De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad L'olivier de Kabylie a fait parler de lui cette saison plus que d'habitude pour deux raisons principales : l'abondance de sa récolte et les incendies criminels qui ont emporté des milliers de ces arbres millénaires. Cette année, après plusieurs saisons peu réussies, dominées par la sécheresse partout en Kabylie, l'olivier et son fruit ont fait le bonheur des centaines de familles qui vivent grâce à cette culture agraire ancestrale. La population a de tout temps, en plus de son attachement à la limite du filial à cet arbre des ancêtres, vénéré ses vertus médicinales et jalousé l'ambiance et le rituel de son travail. Pour les Kabyles, l'arbre est autant nourricier qu'un repère identitaire sacré. Selon des données recueillies auprès d'organismes divers, qui ont souligné la belle pluviométrie ayant caractérisé la précampagne oléicole, 10 millions de litres d'huile d'olive (pour un taux d'extraction de 18%) étaient attendus cette saison qui vient de s'achever. Les estimations tournaient autour de 10 quintaux par hectare, soit 21 litres d'huile d'olive par quintal. Une saison oléicole pleine où les 290 799 oliviers que compte la wilaya de Tizi Ouzou ployaient sous la générosité de leurs fruits au point de susciter des envies malintentionnées qui n'ont pas hésité à offrir à la furie du feu des milliers d'hectares d'oliviers. C'était en septembre 2008 au moment où les familles de la région préparaient la cueillette que des incendies d'une rare ampleur et d'une simultanéité douteuse avaient mis fin aux attentes de milliers de foyers dont l'olivier constitue l'unique source de revenu. Des oliveraies des localités loin les unes des autres de la wilaya de Tizi Ouzou et de Béjaïa avaient connu en un peu plus de quatre jours des incendies suscitant la colère des propriétaires. Dans la commune pauvre de Aït Yahia Moussa, à l'extrême sud de Tizi Ouzou, la population s'est soulevée; s'attaquant à des édifices des services de sécurité pour manifester sa colère contre les procédés utilisés pour lutter contre le terrorisme. Il a fallu beaucoup de «bon sens» du côté des représentants des manifestants pour apaiser les habitants de Ivouhrène et Afir, deux villages qui ont assisté en un week-end à la destruction de leur unique bien, leur seul attachement à cette zone déshéritée. Et plus de six mois après ces faits graves, les indemnisations (seulement 15 à 27 000 DA l'olivier décimé) promises aux oléiculteurs et autres agriculteurs ne seraient pas parvenues jusqu'à présent aux bénéficiaires, selon une source locale. Cela dit, l'oléiculture a connu ces dernières années un véritable regain d'intérêt de la part de la population qui a repris le travail des champs au point que des fonctionnaires exerçant dans la région et dans les autres régions d'Algérie choisissent la période de la cueillette des olives pour prendre leur mois de congé annuel. Des personnes d'un certain âge vivant à l'étranger n'hésitent pas à rentrer au bercail le temps de la récolte oléicole. Cependant, cet élan n'est pas accompagné par les organismes chargés du développement de l'oléiculture qui, en réalité, n'a pas besoin de beaucoup d'efforts mais juste d'un peu de volonté pour sortir des traditionnelles méthodes toujours en cours dans le domaine de l'agriculture, la Kabylie étant une terre fertile pour ce genre de culture. Le vieillissement de milliers d'oliviers qui attendent d'être renouvelés, le manque d'entretien, le mauvais stockage dans des sacs non appropriés, le retard dans leur acheminement vers les huileries (absence de pistes agricoles dans les champs concernés), la défaillance des raffineries de beaucoup de huileries modernes importées (quelque 95 sur un total de 416 huileries), ces dernières années, impliquant un taux d'acidité hors normes sont l'essentiel des raisons matérielles qui freinent le développement de l'oléiculture dans cette région. Cela renseigne tout simplement sur l'absence d'une politique de développement de cette culture. «Quand l'ennemi voulait nous atteindre, c'est à l'olivier qu'il s'en prenait d'abord», affirmait Mouloud Mammeri dans un entretien au milieu des années 1980. Toujours d'actualité ?