Photo : Riad Entretien réalisé par Salah Benreguia LA TRIBUNE : Pourquoi avez-vous organisé en Algérie cette rencontre sur le financement de la PME par les banques dans la région du Maghreb ? Larbi Rachid : L'Union des banques maghrébines (UBM) regroupe 62 membres sur les cinq pays du Maghreb, issus des 78 banques et 108 établissements existant dans cette région. Chaque année, le conseil d'administration de l'UBM, en concertation avec les organisations bancaires locales élabore un programme d'action pour l'année et des thèmes à traiter. Donc, le financement de la PME a été décidé l'année dernière à la demande de l'Association des banques et des établissements algériens (ABEF) ; nous avons, d'un commun accord, convenu d'organiser cette rencontre en Algérie. Ce cycle de réunions a lieu chaque année, et nous organisons deux ou trois rencontres sur des thèmes choisis à l'avance et concernant les cinq pays du Maghreb. On a traité le sujet de l'application des règles de base en Tunisie et en Mauritanie. En Algérie, c'est la deuxième rencontre qu'on organise après celle qui a trait au capital investissement. En juillet 2008, une grande rencontre maghrébine a été organisée sur la crise financière mondiale et ses répercussions sur le système bancaire maghrébin à laquelle ont participé plus de 150 personnes venues des Etats-Unis, d'Europe, d'Afrique et du Maghreb. Nous avons adopté des recommandations qui ont systématiquement été transmises aux autorités de chaque pays et, surtout, aux banques centrales. Revenant à votre question, le thème de la PME, aujourd'hui, est extrêmement important au Maghreb et, surtout, en Algérie, car ce qui fait la puissance d'un pays, c'est une économie basée sur les PME et TPE (très petites entreprises). On fait toujours le parallèle avec l'Europe. La puissance de l'Italie est basée essentiellement sur les PME. La puissance économique du Portugal est assise exclusivement sur la PME. Aujourd'hui, la PME se développe correctement au Maroc, en Tunisie, en Algérie et en Mauritanie. Il reste que ces PME doivent être régulées, encadrées. Il est vrai qu'elles font face à des problèmes de transparence, de comptabilité et de financement du capital, de management, de technologie et, enfin, du montage des dossiers de financement. Malheureusement, les PME et les banques s'accusent mutuellement. Chacune a ses arguments et les deux se tiennent. Les banques accusent les PME de ne pas pouvoir arriver à présenter des états financiers transparents, que la gestion n'est pas très correcte et que les dossiers de financement sont très mal élaborés, d'où leur incapacité à maîtriser le marché et le produit. De leur côté, les PME reprochent aux banques certaines lourdeurs et l'absence de garanties. La question est de savoir comment mettre en relation ces deux partie. D'où cette rencontre. Si l'on met en comparaison le travail qui se fait au niveau des banques marocaines et tunisiennes avec les PME et ce qui se pratique en Algérie dans le même contexte, existe-t-il un retard en la matière dans notre pays ? Franchement, les mêmes outils existent en Algérie, en Tunisie et au Maroc, et commencent à prendre forme en Mauritanie et en Libye. Il est vrai que les Tunisiens et les Marocains ont pris en charge les problèmes des PME depuis bien longtemps. Il existe, à titre d'exemple, une dizaine de sociétés de leasing en Tunisie, parmi elles on trouve celles qui sont cotées en Bourse. Il y a aussi plus de 17 sociétés de leasing au Maroc. En Algérie ça démarre, et on a deux sociétés de leasing. Egalement au sein des banques privées ou nationales, il y a un programme de création de sociétés de leasing qui a été lancé entre 2009 et 2010. Il faut le faire avec prudence. Pour le factoring, il est beaucoup plus développé en Tunisie. En Algérie, il y a le problème de la mise à jour de la réglementation. Pour le capital investissement, l'Algérie reste effectivement en retard. Beaucoup de sociétés à capital risque existent. Il y a une bonne dizaine de ce genre de sociétés en Tunisie. Il y en au Maroc où toutes les banques développent des filiales sur le capital investissement. En Algérie, il y a une société qui s'est donné un caractère régional, la Maghreb Invest. Il existe une société algéro-européenne dans ce sens, mais qui n'a pas les moyens financiers pour faire face à la demande. Les lois existent. Elles sont très ouvertes et permettent de créer des sociétés à capital investissement. Mais sur ce sujet, je dirais plutôt que les banques algériennes doivent créer des sociétés à capital investissement en partenariat avec les étrangers, qui ont plus d'expérience et de compétence en matière de gestion de profit. Gérer un dossier de prise de participation n'a absolument rien à voir avec la gestion d'un dossier de crédit. Donc je suggère aux banques algériennes de s'adosser à des groupes internationaux. Quelles sont les mesures à prendre pour une meilleure contribution des banques algériennes dans le développement des PME ? Je crois que l'essentiel a été fait. Dans les pays de la région du Maghreb, les banques collaborent et travaillent avec les PME. Il reste simplement à approfondir davantage les relations de partenariat. Il faut tisser une relation de confiance entre les établissements bancaires et les PME. Mais on remet en cause, dans certains cas, le manque, voire l'absence de risque de la part des banques. Autrement dit, les banques, de l'avis de certains, ne prennent pas beaucoup de risque... Le travail d'une banque est un travail à risque. Sinon, elle n'a pas lieu d'exister si elle n'en prend pas. Cependant, ce risque doit être évalué sur la base d'éléments et de critères, entre autres, l'estimation du projet, l'évaluation de coûts et des charges par rapport au marché, par rapport aux concurrents. Donc, dès que ces aspects techniques sont réunis et satisfaits, le cadre légal existe. Le code du commerce permet l'ouverture d'un capital. Il est vrai que la Bourse en Algérie ne fonctionne pas comme il faut, mais elle existe. Elle ne peut être alimentée que par l'introduction d'un capital.