«Tonton Bachir-Cherif», c'est ainsi que je t'appelais affectueusement et toi tu m'appelais «La petite». Je n'aurais jamais pensé que la prochaine fois que je reprendrai ma plume ça serait pour écrire en ta mémoire. On se dit innocemment que nous avons le temps d'aller voir nos amis, les personnes qui nous sont chères, les personnes que nous affectionnons, mais en fait, non. Le temps ne nous appartient nullement et nous nous retrouvons à pleurer et regretter un temps passé loin d'eux. Septembre 2005, tu m'as ouvert les portes de la rédaction du quotidien La Tribune, à Alger, où j'ai passé trois semaines de stage. J'ai appris les ficelles de ce beau métier de journalisme avec toute l'équipe du journal ; le courage et la détermination avec toi. Je me rappelle encore les discussions houleuses lors des réunions de rédaction, tu débattais chaque point, chaque chose passait par ton aval. Apparaissait alors ton attachement à cette Algérie libre, tes convictions, tes principes que tu défendais corps et âme. Trois années sont passées où j'ai été correspondante de La Tribune à Constantine et le jour où j'ai eu le projet de monter ma maison d'édition tu m'avais encouragée et applaudi mon initiative. Courant 2011, je t'avais sollicité pour un entretien pour mon mémoire de Master que je soutenais à l'Université Paris XIII sur «la grève de la presse écrite algérienne en 1998». Tu m'avais accueilli avec autant de chaleur que d'affection et tu m'avais demandé combien de question j'avais, j'ai répondu «dix» et tu as répliqué, «dix questions, dix minutes !». Nous avions pris un peu moins de dix minutes, tes réponses étaient claires et précises comme à chaque fois. Mon prochain projet est de publier mon mémoire de Master et je voulais - personne ne le savais encore - te demander de m'écrire la préface parce que j'estimais devoir te témoigner ma reconnaissance pour ce parcours professionnel que je mène. Tu es parti sans que je ne puisse le faire. La dernière fois que nous avions pris de tes nouvelles, avec mon père, c'était pour t'annoncer, dans la douleur aussi, la disparition de notre ami Abdelkrim Djillali. Je garde tous ces souvenirs de toi «mon mentor», l'ami de la famille, le frère, le père. *Directrice des Editions du champ libre