L'ONG française de défense des victimes de crimes économiques, Sherpa, et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l'Homme de Berlin ont conjointement déposé une plainte contre le cimentier français LafargeHolcim pour financement du terrorisme, complicité de crimes contre l'humanité, complicité de crimes de guerre et mise en danger d'autrui. La charge est d'une extrême gravité. L'affaire, très complexe, remonte aux années 2013-2014, quand la filiale syrienne du groupe (Lafarge Cement Syria) exploitait une cimenterie à Jalabya dans le nord du pays, en zone contrôlée, tour à tour, par le Front Al Nosra, affilié à Al-Qaïda, et Daech. Pour fructifier ses affaires, Lafarge n'a pas hésité à traiter avec les nouveaux maîtres des lieux. Le Groupe français, également présent en Algérie, versait des taxes généreuses aux terroristes et sollicitait leurs services pour s'approvisionner en pétrole lourd et en pouzzolane (roche utilisée dans la production du ciment). Aussi, le cimentier ne lésinait pas pour renflouer les caisses des djihadistes avec d'autres «extras», dont des rançons et diverses dîmes. Un lourd dossier, bien documenté, a été récemment déposé sur le bureau du Doyen des juges d'instruction de Paris. On dit souvent que l'argent n'a pas d'odeur et les milieux des affaires ne reculent devant aucune bassesse pour faire du profit. Ce procès, qui s'annonce chaud, met en cause les agissements criminels des multinationales qui se permettent tous les dépassements (terrorisme, corruption, atteinte graves à l'environnement, exploitation de la misère humaine, fraude fiscale,…) pour atteindre leur objectifs et étendre leur tyrannie. Faut-il rappeler, à ce propos, la catastrophe environnementale provoquée par British Petrolium (BP) dans le Golfe du Mexique en 2010. La justice américaine a condamné le géant pétrolier britannique à verser près 20,8 milliards de dollars pour réparer les dégâts engendrés et dédommager les personnes directement lésées. Les activités de BP dans de nombreuses autres régions du monde ne sont pas «clean», mais les pays en question n'ont pas les mêmes moyens de dissuasion que la superpuissance mondiale. Tout comme Lafarge qui est poursuivi en France et non pas en Syrie. Les firmes transnationales exercent un diktat intolérable dans les pays pauvres et sous-développés où elles s'autorisent toutes sortes d'abus. La société civile, très active dans les pays développés, jette régulièrement de gros pavés dans la mare, dévoilant les pratiques nauséeuses de ces criminels en col blanc. Les ONG, le mouvement associatif et les médias doivent être partout très attentifs aux affaires de ces multinationales et constamment en éveil pour dénoncer leurs méfaits, les épingler et les traîner devant les juridictions compétentes. Les affairistes et les entrepreneurs doivent s'astreindre à un minimum moral. K. A.