Plus d'une centaine de personnes se sont rassemblées, hier à Alger, devant le siège de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav). Les manifestants entendaient dénoncer les programmes diffusés par la chaîne privée Ennahar-TV et soutenir le romancier Rachid Boudjedra, victime d'une caméra cachée d'une rare violence de cette chaine, a-t-on constaté sur place. Les méthodes utilisées dans cette «émission de divertissement» en ce mois sacré sont «la marque de fabrique de Daech», dira un journaliste. «C'est un attentat terroriste, ce n'est pas une émission», renchérit Rachid Boudjedra. L'action de protestation initiée par des journalistes, intellectuels, écrivains et universitaires a vu la surprenante participation du frère et conseiller spécial du président de la République, Saïd Bouteflika. En toute modestie, il a traversé la foule pour saluer chaleureusement la victime d'Ennahar-TV. «C'est une ignominie ce qu'ils t'ont fait», lui dira-t-il. «Fais quelque chose. Tout seul, je ne peux rien faire», lui demande l'écrivain dont l'humiliation que lui a infligé Ennahar TV a ému toute l'Algérie. «A la Justice et au ministère de l'Intérieur» d'agir, poursuit l'écrivain entouré d'une foule nombreuse. Le conseiller spécial du Président fronce les sourcils et hoche la tête comme pour lui signifier son acquiescement. Mais la visite de Saïd Bouteflika sera perturbée par quelques jeunes qui lui crieront de partir. On peut comprendre qu'un représentant de l'Etat puisse susciter quelques réactions de colère, mais la maturité politique aurait voulu qu'on mette de côté ces ressentiments lorsque celui qu'on considère comme adversaire soutient l'action à laquelle on adhère pleinement. Saïd Bouteflika quitte la place après le bref message de soutien à l'écrivain, sans faire la moindre déclaration aux journalistes qui l'interrogeaient sur sa présence. Peu avant, un des initiateurs du rassemblement dira qu'«on ne veut pas que la religion soit utilisée à des fins commerciales». «Ennahar-TV utilise la religion et les croyances des autres pour se placer sur l'échiquier médiatique», a-t-il dénoncé. Peu après le départ de Saïd Bouteflika, le président de l'Arav, Zouaoui Benhamadi sortira de son bureau pour inviter Rachid Boudjedra à une réunion de travail d'où il ressortira une demi-heure plus tard. A. B.