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Trump ou le rêve de l'âge d'or isolationniste des Etats-Unis
Une Amérique qui a perdu le contrôle de l'économie mondiale
Publié dans La Tribune le 19 - 11 - 2016

Comme souvent, c'est un faisceau de causes qui a mené le milliardaire démagogue Donald Trump à la Maison-Blanche le 8 novembre 2016. Mais, pour comprendre ce phénomène, il peut être utile de le replacer dans un contexte plus large. Ce contexte est celui du déclin de l'hégémonie des Etats-Unis sur l'économie mondiale.
Comme souvent, c'est un faisceau de causes qui a mené le milliardaire démagogue Donald Trump à la Maison-Blanche le 8 novembre 2016. Mais, pour comprendre ce phénomène, il peut être utile de le replacer dans un contexte plus large. Ce contexte est celui du déclin de l'hégémonie des Etats-Unis sur l'économie mondiale. En 2013, deux économistes, Peter Temin, du MIT, et David Vines, de l'Université d'Oxford, ont publié un livre titré The Leaderless Economy* («L'économie sans dirigeant»), dont la thèse faisait de la crise déclenchée en 2007 non pas une simple crise économique, mais une «crise de fin de régime», celle qui sanctionne la fin de la domination économique des Etats-Unis sur le monde. C'est dans ce contexte qu'il faut aussi comprendre l'ascension de Donald Trump et son programme.
Une «crise de fin de régime»
Pour les deux économistes, il faut distinguer deux types de crises. Celles, «ordinaires», engendrées régulièrement par le fonctionnement même du système capitaliste, qui apparaissent souvent comme de simples «incidents de parcours». Ainsi de la «bulle Internet» de 2000-2001 ou la récession du début des années 1990. Mais, précisent-ils, «il existe des crises qui jettent l'économie mondiale dans le désordre», ce sont les crises de «fin de régime» qui apparaissent «seulement quand le régime qui gouverne l'économie mondiale est incapable de fournir la direction nécessaire». Selon eux, cette direction est le fruit d'une hégémonie où «l'hégémon», le dominateur, «eut promouvoir une certaine coopération entre les nations». Certes, cette «coopération» est souvent dans son intérêt propre, mais elle permet de dépasser les crises capitalistes et d'assurer le retour à une certaine prospérité commune. Selon Temin et Vines, le Royaume-Uni a été «l'hégémon» de l'économie mondiale jusqu'à la première guerre mondiale. Les Etats-Unis ont pris le relais après la seconde guerre mondiale. Entretemps, il y a eu une période de transition chaotique marquée par la crise de 1929 que les deux auteurs perçoivent comme une «crise de fin de régime». Car lorsque l'hégémonie manque, une récession profonde est inévitable.
L'hégémonie post-Bretton Woods
La mondialisation entamée dans les années 1990 était encore le fruit de l'hégémonie des Etats-Unis. Après la fin du régime de Bretton Woods en 1971 et la crise pétrolière de 1973, l'économie étasunienne a conservé sa domination en imposant une vague de libéralisation des échanges et de l'économie intérieure, notamment dans le secteur de la finance. Ces nouvelles bases ont permis aux Etats-Unis de demeurer «hégémon» en compensant par les flux financiers un déficit commercial croissant. A ce moment, l'agenda étasunien pouvait encore assurer une «coopération» à l'économie mondiale puisque cette mondialisation pouvait alors apparaître comme «heureuse» : la croissance était là et elle semblait profiter à tous. Mais dans les pays développés, et particulièrement aux Etats-Unis, le recul des fonctions productives était compensé par le crédit, public et privé.
Les deux économistes soulignent trois éléments qui ont joué dans ce sens. D'abord, la suppression sous la présidence de Bill Clinton en 1999 du fameux Glas-Steagall Act, qui interdisait outre-Atlantique la fusion entre la banque d'investissement et la banque de détail qui a développé encore la financiarisation de la croissance des Etats-Unis en permettant de distribuer massivement du crédit. Ensuite, les baisses d'impôts de la présidence de George Bush en 2001 et 2003 qui ont également contribué à alimenter le secteur financier et la recherche de la performance. Enfin, la politique monétaire d'Alan Greenspan qui a donné la matière première nécessaire à ce mécanisme de compensation. Comme l'a souligné Yanis Varoufakis dans son «Minotaure Planètaire», l'économie mondiale «était alors fondée sur le flux constant d'un tribut versé par la périphérie au centre impérial, tribut qui a soutenu le renforcement mutuel entre le double déficit des Etats-Unis et la demande générale de biens et services dont bénéficiaient les pays excédentaires». C'était là le système «coopératif» mis en place par «l'hégémon» étasunien après l'effondrement de Bretton Woods.
Le roi est nu
La crise de 2007 est celle de ce système de croissance menée par la finance. Le recyclage des excédents germano-chinois par le déficit étasunien, phénomène alimenté par la finance n'est plus possible. Le secteur financier cale et ne peut plus soutenir la demande. La vérité des effets du modèle mis en place précédemment a été dévoilée : faiblesse des investissements privés et publics, désindustrialisation, progression des inégalités, atonie de la productivité. D'où le sentiment de «crise» qui perdure dans l'économie des Etats-Unis depuis dix ans et qui aura pesé lourd le 8 novembre au moment du vote.
Hégémonie en panne
Mais il y a évidemment plus. Depuis le début de la crise, les Etats-Unis n'ont pas été capables de rétablir un ordre économique. Economie très dépendante de l'étranger pour ses fournitures et son financement, elle n'est plus en mesure d'imposer ses choix. Surtout, elle a manqué de propositions concrètes pour construire un nouveau modèle. Nulle part ailleurs que dans la crise de la zone euro cette impuissance n'est apparue aussi clairement : jamais Washington n'a été capable d'imposer une solution acceptable pour l'économie mondiale. Elle a laissé l'Allemagne agir contre les intérêts de l'économie mondiale, provoquant une rechute de la croissance en 2010-2011. Pas davantage, les Etats-Unis n'ont été capables de réformer la finance pour favoriser l'investissement mondial. Les Etats-Unis ne sont clairement plus «l'hégémon» du monde économique, mais la Chine n'est pas encore assez puissante et l'Allemagne n'en a ni les moyens, ni la volonté. Bref, l'économie mondiale est sans tête et, si l'on en croit Vines et Temin, c'est une des raisons de la persistance de la crise.
Un slogan qui a fait mouche
Dans ce contexte, auquel il faudrait ajouter une certaine impuissance géopolitique, le slogan de Donald Trump, «rendre sa grandeur à l'Amérique» («Make America great again»), a dû résonner de façon particulière aux oreilles de biens des électeurs aux Etats-Unis. Ce terme «again» soulignait à la fois la réalité de la perte d'influence des Etats-Unis et la nostalgie de son emprise passée sur le monde. La stratégie du candidat républicain était donc une promesse de mettre fin à ce déclin. Mais, paradoxalement, Donald Trump ne promettait pas, comme Ronald Reagan en 1981, de redonner aux Etats-Unis le pouvoir sur le monde, il promettait de recréer une grandeur de l'intérieur. Autrement dit, le nouveau président n'entend pas résoudre la question de l'absence d'«hégémon» dans l'économie mondiale, il tente d'extirper les Etats-Unis de ce problème en le plaçant en dehors de la problématique mondiale.
L'âge d'or du protectionnisme étasunien
En cela, la référence de Donald Trump est le parti républicain archaïque, celui qui a dominé la vie politique étasunienne de la fin de la guerre de sécession en 1865 jusqu'à la crise de 1929. Ce parti a construit la «grandeur» des Etats-Unis en restant hors du jeu économique mondial. Durant cette époque, les Etats-Unis étaient le pays le plus protectionniste du monde. A l'abri de droits de douane élevés et moyennant des impôts faibles, le pays s'est développé rapidement pour devenir la première économie du monde durant la deuxième partie du 19e siècle. Mais, quoique gigantesque, l'économie des Etats-Unis n'était alors pas mondialement hégémonique parce qu'elle se développait en vase clos. Même après la première guerre mondiale, alors que l'Europe était exsangue, les trois présidents républicains, Calvin Coolidge, Warren Harding et Herbert Hoover, ont conservé cette politique. Warren Harding a ainsi relevé les droits de douane sur les produits agricoles pour faire face à la récession de 1921 et a réduit les impôts pour favoriser les investissements intérieurs.
«L'achéo-républicanisme» de Donald Trump
Donald Trump a fait de cette époque une forme d'âge d'or sur le plan économique. Un âge où les Etats-Unis pouvaient prospérer par eux-mêmes et se protéger des crises «importées». Il a donc endossé les habits de cet «archéo-républicanisme» qui tranche évidemment avec le républicanisme des ères Reagan et Bush Junior. Les Etats-Unis veulent être grands pour eux-mêmes et non plus pour le monde, comme jadis. Ce développement en interne pour répondre à une stratégie de mondialisation qui a fragilisé une grande partie de la population - ainsi que l'économie - a naturellement séduit ceux qui regrettent le déclin étasunien et ceux qui le subissent. On comprend ainsi mieux le décalage entre le vote des électeurs aux Etats-Unis, où l'on a pu être séduit par ce discours, et les vœux majoritaires à l'étranger, où l'on recherche en vain un «hégémon» pour l'économie mondiale.
Une stratégie gagnante ?
La stratégie de Donald Trump est-elle possible ? Les Etats-Unis peuvent-ils s'extirper de leurs responsabilités et vivre en vase clos ? La situation de 2016 est en tout cas très différente de celle des années 1865-1929. D'abord parce que le pays était alors porté par la conquête de terres quasi vierges et par une forte poussée démographique explicable par... l'immigration. Une immigration que refuse aujourd'hui Donald Trump. Ensuite, parce que l'économie mondiale disposait alors d'un «hégémon», le Royaume-Uni, qui imposait ses règles en imposant partout ses capitaux. Les capitaux britanniques ont ainsi joué un rôle important dans le développement des Etats-Unis.
Or, comme le soulignent Vines et Temin, l'économie mondiale est sans tête et donc sans ressort. Certes, les Etats-Unis peuvent espérer combler par eux-mêmes une partie du déficit de demande mondiale, mais ils ne le peuvent pas seuls : ils ont besoin des capitaux étrangers et donc d'une certaine ouverture de l'économie, et ils ne disposent pas actuellement d'un potentiel productif suffisant pour répondre à cette demande. Sortir de la mondialisation prendra forcément du temps et nécessitera un ajustement du modèle de croissance des Etats-Unis, notamment par une réorientation de la finance vers l'économie réelle. Or, le milliardaire a renoncé à toute pression sur le système bancaire, bien au contraire il semble vouloir s'appuyer sur lui. Ses baisses d'impôts risquent donc de venir alimenter d'abord la demande de rendements financiers.
Il ne restera plus alors du programme de Donald Trump que le refus d'assumer l'hégémonie sur l'économie mondiale, un refus qui sera en fait l'écho d'une impuissance incarnée par l'administration démocrate. En réalité, les deux partis étasuniens apparaissent comme les deux versants d'une même réalité : l'incapacité de trouver un nouveau modèle pour une économie mondiale qui n'a plus que les dépouilles du système d'avant 2007 pour croître. Ni Hillary Clinton, ni Donald Trump n'avaient en réalité les clés d'une situation qui semble échapper à tout le monde.
R. G.
* Peter Temin & David Vines, The Leaderless Economy, Princeton, 2013, 315 pages.
In latribune.fr


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