Cette fois-ci, trop, c'est trop, car le vase des provocations de la diplomatie marocaine était par trop plein. En dépit des graves accusations adverses, la diplomatie algérienne a quand même pris le temps de la réflexion et du recul nécessaires pour répondre aux grossières provocations et autres attaques agressives émanant des ministères des Affaires étrangères et de l'Intérieur marocains. La mise au point est ferme sur le fond et posée sur la forme. A l'impulsivité, l'arrogance et l'outrecuidance de la diplomatie chérifienne, la diplomatie algérienne a opposé la retenue, l'humilité et la sagesse, tout en démontant méthodiquement la mécanique des élucubrations de Rabat. Au premier tir ciblé, l'Algérie est accusée de se montrer passive ou carrément complaisante en matière de lutte antiterroriste à la frontière commune. Et, pis encore, de fermer les yeux sur le recrutement supposé par Daech de Sahraouis des Camps de réfugiés de Tindouf. En langage décodé, les services spéciaux algériens seraient un coup complaisants et l'autre complices ou incompétents. Après cette lourde charge d'un haut responsable des services de sécurité du Makhzen, c'est au tour de notre ambassadeur à Rabat d'être convoqué pour entendre dire, dans un premier temps, que l'Algérie organise une émigration méthodique de réfugiés syriens au Maroc. Ensuite, que les réfugiés syriens y subissent un traitement inhumain. Naturellement, le MAE algérien a convoqué à son tour l'ambassadeur du Maroc pour lui signifier que ces allégations sont grotesques et fallacieuses. Au fond, l'histoire est bien celle de l'arroseur arrosé, car ce sont bien les autorités marocaines, comme en attestent des organisations des droits de l'Homme et des médias marocains, qui expulsent vers la frontières algérienne des ressortissants subsahariens et syriens. Dans le but manifeste d'y provoquer un chaos humanitaire La provocation est aussi absurde que la propagande hostile est évidente. L'esprit de responsabilité est en revanche en Algérie où un peu plus de 40 000 réfugiés syriens y vivent dans de véritables cadres d'insertion sociale, leur assurant des facilités en matière de séjour, de scolarisation, d'accès aux soins médicaux et au logement ainsi que l'exercice d'activités commerciales. L'implication cette fois-ci de deux ministères régaliens marocains, participe bien entendu d'une classique stratégie de la tension amplifiée régulièrement par des campagnes médiatiques parfois hystériques. Cette stratégie du stress et de la discorde connait des pics de fièvre chaque fois que la diplomatie marocaine connait quelque part une déconvenue. Comme par exemple, en mars dernier à Dakar, où elle voulait empêcher la Rasd de participer à une conférence du Partenariat Union africaine - Nations unies, reportée sine die en raison des blocages et de la fuite en avant de la diplomatie marocaine. Idem pour les humiliations subies par le roi Mohamed VI en personne, à la Havane où on lui a signifié que Cuba ne reviendra pas sur sa reconnaissance de la Rasd ; et aux Etats-Unis où il a fait inutilement le pied de grue dans l'espoir de rencontrer le président Trump. Toutes ces séquences diplomatiques sont les symptômes d'une diplomatie délabrée et bunkérisée. Et pourtant le royaume chérifien ne manque pas de diplomates talentueux et compétents et sa diplomatie est l'une des plus anciennes du monde musulman. Mais comment expliquer sa régulière descente aux enfers depuis la mort du roi Hasan II et particulièrement ces derniers mois ? Au point d'atteindre un niveau de délabrement et de médiocrité digne d'une République néocoloniale de troisième ou quatrième ordre? Régulièrement, la presse marocaine encore libre se fait l'écho de la mise à l'écart de diplomates compétents au profit de profils étrangers au métier. Un choix de clientèles basé sur le seul critère d'allégeance. Une désastreuse politique de ressources humaines aggravée par l'amateurisme, l'indécision et l'impulsivité du Roi en matière de politique étrangère. Et les bévues ne se comptent plus. Rupture unilatérale, brutale et incompréhensible des relations diplomatiques avec l'Iran et le Venezuela. Avec l'Iran, ce fut d'autant plus stupéfiant que cette rupture fut décidée au moment même où cette puissance régionale et grand pays énergétique normalisait ses relations avec les USA et l'Europe. «Qu'est-ce que le Maroc est allé faire dans cette galère anti-iranienne ? Bien malin, aujourd'hui, qui pourrait donner une réponse. A moins qu'il ne s'agisse, tout simplement, d'une affligeante manifestation d'amateurisme de notre diplomatie. Connaissant ses antécédents en la matière, cette hypothèse, hélas, n'est pas à écarter», écrivait alors l'hebdomadaire marocain Tel Quel. Le pire, c'est surtout la vassalisation de plus en plus manifeste à l'Arabie saoudite et ses satellites du CCG. On sentait bien que la rupture avec l'Iran était un acte de pur suivisme, destiné à plaire à une monarchie wahhabite qui sert notamment de tiroir-caisse pour Rabat. Mais il y a surtout et depuis fort longtemps cette incapacité manifeste à améliorer les relations ou à surmonter les contentieux avec l'Algérie. Les relations avec son grand voisin de l'Ouest sont déterminées par le prisme déformant du conflit du Sahara occidental. Sur ce dossier, la diplomatie marocaine fait aujourd'hui preuve d'un autisme profond qui dépasse de loin l'enfermement diplomatique des années Hassan II. Pourtant, à la fin de son règne, le père de Mohamed VI avait su désolidariser les relations avec l'Algérie de la question du Sahara occidental, ce qui lui a permis de jouer un rôle important dans la création de l'Union du Maghreb arabe (UMA). Cet autisme traduit encore plus l'esprit bunker qui caractérise actuellement la diplomatie du Palais royal. Une parano et une schizophrénie qui ont abouti à une sérieuse détérioration des relations avec l'ONU. A court d'arguments, le Palais royal avait organisé des marches de protestation contre Ban Ki moon, avec des ministres qui ont battu le pavé à Rabat. Du jamais vu ! Et, enfin, recul considérable des réseaux d'influence marocains au sein de l'Union européenne. Une UE avec laquelle le dialogue est au point mort, sans oublier son adhésion à l'Union africaine qui n'a pas abouti à l'expulsion de la Rasd. N. K.