garanties sur l'efficacité de leurs projets éligibles au financement extérieur. Après avoir opté pour des dispositifs visant à pallier la rareté des ressources financières, à travers l'emprunt obligataire et la mise en conformité volontaire, l'Exécutif a été amené à valider le choix du financement extérieur. Les nouvelles mesures ad hoc dans la LF 2017 conditionnent le recours à l'endettement extérieur par le fait que la dette doit concerner des investissements créateurs d'entreprises. De même que les sociétés nationales emprunteuses doivent prouver que le volume de financement d'un projet ne peut être supporté par les seules possibilités locales. La question de l'endettement extérieur n'est donc plus un tabou ou un secret. L'attitude actuelle du gouvernement ne fait que confirmer l'analyse de la dernière mission du FMI à Alger (mars 2016) qui considère l'endettement «inévitable». Son chef de délégation, Jean-François Dauphin s'était même permis de dire que le recours aux capitaux extérieurs serait «souhaitable», manière diplomatique d'affirmer qu'il est incontournable. Ceci dit, ce ne fut pas pour le gouvernement une décision facile à prendre. D'abord, c'est un tournant radical par rapport à la position que les autorités défendent depuis plus de 15 ans. Il faut dire que les deux rééchelonnements de la dette publique en pleine «décennie noire» 1990 avaient été accompagnés de mesures sévèrement contraignantes, imposées par le FMI et les créanciers du pays. Aussi, le tabou de la dette n'est-il pas tombé d'un seul coup. Il s'est effrité progressivement depuis fin 2015, face à la nécessité de financer un certain nombre d'investissements stratégiques à moyen terme et à l'urgence de maintenir les infrastructures du pays en bon état. Face à l'urgence, le FMI avait recommandé une série de mesures classiques allant de la réforme des subventions à l'accroissement de la fiscalité ordinaire et aux privatisations - totales ou partielles - des entreprises publiques. Mais il a estimé également qu'il serait temps, alors que la situation financière de l'Algérie est encore peu ou prou dégradée, de faire entrer des devises par le biais de dettes extérieures. Mais encore faudrait-il donner des gages aux investisseurs potentiels qui connaissent bien la situation financière de l'Algérie et qui seraient tentés de faire monter le prix de la prime de risque. Aussi, la chose la plus crédible et peut-être la plus avantageuse serait-elle de faire monter en première ligne des entreprises publiques exportatrices qui sont quasiment assurées, à terme, d'être en capacité de rembourser leurs échéances. La plus à même de remplir toutes ces conditions est évidemment Sonatrach qui doit financer un programme de 90 milliards de dollars, essentiellement pour son développement en amont dans la filière pétrolière et gazière. Et ce n'est pas l'emprunt national qui a engrangé jusqu'ici 568 milliards de dinars auprès de souscripteurs algériens qui permettra ce niveau de dépenses. La question de l'endettement extérieur n'est finalement pas un tabou ni même un obstacle économique et surtout pas psychologique. S'endetter n'est pas un mal économique, encore faudrait-il le faire à bon escient. Tout dépendra alors des conditions de l'endettement, notamment des taux et de le faire à court, moyen ou long terme. Il ne faut surtout pas s'endetter à court terme car l'emprunt se ferait à un taux élevé alors que nous prêtons nous-mêmes nos réserves de change à de faibles taux. Tout compte fait, la dette extérieure, c'est comme le cholestérol : Il y a la bonne dette et la mauvaise. La bonne, c'est celle qui se rembourse d'elle-même grâce aux projets qu'elle sert à financer, soit par un accroissement des exportations, soit par la génération d'un effet d'import-substitution. C'est l'expert financier algérien, fin connaisseur de la problématique de l'endettement extérieur de l'Algérie qui a utilisé cette parabole du cholestérol. Comme il dit, la dette saine est en fin de compte celle qui génère de la croissance et des emplois productifs. La mauvaise, celle qui sert à financer les déficits de la balance des paiements d'un pays qui consomme toujours plus qu'il ne produit. N. K.