Il était sans doute temps : le gouvernement, acculé par l'indignation générale suscitée par les "dérives" de la chaîne Ennahar contre l'écrivain Rachid Boudjedra, semble décidé à donner un coup de pied dans la fourmilière du secteur de l'audiovisuel, notamment les chaînes de télévisions privées où la course effrénée à l'audimat s'accompagne presque systématiquement de violations des règles d'éthique et de déontologie. Ces chaînes, plus d'une cinquantaine, émettant toutes depuis l'étranger "agissent dans l'illégalité" a lâché, il y a quelques jours, le président de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav), Zouaoui Benhamadi, comme pour exprimer l'absence d'un cadre juridique approprié à même d'encadrer leur activité. "Le dossier des chaînes de télévision privées sera définitivement clos avant fin 2017", a assuré Abdelmadjid Tebboune lors d'une conférence de presse organisée à l'issue de l'adoption par le Parlement de son plan d'action. Il a ainsi annoncé "l'accréditation de ces dernières, selon un cahier des charges plus précis, en tant que chaînes algériennes diffusant depuis l'Algérie et non de l'étranger". Peu de temps auparavant, en réponse aux questions des députés, le Premier ministre a réitéré que "la liberté d'expression est un acquis démocratique et en réponse à tout ce qui a été dit à ce sujet, le gouvernement œuvrera à son renforcement à travers l'activation et la consolidation des autorités de régulation sur lesquelles je veillerai personnellement, ainsi qu'à l'installation du Conseil d'éthique et de déontologie de la presse". Autres engagements : la mise en place, avant la fin de l'année en cours, de l'Autorité de régulation de la presse écrite, la réorganisation des moyens publics d'édition, la révision des conditions d'accréditation des chaînes privées de droit algérien, la mise en place du réseau de diffusion analogique terrestre et la mise en service de stations de diffusion radiophonique (FM) et de réseau radiophonique et télévisuelle par satellite. L'amélioration des conditions sociales des journalistes, l'amélioration de la communication institutionnelle, dont le moins que l'on puisse dire, si on excepte certaines institutions, est qu'elle demeure archaïque et d'autres "mesures" visant à renforcer la liberté de la presse sont autant d'autres axes du plan de l'Exécutif que Tebboune s'engage à mettre en œuvre. "Le gouvernement initiera dans ce cadre toutes les mesures tendant à renforcer la liberté de la presse écrite et audiovisuelle ainsi que la liberté de diffusion des informations, des idées, et des opinions, dans le respect de la dignité, des libertés et droits d'autrui, des constantes, des valeurs religieuses, morales et culturelles de la nation. Il entend mener sa démarche de modernisation à travers la promotion de la dignité et de la décence sociale des journalistes et la poursuite de l'amélioration de leurs droits sociaux selon les principes consacrés par la loi. Il s'attache, par ailleurs, à organiser la communication institutionnelle de manière à refléter une volonté de transparence". Si on ne peut objectivement préjuger des intentions du gouvernement, il reste que la mise en place des conditions pour une véritable liberté de la presse et d'expression appelle une grande volonté politique et un grand engagement en faveur de la démocratie. On sait ce qu'il est advenu des chaînes de télévision Atlas-TV et El Watan-TV : fermées l'une pour avoir critiqué le bilan de Bouteflika la veille de l'élection présidentielle de 2014 et l'autre après les propos tenus sur ses antennes par l'ancien chef de l'AIS, Madani Mezrag. Il y a aussi le sort tragique de Mohamed Tamalt ou encore d'autres blogueurs qui croupissent en prison pour des opinions exprimées sur les réseaux sociaux. C'est dire que le chemin est encore long. Karim K.