Derrière leur image libre-échangiste, les Etats-Unis n'hésitent pas à appliquer des mesures protectionnistes pour assurer la pérennité de leurs intérêts commerciaux. Si le 45e Président se démarque de ses prédécesseurs, c'est par la brutalité de son style et sa volonté inquiétante d'imposer des barrières douanières sur les importations chinoises. Derrière leur image libre-échangiste, les Etats-Unis n'hésitent pas à appliquer des mesures protectionnistes pour assurer la pérennité de leurs intérêts commerciaux. Si le 45e Président se démarque de ses prédécesseurs, c'est par la brutalité de son style et sa volonté inquiétante d'imposer des barrières douanières sur les importations chinoises. Alors que Donald Trump vient officiellement de prendre les rênes des Etats-Unis, le monde entier s'inquiète du «tournant protectionniste» que promet d'enclencher le 45e président américain. Si les mesures annoncées par le magnat new-yorkais sont brutales, il n'en demeure pas moins que la défense des intérêts commerciaux est prépondérante de l'autre côté de l'Atlantique. Les Etats-Unis ont à leur actif pas moins de 1 280 mesures protectionnistes, selon Global trade alert. Ce qui les place en tête, loin devant la France (319), mais aussi d'autres grandes puissances comme la Chine (267), l'Inde (656), l'Argentine (447) et la Russie (666). Tout en sachant qu'en «Russie par exemple, il est difficile d'investir car il faut avoir ses entrées sans quoi les portes se ferment, ce qui n'incite pas à venir investir dans les entreprises», nuance Patrick Messerlin, professeur d'économie à Sciences Po. Reste qu'à l'OMC notamment, les Etats-Unis sont régulièrement l'objet d'attaques de la part de leurs partenaires commerciaux pour violation des accords. La première puissance mondiale est à l'origine de nombreux litiges, avec 139 plaintes à son égard déposées à l'OMC depuis 1997. Une fois encore, elle se place loin devant les autres membres, à l'image de l'Union européenne (83 plaintes), la Chine (39 plaintes depuis son adhésion en décembre 2001) et l'Inde (24). Washington n'hésite pas à répliquer, puisqu'elle a porté plainte 113 fois au total, et a été citée comme tierce partie dans 136 affaires. Les marchés publics délivrés aux entreprises américaines «L'idée que les Etats-Unis sont le pays du libre-échange complet est fausse», observe Patrick Messerlin. «Ils ont un affichage libre-échangiste, mais mènent une politique tout aussi protectionniste que la nôtre», poursuit l'économiste. A commencer par leurs marchés publics. Depuis le Buy American Act de 1933, le gouvernement fédéral est obligé de donner ses appels d'offre à une entreprise américaine. Par extension, les organismes finançant un projet sur la base de fonds fédéraux sont, dans certains cas, soumis aux mêmes obligations. Pour protéger ses secteurs clés historiques, Washington n'hésite pas à interdire purement et simplement des transactions. A titre d'exemple, le Comité sur les investissements étrangers (Cfius) - une agence fédérale chargée d'assurer que les investissements étrangers ne nuisent pas à la sécurité nationale - a récemment bloqué le rachat des activités américaines de l'allemand Aixtron, une entreprise de semi-conducteurs, par une société chinoise. Fabricant des technologies employées par l'armée, le secteur des semi-conducteurs est particulièrement protégé outre-Atlantique. L'automobile et le textile bénéficient du même traitement de faveur. «Ces industries ont survécu à 50 ans de libéralisme et, comme par exemple Alstom avec le gouvernement français, ils savent défendre leurs intérêts auprès des pouvoirs publics», souligne Patrick Messerlin. Enfin, les Etats-Unis font aussi massivement dans l'anti-dumping, en imposant des tarifs douaniers exorbitants sur certains produits. L'acier chinois en fait particulièrement les frais. Washington taxe à plus de 250% des nouvelles catégories d'acier en provenance de Chine, sous pression des industriels américains. La première présidence d'Obama a consisté à freiner la conclusion du TPP L'image de libre-échangiste des Américains passe aussi par les accords commerciaux signés avec ses voisins, notamment l'Alena et le TPP, sur lesquels veut revenir Donald Trump. Or, il convient de rappeler que, notamment concernant l'accord transpacifique, le choix du 45e président américain n'a rien de surprenant par rapport à ses prédécesseurs. «La première présidence d'Obama a consisté à freiner la conclusion du TPP», souligne Patrick Messerlin. Au lendemain de la crise financière de 2008, les Etats-Unis ont voulu s'écarter de l'OMC, à cause du poids politique de la Chine. En guise de réplique, Washington a décidé de se constituer une petite zone de libre-échange sur le Pacifique, composée de 12 pays, l'empire du Milieu exclu. Signé en 2015, le traité n'est toujours pas ratifié et Donald Trump compte annoncer son retrait dans les heures à venir. «Les Etats-Unis signent trop d'accords et les abandonnent dès qu'ils ne suivent plus leurs intérêts», observe l'universitaire. La différence avec le nouveau président «c'est la manière», pointe Patrick Messerlin. Ses invectives incontrôlables, notamment sur les réseaux sociaux, font craindre à l'économiste qu'il finisse par «appuyer sur le bouton rouge», que son manque de diplomatie ne crée des conflits avec d'autres puissances. Donald Trump va-t-il appliquer sa taxe sur les importations chinoises ? L'enjeu majeur tient à la promesse de Donald Trump de taxer à 45% les importations chinoises. L'incertitude sur l'application d'une telle mesure est source d'angoisse pour les entreprises américaines qui auraient beaucoup à perdre dans la bataille. «Ce serait une catastrophe pour elles. Les chaînes de valeur, sur lesquelles elles ont basées leur production, se reposent énormément sur l'étranger. Chaque composant d'un produit et son assemblage sont éparpillés, ils sont fabriqués là où il est le plus avantageux de le faire. Ce serait catastrophique si le pays de départ, dont dépend le choix de production, décide de couper la chaîne de valeur», prévient Patrick Messerlin. Encore faut-il que Donald Trump réussisse à convaincre le Congrès du bien fondé de sa mesure. Celui-ci est dominé par les républicains, ouvertement défenseurs du libre-échange et sujets aux lobbies industriels, qui ne manqueront pas de tout tenter pour la faire échouer. J. C-C. In latribune.fr