De notre correspondant à Constantine A. Lemili Nul ne peut ignorer le bras de fer qui a opposé, il y a près de trois ans, les propriétaires d'étals de la cité Daksi à l'administration locale et des élus de la commune. La Tribune comme bon nombre de titres de presse s'était fait l'écho d'un dur affrontement entre forces de l'ordre et vendeurs lors d'un délogement musclé. La situation n'était alors revenue à la normale qu'une fois que des représentants de l'administration et des élus eurent pris langue avec une délégation des étalagistes délogés. Il y a lieu de souligner que le lieu en question était une véritable plaie lépreuse qui défigurait un terrain vague implanté dans une mégacité populeuse, magma de nombreux îlots d'immeubles abritant une population hybride parce que constituée de famille d'origines diverses mais ayant comme dénominateur commun une extraction prolétarienne, si ce n'est du lumpenprolétariat. En tout état de cause, les négociations avaient abouti à un deal consistant en une humanisation des lieux par leur réhabilitation et restitution à leurs propriétaires dont la liste avait alors été établie et arrêtée au nombre de 736 bénéficiaires, lesquels s'acquitteront par la suite d'une caution de sept millions de centimes avec l'assurance de jouir chacun d'un espace selon son activité. De six mois de délai de réalisation de travaux, ces derniers ont atteint trois années. Les «commerçants» délogés ayant été transférés à titre provisoire sur un autre terrain d'une cité également populeuse et d'égale condition, c'est-à-dire modeste. Là, il y a, par conséquent, lieu de préciser qu'il s'agissait d'étals de fruits et légumes de qualité très moyenne et, donc, à des prix défiant toute concurrence, de fripes, de viande rouge ou blanche, d'abattage clandestin, de poissons (sardines), d'ustensiles de cuisine, de cosmétiques de marque mais d'origine douteuse au vu du coût de cession, de restauration rapide aux mets les plus inquiétants pour la santé, etc.Aujourd'hui, les 736 locaux vont être restitués pour une reprise des activités «sauf qu'une bonne partie des bénéficiaires aurait été laissée en rade et remplacée par d'indus bénéficiaires, dont de nombreuses personnes de sexe féminin parachutées, et parmi lesquelles se trouveraient des fonctionnaires», selon les propos d'un représentant des bénéficiaires initiaux. Un autre estime pour sa part «l'impossibilité de lutter contre l'hydre administrative. Ce qui a été décidé est décidé ; personnellement, j'ai obtempéré aux orientations du wali d'introduire un recours au cas où la décision ne me convenait pas. J'ai donc, au même titre que deux cents de mes pairs, formulé un recours et décidé d'attendre. Il ne reste que 236 locaux non affectés pour près de 2 000 recours alors que les vrais bénéficiaires sont de l'ordre de 500. Quoi qu'il arrive, beaucoup de véritables bénéficiaires vont se retrouver à la rue quoiqu'ils aient versé, il y a deux ou trois années, la caution». Effectivement, si dans leur malheur, les anciens propriétaires avaient fait preuve d'union pour revendiquer un «droit», ce n'est plus le cas vraisemblablement maintenant dans la mesure où l'administration est arrivée à les diviser en régularisant sans sourciller ceux qui avaient la réputation de «purs et durs de la contestation». La solidarité dans le besoin et l'union dans la difficulté étant entre-temps devenues dans la foulée une vue de l'esprit.Quoi qu'il en soit, il est pratiquement certain que les «déboutés» vont s'arranger pour créer un autre espace informel et s'y installer un jour, prenant la poudre d'escampette à l'arrivée de la police de la voie et un autre espace pour s'adonner à leur commerce. En somme, l'éternel jeu du chat et de la souris en attendant la prochaine explosion sociale format réduit.