Grâce à une modification des règlements de la Fédération internationale de football association (FIFA), les pays africains peuvent désormais intégrer dans leur sélection nationale les joueurs bénéficiant d'une double nationalité et évoluant en Europe. Depuis le 20 octobre 2003, la FIFA est dotée d'un nouveau statut, dont une disposition qui a particulièrement satisfait le continent africain. Le nouvel article 15, relatif à l'intégration en sélection nationale des joueurs ayant la double nationalité, vient en effet d'être amendé comme suit : «Ce droit de jouer en match international pour une association ne peut être réclamé que si le joueur n'a pas disputé de match international A pour l'association dont il relève jusqu'au moment de la demande, et que s'il était déjà au bénéfice de ces nationalités au moment de sa première entrée de jeu (en tout ou partie) dans un match international d'une compétition officielle de quelque catégorie que ce soit». En clair, cette réforme permettra à tout joueur détenant une double nationalité de changer d'association s'il n'a pas disputé de rencontres internationales A avec la première association. Et en règle générale, elle précise que le joueur devra faire sa demande avant l'âge de 21 ans tout en laissant une période de transition de 12 mois à partir du 1er janvier 2004 pour les joueurs répondant aux conditions, mais qui ont dépassé cette limite d'âge et qui désirent changer d'association. Cet article 15 constitue un important changement par rapport aux anciens textes qui énonçaient jusque-là que tout joueur ayant disputé une rencontre internationale, quel que soit le niveau, ne pouvait plus changer d'association. «Les jeunes joueurs africains sont les principaux bénéficiaires des nouvelles règles de la FIFA sur la double nationalité», estime le président de la FIFA, Sepp Blatter. Ce dernier a été soumis à de nombreuses pressions de la part des pays européens, qui refusaient l'adoption de cette disposition. «Elle est particulièrement importante pour les jeunes footballeurs africains qui jouent en Europe, comme en France, en Belgique et en Grande-Bretagne», a précisé Blatter après le congrès extraordinaire de Doha (Qatar) approuvant cette révision de statut. Cette modification permet ainsi aux pays africains d'intégrer certaines de leurs vedettes ayant évolué sous d'autres couleurs. Nombreux sont les expatriés africains disposant de la double nationalité lorsqu'ils évoluent en Europe. L'un d'eux pourrait par exemple avoir représenté la France en juniors et être aujourd'hui autorisé à jouer pour son pays d'origine au plus haut niveau international. Cela concernait par exemple les joueurs français Habib Bamogo, ivoirien de naissance, le Congolais de Belgique Patrick Dimbala, l'ex-jeune prodige ghanéen des moins de 17 ans des Etats-Unis Freddy Adu et bien d'autres encore. En revanche, dans le but d'éviter que cette autorisation ne favorise les manœuvres de naturalisation, la FIFA exige que le joueur ait détenu la double nationalité au moment où il évoluait en catégorie juniors pour pouvoir ensuite changer d'association. Réintégration pour la CAN Au lendemain de l'approbation de la décision par le congrès de la FIFA, les pays africains ont immédiatement pris contact avec leurs joueurs évoluant en Europe. Ceux susceptibles de leur apporter une grande aide en Coupe d'Afrique des nations (CAN), ont vite été régularisés. Adel Chedli et Chawki Ben Saada font partie de l'effectif des Aigles de Carthage lors de la CAN 2004 organisée par la Tunisie, deux joueurs de nationalité tunisienne et française qui ont intégré la sélection de leur pays d'origine. Même cas pour l'attaquant de Tottenham (Ang), Frédéric Kanouté (26 ans), ex-joueur espoirs de France, qui a défendu à plusieurs reprises et défend toujours les couleurs des Aigles du Mali. De son côté, la RD Congo a, pour la première fois, nommé deux joueurs bénéficiant de cette double nationalité sur sa liste préliminaire pour la CAN 2004. L'ex-milieu de la Real Valladolid (Espagne) Ariza Makukula et l'ex-défenseur d'Anderlecht (Belgique) Gabriel Ngalula Mbuyi (mieux connu en Belgique sous le nom de Junior) ont en effet été respectivement sélectionnés par les équipes espoirs du Portugal et de Belgique. La Belgique avait également bénéficié des services de l'Italien Enzo Scifo. Le Portugal, pour sa part, compte plusieurs joueurs d'origine brésilienne comme Deco ou Pepe et, avant eux, au milieu du siècle dernier, le phénoménal Eusebio, originaire de l'Angola. Même l'Italie, pourtant très connue pour son conservatisme et la qualité de formation des joueurs de talent, n'a pas hésité à faire appel au service du fougueux Argentin Camoranesi, La Squadra Azzura fait les yeux doux au Brésilien Amauri, attaquant de la Juventus de Turin, qui a été appelé pour la première fois de sa carrière en Seleçao par le sélectionneur Carlos Dunga, pour affronter l'Italie en match amical, le 10 février dernier. L'ancienne vedette de Palerme, en attente de son passeport italien, a remplacé l'attaquant du FC Séville Luis Fabiano, touché à la jambe gauche. L'autre prodige brésilien venu du Porto Alegré était sur les tablettes de la sélection italienne. Heureusement pour lui, le sélectionneur du Brésil Carlos Dunga, a fait appel, pour la première fois, au jeune prodige du Milan AC Alexandre Pato (18 ans), pour affronter l'Irlande le 6 février dernier à Dublin en match amical. La Libye n'est pas restée en marge, elle a eu son étranger en la personne de Luis Alejandro Ruben. La Tunisie a naturalisé deux joueurs brésiliens, le défenseur Clayton et l'attaquant Dos Santos Silva. Même chose pour le Qatar, accusé par Sepp Blatter, président de la FIFA, de recourir systématiquement aux naturalisations, comme c'est le cas plus récemment pour le Bahrein. Mais grâce au nouveau règlement, entré en vigueur le 1er janvier 2004, plusieurs joueurs ont effectué un changement de camp en faveur de leur pays d'origine. Ce n'était là qu'un début. Pour ceux qui ont voulu rejoindre leur sélection du pays d'origine, certains sont toujours en attente du signe du pays d'adoption. D'autres n'ont porté qu'une seule fois les couleurs du pays d'adoption avant de se voir écarter pour ne plus figurer, à l'image du Tunisien Sabri Lamouchi, de l'Algérien Camel Meriem, de l'Angolais Rio Mavuba. Bien d'autres pays chercheront à récupérer leurs meilleurs footballeurs disséminés en Europe afin d'enrichir leurs sélections respectives. C'est aussi une grande chance pour les joueurs âgés de plus de 21 ans de pouvoir briller sur la scène internationale. Surtout s'ils n'ont pas réussi à faire leur percée au sein des sélections de leur pays d'adoption. Y. B.