La lutte contre la toxicomanie peine à avancer en Algérie. C'est le constat amer que dressent d'un commun accord le mouvement associatif et de nombreux experts. Les centres de désintoxication manquent cruellement dans notre pays. Quant à la prise en charge dont bénéficient les toxicomanes dans les quelques structures actives au niveau de certains hôpitaux, elle reste largement en deçà des attentes des malades et rarement à la hauteur des enjeux importants de la lutte contre la toxicomanie. En attendant, une profusion de chiffres et de statistiques émanant de différentes institutions de l'Etat donne un aperçu des proportions de plus en plus inquiétantes que prend le phénomène. Ainsi, de 1,2 tonne de cannabis saisie en 1993, le chiffre est passé à 16,5 tonnes en 2007 contre 9,6 tonnes en 2005 (soit une progression de 72% en 2 ans). En 2006, 757 plans de cannabis ont été saisis et 6 260 lors de la découverte d'une plantation à Adrar en avril 2007 par la Gendarmerie nationale. En ce qui concerne les psychotropes, 319 014 comprimés ont été saisis en 2006. Les statistiques du ministère de la Justice font état de 86 832 affaires de drogue traitées entre 1994 et 2004, dont 12 996 en 2004 contre 3 448 en 1994, précisant que 84,85% des personnes condamnées avaient moins de 35 ans. En 2008, plus de 38 tonnes de cannabis et près d'un million de psychotropes ont été saisis. Mais au-delà de ces chiffres effrayants, la question qui hante tous les esprits est : les saisies record de ces dernières années sont-elles dues à une augmentation de la consommation en Algérie, ou prouvent-elles au contraire l'efficacité des services de sécurité qui ont repris en main la lutte contre ce fléau ravageur ? Pour Mustapha Khiati, président de la FOREM, ces bilans qui donnent froid dans le dos n'en révèlent pas moins que notre jeunesse est en danger. Même le durcissement des dispositifs sécuritaires dans la lutte contre les narcotrafiquants ne sont pas à même, souligne M. Khiati, de protéger nos jeunes contre les préjudices de la drogue. Et pour cause, «les saisies de drogue ne représentent que des quantités consommées ou vendues», affirme notre interlocuteur en s'appuyant sur des enquêtes récentes menées par des experts internationaux. Par ailleurs, en animant, hier, une conférence au forum d'El Moudjahid, en compagnie de Juan Corelli, directeur du Centre italien de la solidarité, cet éminent docteur et infatigable militant associatif a dénoncé l'absence de centres spécialisés dans la désintoxication. «En Algérie, les magistrats n'ont pas le choix. En l'absence de centres spécialisés, ils mettent en prison tous les toxicomanes que les services de sécurité leur livrent», a-t-il déclaré. «Ce n'est pas avec des médicaments qu'on guérit un toxicomane. Il nous faut, à l'instar d'autres pays, des communautés thérapeutiques où les patients peuvent reconstruire leur personnalité en bénéficiant de soins appropriés», explique encore Mustapha Khiati. Enfin, le président de la FOREM ne manquera d'appeler le rattachement de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie à la chefferie du gouvernement. Tant que cet organisme dépendra du ministère de la Justice, il n'assumera guère pleinement sa mission, selon M. Khiati qui déplore en dernier lieu le manque de coordination entre les différentes institutions dédiées à la lutte contre la toxicomanie. A. S.