La Grèce a connu un dernier trimestre noir l'an passé avec un recul de 1,2% du PIB. Sur un an, la richesse hellénique a reculé de 0,1%. Une nouvelle preuve de l'impasse actuelle de la stratégie des créanciers. La Grèce a connu un dernier trimestre noir l'an passé avec un recul de 1,2% du PIB. Sur un an, la richesse hellénique a reculé de 0,1%. Une nouvelle preuve de l'impasse actuelle de la stratégie des créanciers. Voici quelques jours, alors qu'il était en voyage officiel en Grèce, le Premier ministre français Bernard Cazeneuve faisait part de sa «grande confiance» envers le «succès des réformes». Et d'ajouter qu'il ne s'agissait pas de «wishful thinking» (de la «pensée désirée»), mais de «faits». Et de se réjouir des performances du pays en matière d'ajustement budgétaire et de croissance. L'hôte de Matignon devra sans doute (mais y croit-on ?) revoir son jugement. Ce lundi 6 mars, l'institut statistique grec Elstat a révisé fortement à la baisse les chiffres de croissance du pays sur le quatrième trimestre 2016 et sur l'ensemble de l'année passée. Une croissance stagnante et un niveau de PIB très faible Entre octobre et décembre, le PIB hellénique s'est contracté de 1,2% contre les 0,4% initialement prévu. C'est la plus lourde chute depuis le troisième trimestre 2015, lors de l'établissement du contrôle des capitaux et la signature du troisième mémorandum. En termes ajustés et en volume, le PIB se situe à 45,82 milliards d'euros. Jamais un PIB du quatrième trimestre n'avait été aussi faible en Grèce depuis celui de 1998, voici donc 18 ans. Difficile donc d'adhérer à l'optimisme sur le «succès des réformes» de Bernard Cazeneuve. Sur l'ensemble de l'année 2016, le PIB qui a bénéficié d'un bon troisième trimestre (+0,6%, soit la meilleure performance depuis le premier trimestre 2015) reste quasiment stable, mais il perd tout de même 0,1% face à son niveau de 2015. Là encore, la première estimation d'une croissance de 0,3% est effacée. C'est la deuxième année de contraction de la richesse grecque en volume après la baisse de 0,2% de 2015. Depuis 2009, le PIB grec a reculé de 24,2% alors que la population du pays a reculé de 2,9% selon Eurostat. La richesse par habitant a donc reculé de 21% au cours de ces huit années. Le pays étant soumis à la surveillance de plus en plus renforcée de ses créanciers, il est bien difficile de tirer de cette administration un bilan positif. Le poids de la consolidation budgétaire Le bilan du troisième mémorandum, lui, est déjà clairement négatif. Les «réformes» imposées au gouvernement grec ont certes produit un excédent primaire (hors service de la dette) record, mais elles n'ont pas permis la reprise de l'économie. En réalité, il faut modifier cette façon même d'envisager la réalité grecque : c'est bien le troisième mémorandum qui a tiré vers le bas l'économie grecque, encore une fois. Soumis aux exigences de leurs créanciers et croyant (à tort) qu'une bonne performance leur permettra de réduire ces dernières, le gouvernement grec s'est fortement serré la ceinture. Au cours des quatre trimestres de 2016, la consommation publique a fortement été réduite. Au dernier trimestre de 2016, elle a reculé de 2,5% sur le trimestre et de 2% sur un an. Comme la consommation des ménages reste stable (+0,2% sur le trimestre), cette politique d'austérité budgétaire a nettement pesé sur la croissance. Autrement dit, pour arracher sa bonne performance budgétaire, la Grèce a détruit sa croissance. La remarque de Bernard Cazeneuve sur l'amélioration budgétaire et la croissance n'a donc aucun sens. Echec des politiques de «réformes» Mais il y a davantage. En théorie, les «réformes structurelles» doivent améliorer la compétitivité externe du pays, donc les exportations et l'investissement. Là aussi, le bilan est déplorable. Au dernier trimestre 2016, l'investissement productif affichait un recul de 13,8% sur un an. Le niveau d'investissement productif est inférieur au niveau du dernier trimestre de 2014. Sur un an, l'investissement productif est stable. Du côté des exportations, même constat. Certes, sur un an, les exportations progressent de 5,7%, mais elles reculent de 1,4% sur un trimestre. Et sur l'ensemble de l'année, les livraisons à l'étranger reculent de 1,6%. Là encore, les «réformes» n'ont pas payé. D'autant que le pays demeure très dépendant de l'étranger puisque son outil productif a très lourdement souffert de la crise et que l'investissement ne repart pas. A l'évidence, la stratégie économique des créanciers n'est pas la bonne. Rien d'étonnant à cela puisque la stratégie des créanciers est fondée non pas sur la reprise économique de la Grèce, mais sur la capacité de ce pays à rembourser le nominal de la dette. Cette obsession d'éviter la faillite, et principalement la faillite de la gestion de la crise grecque depuis 2010, conduit à étrangler l'économie hellénique et à le priver d'horizon de sortie de crise. Le refus de mettre en place une restructuration sérieuse de la dette publique grecque, comme le demande notamment le FMI, de la part de l'Eurogroupe est une désincitation forte à investir dans ce pays. De même, la décision d'instaurer des baisses de dépenses automatiques en 2018, et peut-être au-delà, et les pourparlers pour exiger la poursuite des objectifs d'excédent primaire de 3,5% du PIB sont autant de raison pour tout investisseur de se garder d'investir en Grèce et, pour les ménages, de modérer leurs dépenses. Conditions d'une nouvelle crise Bernard Cazeneuve se trompe donc fort, comme tous les créanciers de la Grèce. Il continue de vouloir faire croire à ce qui n'est qu'un mythe qui, depuis trop longtemps, garrotte ce pays : celui que les «réformes» rétabliraient la croissance et la prospérité, alors qu'elles continuent à tirer le pays dans une spirale infernale. Après huit ans d'échec, l'heure serait sans doute venue de changer de stratégie. Mais ceci supposerait de reconnaître des erreurs, ce qui ne semble pas à l'ordre du jour. Dès lors, le Premier ministre français confirme la position faible de la France sur ce dossier. François Hollande prétend à qui veut l'entendre avoir «sauvé» la Grèce. Mais ce «sauvetage» semble fantomatique et bien fragile. Le troisième mémorandum ne cesse de se durcir et l'économie grecque stagne à un niveau très bas. Ces mauvais chiffres interviennent en pleine négociation sur la deuxième revue du programme et sur les conditions futures du soutien financier européen. Elles n'y joueront logiquement aucun rôle compte tenu de la logique dominante. Progressivement, et de façon fort compréhensible, les Grecs commencent à s'interroger sur l'opportunité de rester dans l'euro. Même si la croissance revient en 2017, on sait combien ce type de croissance, obtenue par les «réformes» est inégalement répartie. Compte tenu du carcan et du niveau bas de l'économie, cette croissance ne permettra pas le retour à la stabilité. Les conditions de la prochaine crise grecque se réunissent donc peu à peu à nouveau. R. G. In latribune.fr