Il ne se passe pas un jour sans qu'un service de médecine légale en Algérie pratique une autopsie pour cause de mort violente, notamment due à un suicide. Le phénomène prend des proportions alarmantes, soulevant un débat sur les causes et les conséquences du suicide dans notre société. S'il n'est pas possible de prévenir tous les suicides, une grande partie peut être pourtant évitée. Ce fait de société, qui ne peut être ignoré vu son ampleur, a été au cœur d'une rencontre, jeudi dernier, au cercle Frantz Fanon de Riadh El Feth. Un débat initié par la Fondation Mahfoud Boucebci qui a réuni différents spécialistes. Ces derniers ont souligné d'emblée que le manque de données épidémiologiques et scientifiques sur le sujet entrave l'avancée des études et des thèses sociologiques. Le psychiatre Maamar Aouchiche axera son intervention sur les effets et les conséquences du suicide sur l'entourage familial et social du suicidé. Selon lui, «ce phénomène est généralement constaté chez des personnes souffrant de pathologies mentales». Le suicide est, dira-t-il, «un geste de désespoir» de la part de la personne suicidaire qui «se trouve souvent dans un état dépressif, d'angoisse, de mélancolie ou d'anxiété». Ce spécialiste ajoutera : «La cause principale du suicide est liée au sentiment de désintégration sociale qu'éprouve l'individu.» Intervenant à son tour, le président de la Société algérienne de médecine légale, le professeur Madjid Bessaha, abordera les aspects médico-légaux du suicide. Il mettra ainsi en exergue «les insuffisances accusées en matière de prise en charge et d'assistance aux personnes victimes de violences». D'après lui, «les morts violentes doivent être systématiquement autopsiées au niveau des services de médecine légale dans les hôpitaux, car on risque souvent de camoufler un suicide en mort accidentelle». Il a indiqué que le service de médecine légale de l'hôpital Mustapha Bacha où il exerce a enregistré 186 cas de suicide sur un total de 1 097 autopsies pratiquées entre les années 2000 et 2003, alors que, durant la période 2004-2007, il y a eu 916 autopsies, dont 105 cas de suicide. «65,50% des suicidés étaient des personnes célibataires, 69,42% de sexe masculin et 58,30% avaient moins de 30 ans», a-t-il expliqué. S'agissant des moyens les plus utilisés pour passer à l'acte, il évoquera la chute d'un lieu élevé, suivie de la pendaison puis de l'ingestion caustique. Face à la montée de ce phénomène, la prévention du suicide doit être une priorité. Intervenant à ce sujet, la psychologue clinicienne à la Sûreté nationale, Mme Dalila Zouad, passera en revue les principaux axes de la stratégie globale de la direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) pour la prévention contre le suicide. Son objectif principal : améliorer les conditions de travail afin de protéger la santé mentale du personnel. Pour ce faire, le bureau de suivi psychologique participe à cette démarche globale et permanente dans l'évaluation des facteurs de risque et de décompensation psychopathologique pour pallier à l'éventualité d'un comportement suicidaire. A. B.