«Il faut qu'il y ait des mesures radicales pour assainir cette partie», lance le président de l'Ordre des pharmaciens. Sur une soixantaine de demandes de fermeture de pharmacies faites depuis 1998, seules deux ont été concrétisées. Les raisons sont dues à l'exercice ainsi que l'importation et la vente illégale de médicaments. C'est ce qu'a déclaré, hier, le président de l'ordre des pharmaciens, le Dr Lotfi Benbahmed. Invité au forum d'El Moudjahid, le Dr Benbahmed s'est longuement étalé sur l'exercice de la profession de pharmacien. Il relève ainsi l'absence de contrôle au niveau de la distribution des produits pharmaceutiques, en particulier des psychotropes. Pour le Dr Benbahmed, la distribution est le maillon faible de la chaîne. «Il existe en Algérie 400 grossistes alors qu'au Maroc il n'en existe que 30. Ce nombre fait que le contrôle n'est pas fait d'une manière efficace», considère-t-il et d'ajouter: «Comment expliquer qu'une société vend des centaines de millions de dinars de produits pharmaceutiques sans aucune traçabilité. Il faut qu'il y ait des mesures radicales pour assainir cette partie et que le contrôle soit rigoureusement respecté». De plus, l'invité du forum d'El Moudjahid relève qu'il n'y a pas assez d'inspecteurs pharmaciens chargés du contrôle de l'activité. «On ne communique pas assez sur les règles à respecter par le pharmacien», estime-t-il. L'ordre des pharmaciens est ainsi déterminé à lutter contre l'exercice illégale de la profession pour protéger la santé publique, souligne-t-il. C'est ainsi qu'il mettra en exergue la responsabilité pharmaceutique en proposant l'instauration de bonnes pratiques professionnelles. Il rappelle, dans ce cadre, les différentes missions de l'ordre mais du pharmacien aussi. «En cas de faute professionnelle ou de dépassements de la part de certains pharmaciens, l'ordre des pharmaciens peut être saisi. Il peut aussi prendre la décision de sanctionner. Donc, ses décisions sont exécutoires et les autorités administratives doivent les respecter», explique-t-il. Pour M.Benbahmed, l'acte pharmaceutique a évolué. L'activité du pharmacien est aujourd'hui élargie à la prévention. Il est donc indispensable, de son avis, que les pharmaciens s'astreignent à une formation continue de qualité. Justement sur ce point, l'invité du forum d'El Moudjahid relève la régression dans la qualité de la formation due à l'ouverture de plusieurs facultés au niveau national en l'absence des staffs formateurs nécessaires. «L'université ne fait pas de stage pratique en officine». Le Dr Benbahmed précise que l'industrie pharmaceutique s'est considérablement développée et pourtant, le pharmacien n'a jamais été aussi marginalisé. La pharmacie d'officine se retrouve menacée, selon le président de l'ordre des pharmaciens, par «la déprofessionnalisation et appauvrie par des marges bénéficiaires quasi insoutenables». L'absence de statut pour le pharmacien fait que de nombreuses structures sanitaires sont dépourvues de pharmaciens, ajoute-t-il encore. L'activité pharmaceutique se trouve ainsi souvent réduite à un service dominé par une apparence commerciale. En outre, le Dr Benbahmed déplore l'apparition «anarchique» de nombreuses officines. «La norme en vigueur telle que définie par l'arrêté du ministère de la Santé, est d'une pharmacie pour 5000 habitants, alors que dans de nombreuses communes du pays, il y a une pharmacie pour 3000 habitants». Lorsque les installations sont anarchiques, explique-t-il, de «graves dérives» sont à prévoir. Parmi celles-ci, le trafic de psychotropes, la vente sans ordonnance, la vente de médicaments contrefaits et les accidents dus au mauvais usage du médicament. Sur ce dernier point, il indique qu'en France, 5000 décès sont enregistrés annuellement. Cependant, regrette-t-il, en Algérie, aucune étude n'est initiée dans ce sens. Le Dr Benbahmed a estimé qu'une application rigoureuse de la réglementation en vigueur est indispensable pour protéger la santé publique.