La recomposition de la vie politique française est désormais une réalité. La déflagration du 1er tour des élections législatives d'il y a 48 heures et les projections qu'elle dégage pour les résultats du second tour dimanche prochain changent profondément un paysage politique qui perdurait depuis le 19e siècle. Le classique clivage gauche-droite a reçu un uppercut sec, violent qui l'a mis KO. Macron a réussi au-delà de toutes ses espérances à terrasser le parti socialiste à qui se pose la question de son existence, et à écrabouiller la droite républicaine qui a perdu ses repères et navigue à vue. Il est assuré d'obtenir dimanche prochain un nombre de députés dépassant largement la majorité absolue requise. Si le président de la République et son jeune parti La République en Marche (LRM) se dirigent vers un triomphe historique, il y a lieu de relever au préalable ce que tout le monde a constaté, l'exceptionnel taux d'abstention au scrutin. 51, 29% des électeurs ont boudé les urnes. Soit plus d'un sur deux. La démobilisation des Français après une élection présidentielle devient une constante qui s'aggrave de quinquennat à quinquennat et réduit ainsi la légitimité de l'Assemblée nationale élue. Ce constat fait l'objet de tentatives d'explications, comme celle du quotidien catholique La Croix : «L'idée que les jeux semblaient être déjà faits avant même le vote, l'absence d'adhésion forte à l'offre incarnée par le nouveau Président sont des causes probables de cette absence de mobilisation, tout comme le délitement de la gauche de gouvernement, défait dimanche, et les divisions de la droite.» Au niveau des scores, LRM a obtenu 32,3% des suffrages exprimés. Loin devant Les Républicains (LR), 21%, le Front national, 13%, France insoumise (FI), 11% et le parti socialiste, 8%… A l'issue du 1er tour, seuls 4 députés ont été élus. Dimanche prochain, hormis une circonscription, il y aura partout des duels ou les candidats LRM sont souvent en ballotage favorable. Exprimé en projections de sièges, l'avantage des macronnistes devrait se traduire par un gain faramineux situé entre 400 et 455 députés. Sachant que la majorité absolue à l'Assemblée nationale est de 289 députés, LRM, avec ou sans son petit allié Le Modem, écrasera de tout son poids la Chambre, une hégémonie qui n'a d'égal que celle obtenue par le général de Gaulle en 1958. Un raz-de-marée qui laisse des miettes aux oppositions. Le parti socialiste est la formation la plus atteinte pour entrer dans le coma. De sa majorité absolue en 2012, il peut espérer sauver à peine entre 20 et 30 sièges. Ces principaux leaders ont été éliminés dès le premier tour, comme Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du parti, ou Benoît Hamon, le candidat à l'élection présidentielle. A droite, LR et son allié centriste UDI tenteront de sauver une centaine de sièges, ce qui ne leur permettra que de faire pâle figure dans l'hémicycle législatif, même si c'est une défaite moins cinglante que celle des socialistes qui paient le bilan présidentiel de Hollande et leurs divisions. Mais il n'y a pas que le PS et LR qui ont perdu des plumes. Le Front national est estimé valoir entre un et dix sièges, ce qui fait que l'extrême-droite un profil bas en ce début de semaine. FI de Jean-Luc Mélenchon et le parti communiste espèrent une quinzaine de sièges afin de pouvoir former un groupe parlementaire qui permet d'exister dans le système de fonctionnement de l'Assemblée nationale et de bénéficier de temps de parole. Reste maintenant à voir si le deuxième tour de l'élection législative confirmera en bloc les certitudes et les projections données par le premier tour. Si la victoire des partisans de Macron semble faire consensus, les opposants font appel à une remobilisation de l'électorat pour atténuer cette victoire afin de laisser un souffle démocratique au jeu parlementaire. Se pose et se posera encore la question de la viabilité du modèle démocratique français pour les législatives où le scrutin uninominal à deux tours permet avec 32% de voix des suffrages au premier tour de rafler au second tour les ¾ des sièges de députés. Dans un «fromage» publié à la une du dernier numéro du Monde, on observe que l'anachronisme démocratique prend de l'ampleur avec l'obtention par LRM que de 15,39% des inscrits au premier tour. Mais tous les partis politiques connaissaient les règles du jeu depuis 1958. Hier, elles ont profité à la droite et aux socialistes qui s'en accommodaient très bien. Et de Gaulle l'avait instaurée pour assurer une stabilité politique qui, elle seule, permet de gouverner dans le temps. Macron a promis de gommer «les effets injustes» de ce système en introduisant une dose de proportionnel à l'élection législative. Il prépare une loi programmée en 2018. M. M.