Jeudi 19 mars, c'est le premier jour de la campagne présidentielle qui coïncide avec la commémoration du 47e anniversaire du cessez-le-feu, scellant la victoire du FLN et de l'ALN sur la France coloniale. Le temps printanier confère au premier jour du week-end algérien un air de vacances. Les rues de la capitale grouillent de monde. En famille, en couple ou en «single», les Algérois s'adonnent allègrement à l'une des joies simples de la vie : flâner. «Le vote c'est le 9 avril. Je n'ai pas envie de réfléchir. Aujourd'hui, je veux profiter de cette belle journée», répond courtoisement un jeune père de famille interrogé à propos de la campagne électorale. Adossé à un panneau d'affichage des portraits des candidats à la magistrature suprême, un quinquagénaire, pensif, attend. «Je me demande pourquoi les gens semblent si égarés ? En voiture ou à pied, ils vont dans tous les sens. On dirait qu'ils sont à la recherche de quelque chose». Sur le départ de la course électorale, aami Omar rétorque avec un brin d'humour : «C'est peut-être cela la cause. Les gens sont donc à la recherche de leur candidat. C'est la «hamla intikhabia» (jeu de mot substituant le vocable errance à campagne)». «On ne peut pas y échapper, poursuit-il. Que ce soit à la télévision, sur les ondes de la radio ou dans les journaux, la campagne est lourdement médiatisée. Quant à l'affichage, regardez de vous-même. Les choses sont claires». Sur le panneau installé près du Lycée Emir Abdelkader de Bab El Oued, six espaces sont réservés à autant de candidats en lice. Seulement deux affiches sont placardées. En effet, rares sont les espaces destinés à l'affichage, d'El Biar à la Place du 1er Mai, en passant par Bab El Oued, qui présentent les posters de tous les belligérants. Les photos des candidats alternent d'un quartier à un autre, sauf pour celui dont l'emplacement occupe le n°1 qui est présent partout. Serait-ce dû à des problèmes d'impression, de financement ou de motivation ? «Je sais qu'il s'agit de l'élection présidentielle qui aura lieu le 9 avril et je connais deux candidats : Abdelaziz Bouteflika et Louisa Hanoune», annonce, fière d'elle, une jeune fille, la vingtaine, vêtue à la Fashion Victime. Dans un café de la rue Hassiba Ben Bouali, les discussions vont bon train. Sujet favori : le football. Djamel, bouteille de limonade à la main, déprime. Une fourgonnette ornée d'un grand emblème national, sono au maximum avec ce qui ressemble à de la musique techno, passe au ralenti. «C'est avec cela qu'on pense nous inciter à voter ? Au lieu de nous en mettre plein la vue, qu'ils nous présentent leurs programmes et nous montrer ce qu'ils ont réalisé, c'est maintenant qu'ils se rappellent que l'on existe ?», dit-il. À côté de lui, Bachir, un autre jeune aux airs d'intellectuel avec sa veste classique et ses lunettes de vue lui répond : «Si tu veux que cela change, présente ta candidature toi aussi. Sinon agis, bouges, crées une association ou vote contre tout le monde.» Cela dit, de ce début de campagne, le citoyen semble complètement se désintéresser. Est-ce encore trop tôt ? Les mécanismes ne sont-ils pas encore en route ou est-ce le début des vacances scolaires, le week-end et le beau temps qui sont derrière cette indifférence ? Le temps printanier jouera-t-il contre la mobilisation des citoyens. La campagne n'est qu'à ses débuts, un grand travail de sensibilisation et de séduction est attendu. Alors que le grand show commence ! S. A.