De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad La région de Kabylie a subi dans sa chair les deux étés 2007 et 2008, qui se sont caractérisés par des pertes humaines, des décors apocalyptiques, doublés d'une canicule exceptionnelle, causés par des incendies criminels de plusieurs oliveraies et autres champs et vergers qui nourrissaient des milliers de familles démunies et adoucissaient les journées estivales oisives de dizaines de milliers de jeunes désœuvrés. La wilaya de Tizi Ouzou compterait 290 599 oliviers produisant 10q/ha d'olives (21 litres d'huile par quintal), selon des statistiques officielles récentes. La récolte oléicole demeure la seule ressource de vie la plus importante de la population kabyle dont l'attachement affectif à cet arbre, l'olivier qui symbolise la paix, est établi depuis des siècles. En août 2007, sept personnes, dont des enfants en bas âge, avaient péri dans une série d'incendies qui avait ravagé la forêt de Tassadort (commune de Tizi Ouzou) et la partie ouest de la commune de Ath Douala, à une quinzaine de kilomètres du chef-lieu de wilaya de Tizi Ouzou. Les autorités avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour panser les blessures de la population. La fin de l'été 2008, la région a été touchée par une succession d'incendies, causant des blessés et la destruction de milliers d'hectares de couvert végétal. Mais la disparition d'oliveraies millénaires a été la source d'une révolte spontanée qui a failli faire «tache d'huile» au sein de la population, particulièrement celle résidant au sud de Tizi Ouzou, zone la plus touchée par la furie des flammes. Durant la première semaine de septembre 2008, en deux jours, le feu a détruit 1 793 ha de végétations diverses, dont 4 075 arbres fruitiers et des milliers de bottes de foin, selon le bilan communiqué par les services de la Protection civile. En un laps de temps réduit (un à trois jours au maximum) et en des endroits éloignés les uns des autres, plusieurs dizaines d'incendies sont signalés par les médias sans qu'aucune explication ne soit donnée à ces «coïncidences» d'incendies, malgré l'ampleur des dégâts. Tigzirt, Iflissen, Ath Oumalou, Tizi Rached, Azeffoun, Draa El Mizan, Ath Yahia Moussa (ex-Oued-Ksari) et Aïn Zaouia, des localités situées aux quatre coins de la wilaya de Tizi Ouzou sont, en même temps, dévorées par des incendies alors que les moyens de la Protection civile (éparpillés sur des centaines de kilomètres) se sont avérés impuissants à lutter sur deux fronts en même temps : éteindre les feux et aider les populations locales dans leurs efforts à venir à bout de ces sinistres. L'exemple le plus frappant est celui des incendies ayant touché notamment deux villages de la commune de Ath Yahia Moussa, Afir et Ivouhrène, dans la daïra de Draa El Mizan, à une trentaine de kilomètres au sud de Tizi Ouzou. Dans cet espace ravagé par le feu, la population est sortie dans la rue manifester son rejet de «la politique de la terre brûlée» qu'elle a subie des jours durant. Des centaines de manifestants avaient bloqué la RN 25 qui relie leur commune au chef-lieu de wilaya avant de s'en prendre violemment aux édifices publics avec pour première cible une caserne de l'Armée nationale populaire, exigeant la présence du wali ou d'un haut responsable de l'Etat. Le feu avait ravagé tout l'ouest de la commune d'Ath Yahia Moussa (où l'on compte quelque 8 000 familles démunies) réduisant à l'état de cendres maquis, broussailles, oliveraies (environ 3 000), bottes de foin, poulaillers, ruches, étables. Ce sinistre a poussé plusieurs dizaines d'habitants à abandonner leurs maisons. Les indemnisations promises par les autorités suffisent-elles pour dissiper les doutes et interrogations qui planent sur des cendres ? Pour rappel, à la même période (du 6 au 12 septembre), selon la Direction générale des forêts (DGF), pas moins de 10 000 hectares de maquis, broussailles et de forêts ont été dévorés en Algérie par des incendies (442 foyers) sans que leurs origines soient déterminées.