Invités hier au forum d'El Moudjahid pour un débat sur les enjeux de l'industrie pharmaceutique en Algérie, deux représentants de «l'ordre des pharmaciens», MM. Lotfi Benbahmed et Amir Touafek, ont brossé un tableau noir du fonctionnement du marché du médicament, parlant de «dérives certaines» dans les différents domaines de la production, de l'importation, de la distribution, de la fixation des prix, etc. Les deux intervenants déplorent, selon leurs propres termes, «l'inexistence d'un outil statistique centralisé qui permet d'évaluer, d'anticiper et d'analyser les besoins en médicaments», «l'absence de vocation industrielle de certaines entreprises pharmaceutiques initialement importatrices de produits manufacturés et ayant répondu à une obligation de produire localement», «l'incapacité des industriels locaux à évoluer vers une maîtrise intégrée du process industriel de fabrication et évoluer des phases de conditionnement à des phases de fabrication proprement dites», «l'absence de capacités de développement technique et technologique», «l'absence d'une expertise réglementaire et juridique spécifique», «l'absence de capacités de négociation internationale» L'ordre des pharmaciens regrette son exclusion des discussions concernant l'exercice pharmaceutique : «Aucun pays au monde n'évolue sans associer les représentants de tous les secteurs d'activité. Malheureusement pour nous, depuis quelque temps, le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière ne nous consulte point. C'est pourtant une obligation consacrée par la loi.» L'ordre des pharmaciens plaide pour une politique «conventionnelle», associant tous les partenaires. «Notre but n'est pas de protéger les pharmaciens mais l'exercice pharmaceutique», soutient M. Benbahmed, non sans exprimer ses regrets de voir cette profession se dégrader. Une dégradation favorisée par le manque de formation de qualité à l'université et aussi par la revalorisation du statut de pharmacien, notamment celui qui exerce au niveau de la structure publique : «L'absence de statut pour le pharmacien hospitalier et sa marginalisation dans le secteur public ont fait que de nombreuses structures sanitaires sont dépourvues de pharmacien.» Autre plainte des pharmaciens : «Le ministère de tutelle a promis de revoir à la hausse la marge bénéficiaire dans les officines de pharmacie. Au lieu de l'augmenter, ils l'ont baissée […].» Pour terminer, les représentants de l'ordre des pharmaciens insistent à nouveau sur le rôle de l'Etat dans la régulation du marché du médicament : «L'ouverture du marché du médicament, peu encadré et insuffisamment règlementé –parce qu'elle a été faite dans la précipitation- a favorisé l'apparition de phénomènes spéculatifs, préjudiciables à la disponibilité continue des produits pharmaceutiques […] L'Etat doit s'impliquer dans une logique d'arbitrage du marché au lieu de se contenter de solutions palliatives.» L'ordre des pharmaciens appelle, par ailleurs, les hautes autorités de l'Etat à encourager la production et l'importation du générique. K. M.