Photo : S. Zoheir Par Abderrahmane Semmar Le travail des enfants est un phénomène qui n'est pas nouveau. C'est même un fléau mondial qui touche aussi bien les pays industrialisés que ceux en développement. Mais en Algérie, les autorités sous-estiment toujours l'exploitation des enfants qui ne cesse de prendre des proportions alarmantes ces dernières années. La négligence dont ont fait preuve les pouvoirs publics vis-à-vis de ce problème de société frise carrément la honte. Actuellement, dans le monde entier, on estime qu'au moins 250 millions d'enfants de 5 à 14 ans doivent travailler et que près de la moitié d'entre eux sont obligés de travailler à plein temps. Des millions d'autres ne sont pas recensés et ne peuvent l'être. Ils sont partout mais invisibles. En Algérie, l'innocence est souvent exploitée pour une poignée de dinars. Et malgré l'absence de statistiques fiables, plusieurs enquêtes et études ont été déjà menées pour délimiter les contours de ce fléau ravageur. Ainsi, en 2006, une enquête de la FOREM a montré que le nombre d'enfants qui travaillent en Algérie en dessous de l'âge légal va de 250 à 300 000. Selon les auteurs de cette enquête, au moins 56% ont arrêté leurs études au cycle moyen et 31% au primaire. Il est à noter que 30% de «ces enfants travailleurs» ont indiqué qu'ils avaient quitté l'école de leur plein gré, et rarement à cause des conditions sociales des familles.En outre, 28% de ces enfants travaillent loin de leur famille, 53% indiquent que la raison principale est pour aider leur famille et 75% affirment que l'argent est donné aux parents. La majorité écrasante de ces enfants exercent dans la rue. Or, la rue peut être un lieu de travail cruel et dangereux, menaçant souvent leur vie même. Beaucoup de gamins exercent dans la rue un travail afin d'assurer leur survie ou celle de leur famille. Ils lavent et gardent les voitures, portent des colis, vendent des fleurs et des colifichets, ramassent les objets recyclables et trouvent une multitude d'autres manières ingénieuses de gagner un peu d'argent. La grande majorité rentrent chez eux chaque soir, dans les quartiers misérables ou les bidonvilles : ce sont des enfants dans les rues, pas nécessairement des enfants des rues. En 2008, une enquête approfondie de la Ligue nationale de défense des droits de l'Homme (LDDH) avait souligné que plus de 1 800 000 enfants sont exploités dans différentes activités. Selon elles, ils exercent généralement dans le secteur des professions libérales où l'employeur échappe aux impôts faute de déclaration de la nature de l'activité et du nombre d'employés. Quant aux sociologues spécialistes de l'enfance, ils considèrent que la majeure partie des cas d'exploitation ont pour origine la famille ou le consentement des parents. Pour comprendre ce pourrissement social, un état de fait s'impose : le travail des enfants est un sujet tabou car avant tout c'est la misère des familles qui les amène à encourager leurs enfants à travailler souvent dans des circuits informels, lesquels échappent au contrôle de l'Etat. A ce propos, l'Etat est-il outillé pour lutter contre le travail des enfants ? Existe-t-il au moins une volonté politique d'endiguer ce fléau ? Malheureusement, rares sont les projets mis en place dans ce sens et nombreuses sont les annonces faites sans lendemain enchanteur. En Algérie, à l'enfance meurtrie et bafouée, on oppose des vœux pieux…