C'est incontestable, le sérieux Abdelmadjid Tebboune est le premier Premier ministre à proposer une vision globale de la communication. Il a en effet annoncé un plan de dynamisation et d'encadrement juridique et éthique incluant notamment la télévision privée et la presse écrite dont les libertés seraient renforcées et élargies. Il a surtout annoncé la régularisation rapide du statut incongru et hors la loi des télés offshore, de même que la libéralisation partielle du champ radiophonique et télévisuel satellitaire, à travers la mise en place d'un «réseau de diffusion analogique terrestre, la mise en service de stations de diffusion radiophonique (FM) et de réseaux radiophonique et télévisuel par satellite». Volontariste à souhait, le successeur du débonnaire Abdelmalek Sellal affirme qu'il «veillera personnellement» à la réalisation de ce plan de régularisation de relance et d'extension médiatique, qui comprend aussi «l'activation et la consolidation des autorités de régulation […], ainsi que l'installation du Conseil d'éthique et de déontologie de la presse, aux côtés de l'Autorité de régulation de la presse écrite et de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel». Signe tangible de ce volontarisme inhabituel, l'idée même d'agir vite, dans la mesure où les chaînes de télé de droit étrangers, celles qui ont été agréées au titre de bureaux de presse accrédités en Algérie et celles qui ne le sont pas encore, seraient régularisées, «avant la fin de l'année», selon un «cahier des charges plus précis». Ces stations de télévision, de droit étranger, et qui activaient dans une anarchie inouïe, sans respect du cahier des charges existant et sans scrupules éthiques, auraient, en cas de conformité avec les nouvelles normes édictées, un statut de «chaînes algériennes diffusant depuis l'Algérie et non de l'étranger». S'agissant du secteur public de la presse en particulier et de la communication en général, le Premier ministre a annoncé, coup sur coup, la création d'une chaîne de télévision parlementaire, et la «réorganisation des moyens publiques d'édition», à savoir le secteur audiovisuel, les journaux en papier et les rotatives étatiques. Ajoutez encore deux autres nouvelles de bons augures pour la presse nationale privée et publique : une meilleure défense des droits sociaux des journalistes et un accès plus facilité à l'information institutionnelle. En l'absence d'un ou de plusieurs syndicats sociaux des journalistes, voir Abdelmadjid Tebboune dans la posture du premier syndicaliste de la presse, est quelque chose de réjouissant ! Il faudrait donc s'attendre à ce que des plans de carrière et des grilles de salaires dignes de ce nom, avec de nouveaux barèmes, soient ultérieurement définis. L'amélioration des conditions sociales des professionnels des médias (salaires, congés, prise en charge sociale), chose que l'on n'a plus vues depuis la disparition du mythique SGT, le Statut général des travailleurs édicté durant le premier mandat du président Chadli Bendjédid, était longtemps espérée, au même titre qu'un accès banalisé à une information institutionnelle disponible et plus ouverte. Sur ce dernier point, Abdelmadjid Tebboune semble animé de louables intentions, dans la mesure où il entend défendre la «dignité et de la décence sociale» des journalistes et autres professionnels techniques de la presse écrite et audiovisuelle. Quant au déverrouillage de la communication des pouvoirs publics et de la représentation politique nationale, on prend également bonne note de sa volonté «d'organiser la communication institutionnelle, de manière à refléter une «volonté de transparence» rarement vue depuis l'indépendance du pays. Parmi ses premières actions concrètes, l'annonce de la création d'une chaîne parlementaire dédiée à la chambre basse et à la chambre haute. Ce nouveau volontarisme politique a, il faut le reconnaître, le mérite de faire bouger des lignes figées auxquelles les gouvernements précédents n'osaient pas s'attaquer, préférant alors le confort du statu quo que masquait à peine l'exercice d'un magistère de la parole qui ne rassurait que ceux qui le tenaient. Cette époque semble donc révolue, et c'est tant mieux ! On en a eu d'ailleurs un signe éloquent lorsque le conseiller spécial du chef de l'Etat, en l'occurrence son frère Saïd, avait rejoint, dans une démarche symbolique, une manifestation de protestation pacifique devant le siège de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav) à Alger, contre les dérives ignominieuses d'une télé privée. Démarche inédite et d'autant plus symbolique que les propriétaires de cette télé offshore se sont longtemps cru être devenus un pouvoir démiurgique au-dessus même du pouvoir constitutionnel ! On s'était alors dit que le plus haut sommet de l'Etat a enfin pris toute la mesure des dérives intolérables que le capharnaüm audiovisuel privé ne cesse de produire. Avec les fortes intentions affichées à l'Assemblée nationale par Abdelmadjid Tebboune, on sent déjà le passage à l'acte rapide. Faut-il s'en plaindre ? N. K.