Alep, Mossoul. Deux batailles distinctes, avec des coalitions différentes, voire antagonistes, dans deux pays séparés. Et pourtant nul ne peut s'empêcher de dresser des parallèles, de chercher des similitudes. Dans le chaos de la guerre, tirer les fils de l'histoire pour comprendre ce qui se passe. La rébellion d'Alep-Est - où les groupes djihadistes étaient minoritaires et l'organisation Etat islamique (EI) absente - a succombé aux coups de boutoir de l'armée syrienne, de l'aviation russe, des gardiens de la révolution iraniens et des miliciens chiites venus du Liban, d'Irak et d'Afghanistan. A Mossoul, l'armée irakienne, appuyée par des peshmergas kurdes et des milices chiites qu'encadrent des officiers iraniens, mène une bataille avec le soutien aérien de la coalition internationale contre l'EI pour arracher la deuxième ville d'Irak aux griffes du mouvement djihadiste, qui l'avait érigée en capitale de son «califat». Depuis les révolutions arabes de 2011, l'histoire s'est accélérée au Proche-Orient. Pour le meilleur, a-t-on voulu croire au début. Pour le pire, par la suite. Depuis un siècle, les guerres se sont succédées sans répit dans cette région. D'où vient, alors, cette impression que les conflits en cours sont d'une autre nature ? Qu'ils vont décider de l'orientation politique des Etats, mais aussi de leurs frontières et de leur survie ? La Syrie et l'Irak sont les deux pays qui englobent les mosaïques communautaires les plus complexes (à l'exception du Liban) de cette région. Tous deux ont été dirigés par des juntes baasistes et confessionnelles. L'une, sunnite, de Saddam Hussein en Irak (jusqu'en 2003), et l'autre, alaouite, des Assad, qui s'accroche encore au pouvoir en Syrie, ont volé en éclats. En Irak, la chute a commencé dès la défaite de Saddam Hussein dans la guerre du Golfe de 1991. L'instauration par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France d'une zone d'exclusion aérienne, au nord puis au sud du pays, pour protéger les populations kurdes et chiites qui s'étaient soulevées, a brisé le tabou de la souveraineté des Etats. Et, pour la première fois, une autonomie – celle des Kurdes d'Irak – a pu prospérer. L'invasion américaine de 2003, décidée dans la foulée des attaques du 11-Septembre, achève de mettre à bas l'Etat irakien, tout en déchaînant des forces incontrôlées. Côté syrien, le retrait forcé du Liban, en 2005, puis le soulèvement populaire de 2011 ont irrémédiablement ébranlé le pouvoir central et sa férule sur la société. Cet affaiblissement sans précédent des Etats va-t-il conduire à leur démembrement et à un processus de recomposition des frontières régionales ? Les frontières sont-elles remises en cause ? Enivré par sa conquête surprise de Mossoul en juin 2014, l'EI a proclamé un califat universel et l'abolition des frontières coloniales fixées par les accords Sykes-Picot. Ce moment «historique» est mis en scène dans une vidéo montrant un bulldozer en train de détruire un poste-frontière entre l'Irak et la Syrie - la fameuse ligne Sykes-Picot, tracée au cordeau dans le désert -, réunifiant ainsi les terres arabes. La démonstration est fallacieuse et tronquée, mais l'EI met le doigt sur une anomalie majeure : la séparation artificielle entre Alep et Mossoul, plus proches - culturellement, commercialement, religieusement - l'une de l'autre que de leurs capitales respectives. Si le califat de l'EI s'était limité à un «sunnistan» répondant aux aspirations des sunnites d'Irak et de Syrie, opprimés par les pouvoirs de Bagdad et Damas, peut-être aurait-il eu une chance de survie. A la condition, aussi, de trouver des appuis parmi ses voisins, à commencer par la Turquie et l'Arabie saoudite, les deux grandes puissances sunnites régionales, ainsi qu'auprès des Kurdes, majoritairement sunnites. Mais l'EI, en s'attaquant à tous, n'a pas su pérenniser son projet d'Etat et a provoqué une mobilisation générale contre lui. Aujourd'hui, alors que l'organisation djihadiste est sur le point de perdre Mossoul et que son fief syrien de Rakka est menacé, la disparition des Etats irakien et syrien ne semble plus à l'ordre du jour. Même affaiblis, délégitimés et sans contrôle sur leur territoire, ils demeurent des fictions nécessaires. Ne serait-ce que parce qu'ils procurent des passeports indispensables - même si l'on se prépare à une vie de réfugié, en Europe ou ailleurs. Six décennies d'histoires nationales ont abouti à la formation d'identités et de récits nationaux. Les frontières, partiellement gommées et régulièrement violées, demeurent elles aussi des fictions nécessaires. Les redessiner ouvrirait la voie à d'interminables remises en cause. L'Etat turc, qui revendique les villes irakiennes de Mossoul, de Tal-Afar et de Kirkouk au nom de son passé ottoman, ne saurait remettre en cause les frontières de l'Irak sans se voir poser, en boomerang, la question d'un Etat kurde dans le sud-est de son propre territoire. Même l'Iran, qui passe son temps à déstabiliser ses voisins par le truchement de milices, est devenu le chantre de la souveraineté des Etats hérités de la colonisation - notamment en Syrie, justifiant ainsi son soutien au régime d'Assad. En fin de compte, la seule menace réelle pesant sur les frontières est celle posée par la question d'un éventuel Etat kurde. Y aura-t-il un Etat kurde ? Les Kurdes ont été les grands lésés du découpage de l'Empire ottoman après la première guerre mondiale. La promesse d'un Etat kurde, faite à Sèvres (1920) au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, a été reniée à Lausanne (1923) au nom de la restauration de l'Etat turc. Près d'un siècle plus tard, la perspective d'un Etat kurde n'a jamais été aussi favorable. Les pouvoirs centraux d'Irak et de Syrie ont abandonné le contrôle des territoires de peuplement kurde. Quant aux pays occidentaux, peu désireux d'envoyer leurs troupes combattre l'EI au sol, ils ont contribué au renforcement des forces kurdes. Finances, armes et formations militaires ont ainsi été délivrées au gouvernement régional du Kurdistan autonome (KRG), dirigé par Massoud Barzani, mais aussi au Parti de l'union démocratique (PYD), le parti-milice hégémonique au Kurdistan syrien, affilié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, en guerre contre l'Etat turc depuis 1984). La disparition territoriale de l'EI pourrait cependant être porteuse de conflits. Notamment en Irak, où la crise entre les Kurdes et le pouvoir central s'annonce explosive autour de la question des «territoires contestés», cette large bande qui borde le KRG au sud, de Tal-Afar à Kirkouk, en passant par la plaine de Mossoul. Où passera la frontière ? Vers quelle loyauté pencheront les innombrables communautés présentes : chrétiens, yézidis, Shabaks, Turkmènes chiites et sunnites, Arabes sunnites ? Quel facteur l'emportera : l'appartenance confessionnelle, la solidarité ethnique, les choix politiques ? Dans ce contexte, l'avenir de Mossoul est déterminant. Massoud Barzani, soutenu par la Turquie, défend une gestion autonome sunnite de la ville et de sa province (Ninive). Le Kurdistan autonome pourrait alors s'unir avec les Arabes sunnites contre les velléités recentralisatrices de Bagdad. Mais le chemin vers l'indépendance reste hasardeux. Rien ne dit que les Kurdes ne seront pas victimes d'une nouvelle trahison de leurs parrains occidentaux. Ces derniers sont divisés (Ankara et Washington sont à couteaux tirés) et peu désireux de s'impliquer. La région du Kurdistan d'Irak est en outre fragile : politiquement divisée, économiquement peu développée - la rente pétrolière s'est effondrée -, et en proie aux ingérences de Téhéran et de Bagdad, qui instrumentalisent le PKK, grand rival kurde du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani. La cassure entre PKK et PDK, aux modèles politiques opposés (féodalisme du PDK contre socialisme du PKK) et aux différences culturelles réelles (dialectes), traverse la société kurde dans son ensemble. Au Kurdistan syrien, le PYD a toujours pris garde d'appeler à l'indépendance - contrairement au PDK en Irak. Il fait pourtant l'objet de la double hostilité d'Ankara et de Damas. Bachar Al-Assad, qui a appuyé les Kurdes tant que ceux-ci pouvaient faire pièce à la rébellion arabe, n'a jamais fait mystère de son intention de reconquérir l'intégralité du territoire syrien. Le Turc Erdogan, lui, est prêt à tout pour mettre en échec l'émergence, à ses frontières, d'une entité kurde autonome et hostile. Les Empires ottoman et russe sont-ils de retour ? Isolé diplomatiquement, affaibli économiquement et fragilisé par des troubles internes, Recep Tayyip Erdogan a opéré, en 2016, un rapprochement spectaculaire avec la Russie de Poutine, devenue maître du jeu en Syrie depuis son intervention armée en septembre 2015. En échange de l'arrêt de son aide aux rebelles syriens et de l'abandon d'Alep, le président turc a obtenu le droit d'intervenir en Syrie, dans la région de Djarabulus, pour en chasser l'EI (responsable d'une série d'attentats en Turquie) mais aussi les Kurdes du PYD. Le but principal de l'opération «Bouclier de l'Euphrate» est d'occuper la place laissée vacante par l'effondrement de l'EI. Il s'agit d'éviter que le Kurdistan syrien serve de base arrière au PKK, défait dans la «guerre des villes» de 2015-2016 en Turquie, mais avide de revanche. Jusqu'où la poussée turque en Syrie s'étendra-t-elle ? Moscou semble prêt à donner beaucoup à Ankara, pour détourner la Turquie de l'Otan. Mais ni Bagdad ni Téhéran n'ont l'intention de laisser l'armée turque aller trop loin. En réclamant un rôle dans la bataille de Mossoul et dans l'«après-EI» (au prétexte de la présence du PKK dans le nord de l'Irak), Ankara a déjà provoqué une grave crise avec Bagdad. La Turquie justifie aussi son interventionnisme au nom de la protection des populations sunnites et turkmènes locales, face aux milices chiites. Plus inquiétant, le président turc a remis en cause à plusieurs reprises le traité de Lausanne (1923) fixant les frontières de son pays au profit de ce qu'il appelle les «frontières du cœur». La disparition du califat de l'EI, le retrait de l'Arabie saoudite, engluée dans son aventure yéménite, et les difficultés de l'Egypte laissent libre cours aux prétentions de M. Erdogan au leadership sunnite. Cette posture risque de l'emmener à la confrontation avec l'Iran chiite. Son révisionnisme historique et sa volonté de modifier les frontières sont par ailleurs susceptibles de lui aliéner une partie de l'opinion arabe sunnite. Sans compter les objections russes à une montée en puissance incontrôlée de la Turquie. En dépit de leur récent rapprochement, Ankara et Moscou restent opposés par l'histoire et la géographie. La Russie, grâce à son intervention spectaculaire en Syrie, compte s'imposer comme un acteur majeur au Proche-Orient. Elle a doublé sa base navale de Tartous d'une base aérienne à Hmeimim, et l'accès à la mer Méditerranée lui est désormais acquis. Le rôle revendiqué par Moscou dans la région n'est d'ailleurs pas tant une nouveauté qu'un retour. Avant la dénonciation par les bolcheviques des accords Sykes-Picot, le partage de l'Empire ottoman par les puissances alliées prévoyait en effet que Constantinople soit dévolue à la Russie, «protectrice» des lieux saints de Palestine et des communautés orthodoxes du Proche-Orient. Mais cette ambition risque de se heurter aux prétentions à l'hégémonie régionale de l'Iran. Quels Etats après la tourmente ? Les frontières du Proche-Orient ne seront probablement pas remises en cause. L'Irak et la Syrie vont continuer à exister, mais affaiblis, délégitimés, incapables de contrôler l'ensemble de leurs territoires. L'Irak est déjà le meilleur exemple de ce nouveau genre d'Etat failli. Sa Constitution, adoptée en 2005, reconnaît le fédéralisme sans que celui-ci ait jamais vraiment été appliqué, à l'exception de la région autonome du Kurdistan, qui, elle, a outrepassé ses prérogatives en délivrant des visas, en vendant directement son pétrole à l'étranger et en créant sa propre armée. La région de Bassorah, au sud, d'où viennent la majorité des exportations pétrolières du pays, n'a pas obtenu le statut fédéral espéré, en raison de la volonté de Bagdad de contrôler le principal «tiroir-caisse» du pays. L'idée, régulièrement avancée, de diviser l'Irak en trois entités fédérées - kurde au nord, sunnite au centre et chiite au sud - est utopique. Elle fait fi du mélange communautaire encore important en Irak, notamment dans la province orientale de Diyala, malgré une décennie de «nettoyage» ethnico-confessionnel. Sans compter le sort de la capitale, Bagdad, qui ne pourrait, en raison de sa composition mixte, être rattachée à aucune de ces trois régions. La démonstration est valable pour la Syrie, où, par exemple, les Kurdes ne disposent pas d'une continuité territoriale. De même que les alaouites ne sont pas majoritaires à Lattaquié, censée être leur «capitale». Plutôt que la constitution de grands ensembles cohérents, c'est vers la fragmentation du territoire en micro-entités ethniques ou confessionnelles que l'on s'oriente. Pendant les deux années de guerre contre l'EI, les milices locales d'autodéfense ont essaimé : sunnites, chrétiennes, yézidies. Face à la faillite de l'armée, chaque communauté ou tribu n'a plus confiance qu'en elle-même. Les puissances régionales ont alimenté ces milices en armes, quand elles n'en ont pas créé de nouvelles. Ainsi, la communauté yézidie possède des milices pro-PDK (le parti dominant du Kurdistan d'Irak) et d'autres proches du PKK, son rival kurde turc. Autre exemple : une bataille oppose d'ores et déjà Kurdes et Turkmènes chiites dans la ville de Touz Khormatu, au cœur des territoires contestés (les sunnites ayant été expulsés à la faveur de la guerre contre l'EI). Cette fragmentation se retrouve en Syrie où, malgré le recul de la rébellion face aux forces pro-Assad, l'armée syrienne n'a pas les hommes nécessaires pour maintenir un contrôle permanent du territoire. Le retour de l'EI à Palmyre l'a prouvé. Des centaines de petits fiefs ont été établis par des chefs rebelles locaux, mais aussi par des milices pro-gouvernementales, syriennes ou étrangères. Dans ce nouveau cadre mouvant, le Hezbollah libanais fait figure de modèle : à la fois parti politique, milice armée et faction confessionnelle. Créé par l'Iran khomeyniste avec l'aide de la Syrie de Hafez Al-Assad au début des années 1980 pour lutter contre l'occupation israélienne du Liban, le «parti de Dieu» s'est développé, au point de devenir une entité aussi puissante qu'un Etat, voire plus dans le cas de l'Etat libanais, et un acteur transnational. Il est présent en Syrie, où il a été le fer de lance dans la bataille d'Alep, ainsi qu'en Irak et au Yémen, où ses instructeurs forment des cadres à son image : disciplinés, efficaces et fidèles au Guide suprême iranien. Le Hezbollah a tous les avantages d'un Etat sans les inconvénients, et toutes les caractéristiques d'une armée… Qui est le gagnant du «grand jeu» en cours ? Moins visible et médiatisée que la Russie de Vladimir Poutine, la République islamique d'Iran est le grand vainqueur des bouleversements en cours. Preuve de son habileté stratégique, c'est la seule puissance à avoir mené de concert les batailles de Mossoul et d'Alep, bénéficiant, en Irak, de la couverture aérienne américaine (et française) et, en Syrie, de celle de la Russie. Ces alliances de circonstance, pas même assumées dans le cas américain, n'ont jamais fait perdre de vue à Téhéran son objectif d'hégémonie régionale. L'Iran a su utiliser la guerre en Syrie pour raffermir son emprise sur le pays, qui s'apparente désormais à une occupation. Ses instructeurs ont formé les milices prorégime, rassemblées sous le nom de Forces de défense nationale (FDN), sur le modèle iranien des bassidji. L'Iran peut partir de Syrie - bien qu'il n'en soit pas près -, il y a implanté sa matrice. Au Liban, le Hezbollah, bras armé de l'Iran dans le monde arabe, n'a jamais été aussi puissant. Il a imposé son allié chrétien, le général Michel Aoun, à la présidence de la république. La position hégémonique du parti chiite, désormais perçu dans une partie de la population chrétienne comme un rempart contre le djihadisme sunnite, le dispense même d'exercer le pouvoir. Il se contente de fixer règles et lignes rouges, quitte à intervenir en cas de besoin. En Irak, la guerre contre l'EI a également profité à l'Iran, qui a pu intervenir directement dans les affaires sécuritaires de son voisin au moyen des milices chiites, créées pour contrer la ruée djihadiste vers Bagdad en 2014. Ces milices, qui entreront sans doute au Parlement après la guerre, permettent à Téhéran de peser sur le jeu politique chiite et de contrôler les velléités d'indépendance de certains leaders un peu «trop» nationalistes, à l'instar du clerc Moqtada Al-Sadr. En volant au secours du Kurdistan irakien, attaqué par l'EI en août 2014, l'Iran a aussi noué des liens fructueux avec le PDK de Massoud Barzani, tout en profitant de la guerre en Syrie pour se rapprocher du PYD syrien et de son allié turc, le PKK. L'Iran a réussi à bâtir un corridor quasi continu d'accès à la mer Méditerranée, à travers le contrôle, direct ou indirect, de territoires en Irak, en Syrie et au Liban par milices, gouvernements et alliés interposés. Cette thèse, développée dans un article du quotidien britannique The Guardian paru le 8 octobre, a trouvé un début de confirmation avec l'annonce, en décembre, de l'existence d'une base militaire commune russo-iranienne en Syrie. L'accès à la Méditerranée est essentiel pour l'Iran pour des raisons sécuritaires (la livraison directe d'armes sophistiquées au Hezbollah libanais, en première ligne contre Israël) et énergétiques (l'exportation du pétrole et du gaz iraniens vers l'Union européenne). Face à l'Arabie saoudite, son grand rival régional, confessionnel (sunnisme contre chiisme) et politique (monarchie contre république), l'Iran ne cesse de marquer des points. Avec la chute d'Alep, la défaite saoudienne est consommée en Syrie. Pire, la guerre lancée au Yémen par Riyad au printemps 2015 pour chasser du pouvoir les houthistes, des rebelles d'obédience chiite soupçonnés de proximité avec l'Iran, tourne au fiasco militaire, humanitaire et médiatique. A l'automne, les combattants houthistes ont tiré à plusieurs reprises des missiles en direction de grandes villes saoudiennes, dont Djeddah et La Mecque. L'Iran est le seul pays de la région à avoir su mêler soft et hard power, nouer des alliances sans perdre de vue ses intérêts, mobiliser tour à tour la foi religieuse (chiite) et la rationalité politique, à contrôler sans intervenir directement. Trois défis l'attendent encore : la cogestion, avec la Russie, de sa victoire en Syrie ; le risque de voir Israël prendre l'initiative d'une confrontation ; et l'incertitude créée par l'élection de Donald Trump, qui n'a jamais caché son hostilité envers la République islamique. Il reste enfin un obstacle, à terme insurmontable, à cette stratégie patiente et cynique de grignotage du Proche-Orient : l'Iran a beau être un pays musulman, il reste, en terre arabe, une puissance étrangère. C. A. In lemonde.fr