Certaines pharmacies risquent de fermer et, par conséquent, l'approvisionnement du citoyen en médicaments sera sérieusement perturbé. Le Conseil de l'ordre des pharmaciens conteste fortement les nouvelles marges bénéficiaires applicables à la production, au conditionnement et à la distribution des médicaments. «Si ces marges seront appliquées, cela nous conduira inéluctablement à des situations de pénurie de médicaments», a averti, hier, le président du Conseil de l'ordre des pharmaciens d'Alger. Invité au forum d'El Moudjahid, Lotfi Benbahmed explique que les pharmaciens accompagnent l'application des tarifs de référence pour le remboursement avec une modification des marges bénéficiaires qui leur permettent de faire la promotion du générique. «Il se trouve que les prix des médicaments génériques ont baissé et les nouvelles marges telles que fixées ont baissé aussi», déplore M.Benbahmed et d'ajouter «c'est inévitable, certaines pharmacies risquent de fermer car elles ne pourront plus travailler à perte et par conséquent l'approvisionnement du citoyen en médicaments sera sérieusement perturbé». Plus explicite, il poursuit que la marge moyenne avec l'ancien dispositif était de 22% sur le prix d'achat, soit 18% sur le prix de vente, avec des charges minimisées à 10%; le résultat net de l'officine était de l'ordre de 8% avant impôt. Avec le nouveau dispositif, soutient-il, la marge moyenne est de 19% sur le prix d'achat, soit 15.9% sur le prix de vente. Avec des charges minimisées à 10% le résultat net de l'officine est de l'ordre de 5,9% avant impôt, soit une baisse de revenus de 26,25% sans compter la baisse prévisible du chiffre d'affaires, conséquence de l'élargissement du tarif de référence. «Il est à craindre des situations de paupérisation, voire de faillite probable de nombreuses pharmacies, d'officines en contradiction avec l'engagement des pouvoirs publics en faveur d'une préservation des revenus des pharmaciens en contrepartie de leur implication en faveur d'une politique de généralisation du générique», prévient-il. Le responsable du Conseil de l'ordre des pharmaciens tire ainsi la sonnette d'alarme. Il insiste sur le fait que les marges bénéficiaires telles que fixées actuellement par le décret exécutif adopté, le 27 mai dernier, en Conseil de gouvernement, auront un impact négatif sur l'accessibilité aux soins si elles sont appliquées. Selon le conférencier, au lieu d'être revalorisées, elles ont été revues à la baisse. «Pourtant, les pouvoirs publics se sont engagés à augmenter ces marges», s'insurge M.Benbahmed. Dédouanant les pouvoirs publics, l'orateur dénonce le mauvais calcul des experts comptables: «Nous avons les marges les plus faibles et nous demandons une cohérence de ces dernières», lance M.Benbahmed. Sur sa lancée, il réclame carrément leur libéralisation. «Il faudrait laisser les marges libres mais avec des prix étudiés», suggère-t-il, et de demander que ce système soit révisé avant sa publication officielle. L'Algérie, dit-il, est l'un des seuls pays au monde à réglementer la marge à la production. La mise en oeuvre d'une telle réforme ne peut se faire sans y associer tous les partenaires institutionnels (Ordre des pharmaciens, Syndicats, Associations professionnelles..). De son côté, M.Amir Touafek, vice-président du Conseil national de l'ordre, a déploré des insuffisances dans la transparence du dispositif de fixation des prix. Il avance aussi des statistiques sur la production pharmaceutique en Algérie. Le taux de médicaments génériques enregistré dans la fabrication locale est de 96%, la fabrication locale représente 30% du marché en termes de valeur; le taux de médicaments génériques enregistré et destiné à l'importation est de 14% et l'importation représente 70% du marché en valeur. Aussi, pour illustrer la dynamique du marché, il dira que 81 opérateurs ont le statut de fabricant dont 18 sont importateurs de produits finis et seulement 14 ne font que de la fabrication, 23 opérateurs ont le statut de conditionneur, 138 opérateurs ont des projets de fabrication déclarés aux autorités, mais 54 projets d'investissement sont restés sans suite. S'agissant de la distribution, les intervenants ont insisté sur la traçabilité et le contrôle de ce maillon «faible» de la chaîne. Enfin, ils ont émis des réserves concernant la création de l'agence du médicament et ont revendiqué que le pharmacien y soit représenté. L'industrie pharmaceutique s'est considérablement développée, et pourtant, le pharmacien n'a jamais été aussi marginalisé.