Liberté pose la question et fait parler un expert en la matière, dans son édition du 29 janvier. Analysant le phénomène de la raréfaction de la monnaie divisionnaire, une tendance durable qui coincide avec le bond enregistré par l'inflation, Mohamed Kessel ne craint pas de casser le tabou : oui, il faut aller vers un nouveau dinar. Dans un entretien au quotidien Liberté, Mohamed Kessel, spécialiste des questions financières, souligne que l'absence de la petite monnaie dans nos marchés a des effets pervers. Les pièces d'1 et 2 DA étant de moins en moins disponibles, les commerçants arrondissent à 5 DA. La rareté de cette petite monnaie est le symptôme d'une inflation rampante, analyse l'expert. L'effet de son absence conjugué à l'augmentation de TVA va surtout fragiliser le «secteur formel», c'est-à-dire celui qui active dans la légalité. Si on prend le cas des produits blancs (cuisinières, machines à laver, réfrigérateurs…) vendus à Carrefour de Mohammadia (Alger) et ceux cédés à El-Hamiz, l'augmentation de la TVA rend les produits échangés dans les marchés informels moins chers et donc plus attractifs. Dilemme de la réforme fiscale En voulant augmenter les ressources financières de l'Etat à travers la hausse de la TVA, le gouvernement va obtenir l'effet inverse. Si la crise financière se poursuit, on va avoir des marchés en franchise fiscale en plein essor, au détriment des marchés où prédominent la facture et le paiement des impôts. Tout cela renvoie, soutient-il, à un dilemme dans la réforme fiscale. Il y a une pression fiscale. Elle est le résultat d'une insuffisante appréhension de l'assiette fiscale. En d'autres termes, des pans de l'économie ou des secteurs ne sont pas fiscalisés. Ils ne paient pas d'impôts, du moins pas suffisamment. Le dilemme, c'est comment augmenter l'assiette fiscale pour diminuer la pression fiscale sur les contribuables, notamment les entreprises et les ménages. Le gouvernement n'arrive pas à résoudre ce dilemme. Devant l'absence de la petite monnaie, faudait-il réévaluer le dinar, c'est-à-dire augmenter sa valeur pour faire de 100 Nouveaux Dinars l'équivalnt d'1 dinar actuel ? Absolument pas, répond l'expert. La réévaluation du dinar fonctionne comme un appel d'air vers l'augmentation des importations. L'enjeu, ce n'est pas la réévaluation du dinar, c'est la stabilisation de sa valeur. On a besoin de le stabiliser aussi bien pour les ménages que pour les entreprises. En un mot, il convient de ne pas dévaluer le dinar, ni de le réévaluer. Car la dévaluation du dinar a pour conséquence une augmentation de l'inflation, en un mot la hausse des prix. Ce phénomène d'inflation décourage l'épargne. Il encourage les épargnants à «shifter» des actifs monétaires (devises) en période difficile. En clair, les particuliers ont tendance en période de crise financière à échanger leur épargne (argent en dinar dans les banques ou à la poste) en une épargne non monétaire (en dinars) : or, devises, achats d'immobilier. C'est préjudiciable à l'économie nationale (...) L'inflation ou la dévaluation du dinar sont des éléments de désordre. Certes, on assiste depuis 2016 à une stabilisation de la monnaie nationale, mais celle-ci a un inconvénient : elle ne reflète pas le coût réel du dinar selon une vision monétaire. Le dinar a besoin d'être dévalué pour décourager les importations superficielles. Elle permet aux entreprises qui ont un potentiel à l'exportation d'aller vers ce créneau. La dévaluation du dinar est un bonus pour l'exportateur et un malus pour l'importateur. Face à ces paradoxes, la solidité du dinar, la résistance à la crise financière actuelle renvoient à des mesures en faveur d'une augmentation des ressources financières du pays : des incitatifs à l'investissement étranger en Algérie, des Algériens résidant à l'étranger et un toilettage de la législation des changes afin d'encourager les entreprises nationales à exporter et à investir à l'étranger. En attendant, face à cette rareté de la petite monnaie, il faudarit donc créer un nouveau dinar, suggère le spécialiste. Ce dinar pourrait avoir le pouvoir d'achat d'un billet ou d'une pièce de 100 DA. On aurait une monnaie divisionnaire de 50, 20, 10 et 5 centimes équivalant aujourd'hui respectivement aux pièces de 50, 20, 10 et 5 DA en termes de pouvoir d'achat. Contrairement à une réévaluation où les salaires sont multipliés par 100, dans cette nouvelle monnaie, les salaires sont divisés par 100 tout en représentant le même pouvoir d'achat que les salaires d'aujourd'hui (...)