La proposition de l'Arabie saoudite d'organiser une réunion à Djeddah regroupant les pays producteurs (OPEP et hors OPEP) et pays consommateurs n'a pas tardé à passer au stade de décision et des invitations ont été prestement envoyées aux concernés. De quoi se demander, à juste titre, si ce déploiement -en solo (et intéressé ?)- n'est pas le résultat de tractations ayant commencé bien avant le Conseil des ministres saoudien de lundi dernier et si une telle initiative ne serait pas, en fin de compte, l'aboutissement des derniers événements ayant marqué le marché pétrolier côté pays gros consommateurs et leurs pressions sans répit sur l'Organisation des pays exportateurs de pétrole pour qu'elle révise à la hausse ses quotas. Evénement dans lesquels le premier producteur mondial de l'or noir s'est distingué une première fois en mai dernier lorsqu'il avait décidé d'augmenter sa production de 300 000 barils par jour en guise de bonne foi à l'égard des Etats-Unis et du président Bush, alors hôte de 24 heures du roi Abdallah. Mais les Etats-Unis et les autres pays consommateurs, réunis autour du G8 et ses alliés de la cause énergétique que sont la Chine, l'Inde, la Corée du Sud et l'Afrique du Sud, ont jugé les 300 000 barils supplémentaires dans l'offre saoudienne insuffisants pour rassurer l'économie américaine et, pis, insignifiants pour une économie mondiale dont les principaux acteurs font du «pétrole trop cher pour cause de production insuffisante» le frein à leurs ambitions de développement. Après avoir appelé il y a quelques jours, en compagnie de la Chine, de l'Inde et de la Corée du Sud, l'organisation présidée par Chakib Khelil à ouvrir davantage les vannes, les pays du G8 font monter beaucoup plus la pression sur l'OPEP en passant à la mise en garde confondue d'avertissements, prétextant que les prix du pétrole menacent la croissance mondiale et compliquent leurs choix politiques. Réunis à Osaka, au Japon, les ministres des Finances ont sanctionné, samedi, leur rencontre par un communiqué soulignant que «les prix élevés des matières premières, particulièrement ceux du pétrole et de l'alimentation, constituent de sérieux défis pour la stabilité de la croissance mondiale», avant d'ajouter que «ces conditions rendent nos choix politiques plus compliqués. Nous demeurerons vigilants et nous continuerons à prendre des mesures individuelles et collectives pour assurer la stabilité de nos économies et de celles du monde entier». Le communiqué, d'Osaka aurait même été adressé sur fond de message à l'OPEP dans le but de la persuader de revoir à la hausse sa production. C'est dire que les responsables de l'organisation, dont son président Chakib Khelil, ont beau distiller les arguments qui confortent la thèse de la spéculation comme principal paramètre qui fait monter les enchères et donner de l'altitude au baril de pétrole, les pays gros consommateurs font de leur analyse du marché une perception quasi sacrée et bénie par le tout puissant G8. C'est dire que le communiqué assez explicite d'Osaka donne d'ores et déjà le ton à la réunion de samedi prochain à Djeddah. Une réunion à valeur de face-à-face inédit dans les annales des relations entre pays producteurs et pays consommateurs de pétrole et où la position des pays consommateurs a tout d'un chantage qui met à l'épreuve le consensus observé ces dernières années au sein de l'OPEP. L. I.