La décision de l'Arabie saoudite d'augmenter une nouvelle fois sa production pétrolière et de la porter à un record jamais établi depuis 1981 n'a finalement pas eu l'effet d'annonce escompté sur le marché. Ou du moins pas suffisamment d'effet pour calmer l'effervescence de ce marché, quand bien même le baril faisait preuve de retenue hier après avoir culminé plus haut que les 139 dollars la veille. C'est pourquoi sans doute ce marché reste dans l'expectative de la réunion de samedi prochain à Djeddah qui semble se diriger tout droit vers le même esprit de confrontation prévalant aujourd'hui entre les pays producteurs et les pays consommateurs au sujet des facteurs qui dopent irrémédiablement et inlassablement les cours de l'or noir. Dans cette logique, l'incapacité du geste de l'Arabie saoudite, après celui de mai dernier, à dompter les prix pourrait bien servir aux pays consommateurs d'argument pour «exiger» des autres pays producteurs de suivre l'exemple de l'Arabie saoudite et d'ouvrir davantage les vannes. A ce niveau, il y a lieu de noter que le cavalier seul de l'Arabie saoudite n'est pas sans mettre dans la gêne, et même au pied du mur, les autres pays producteurs avant même le jour J de la réunion de Djeddah. De quoi se demander si nous ne serions pas face à deux OPEP : une OPEP à 12 membres et une autre OPEP à 11 membres, c'est-à-dire celle que l'Arabie saoudite ne juge pas utile de consulter, usant et abusant de son rôle de premier exportateur mondial de pétrole et surtout de son statut de chef de file de l'organisation qu'elle confond avec celui de porte-parole ou autre titre qui irait a contrario de l'unanimité censée transparaître dans le discours et les décisions du cartel. Dans cette même logique de marché resté indifférent à la décision de l'Arabie saoudite, les pays producteurs pourraient également faire valoir la thèse qu'ils développent régulièrement pour expliquer que les raisons de l'envolée des prix du pétrole sont ailleurs que dans cette «insuffisance» de quantités évoquée tout aussi régulièrement par leurs «partenaires» consommateurs. Le statu quo observé sur le marché pourrait, en effet, servir à l'OPEP pour démontrer que, non seulement la production en cours est suffisante, mais que, également, même une hausse comme celle consentie par l'Arabie saoudite n'a finalement pas eu pour effet de conforter les adeptes de l'augmentation des quotas. Et de prouver que les véritables causes de la flambée des prix sont bien ailleurs. Ainsi donc, après des épisodes entiers d'hostilités par correspondance, sous couvert du verbe diplomatique ou celui de l'analyse et de l'expertise, le long feuilleton pays producteurs-pays consommateurs de pétrole s'apprête à livrer un nouvel épisode, cette fois-ci inédit par son scénario, dans les annales du marché pétrolier. Inédit mais sans doute pas l'ultime. L. I.