De nombreux pays africains commencent à ressentir les effets financiers de la crise mondiale avec le resserrement des crédits commerciaux et la diminution des transferts des travailleurs émigrés africains. Les dirigeants africains espèrent néanmoins que leur appel pour que les pays bailleurs de fonds ne diminuent pas leur aide soit entendu. Fin septembre dernier, alors que le crash de Wall Street commençait à faire sentir ses effets, les dirigeants africains ont profité d'une réunion de haut niveau de l'Assemblée générale de l'ONU pour lancer un appel aux bailleurs de fonds pour qu'ils respectent leurs engagements d'augmenter leur aide publique à l'Afrique. Le Premier ministre du Kenya, Raila Odinga, a exprimé les inquiétudes de nombreux dirigeants africains en déclarant : «Comme les économies de nos bailleurs de fonds et partenaires principaux seront touchées, nous craignons que l'aide au développement soit la première à souffrir.» Ces préoccupations ont été aggravées par le ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, qui déclarait, fin septembre dernier à New York «promettre aux gens plus d'aide au développement ? Ce n'est pas vrai. Nous mentons.» Un mois plus tard, une ONG française, le Comité catholique contre la faim et pour le développement–Terre Solidaire (CCFD), avertissait que les responsables français envisageaient de diminuer de plus de la moitié l'aide au développement dans le budget 2009. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la Coopération, a nié que des compressions aussi radicales soient envisagées et promis que la majorité des programmes de santé et d'éducation soutenus par la France en Afrique subsaharienne seraient maintenus. A la veille d'une conférence internationale sur le «financement pour le développement» organisée à Doha (Qatar), du 29 novembre au 2 décembre, le secrétaire général de l'ONU, M. Ban Ki-moon, notait, que «les sommes considérables engagées pour sauver les banques et les sociétés privées éclipsent de loin l'aide publique au développement [APD]. Nous pouvons sûrement trouver les montants beaucoup plus modestes qui sont requis pour préserver plus d'un milliard de vies humaines». A l'issue de la conférence, les pays bailleurs de fonds ont réaffirmé leur engagement d'augmenter leur aide aux pays les plus pauvres. locage des transferts de fonds Néanmoins, les dirigeants africains restent inquiets et, avec la récession, on a déjà constaté dans certaines régions du continent une diminution des flux financiers venant de l'extérieur. Au cours des cinq dernières années, les transferts de fonds effectués par les travailleurs émigrés au bénéfice de leurs pays d'origine avaient connu une croissance robuste de 15% et plus par an, mais ils ont récemment diminué. En 2007, le Kenya recevait environ 1,3 milliard de dollars en transferts de fonds -montant supérieur à celui de l'aide au développement qu'il reçoit normalement. Mais en août, ces envois avaient déjà baissé de 38 % par rapport au même mois de l'année précédente. En France, de nombreux travailleurs immigrés africains sont employés dans le bâtiment ; mais on prédisait en octobre dernier que le secteur pourrait perdre jusqu'à 180 000 emplois nationalement. La montée du chômage dans ces économies rendra l'envoi d'argent aux membres de la famille restés au pays encore plus difficile. La crise du crédit Les crédits commerciaux se sont également raréfiés -devenant donc plus coûteux. Dans toute l'Afrique, les gouvernements et les entreprises locales préparaient des programmes d'amélioration des réseaux routiers et ferroviaires, des ports et d'autres infrastructures essentielles au développement du continent et les projets les plus importants supposaient l'appel au crédit commercial. «Quand le gouvernement sud-africain veut construire une nouvelle autoroute à péage ou acheter des locomotives pour ses chemins de fer, il s'adresse habituellement à des banques américaines ou japonaises», note Tom Boardman, le directeur général de la banque sud-africaine Nedbank. «Aujourd'hui, explique-t-il, ces banques internationales n'ouvrent plus de crédits, je ne suis donc pas sûr que l'Afrique du Sud pourra obtenir tous les financements dont elle a besoin.» Les autorités sud-africaines restent déterminées à poursuivre la réalisation de leurs ambitieux projets de développement -en partie pour stimuler l'économie nationale- mais la crise internationale du crédit signifie que tous les emprunts seront plus coûteux -alourdissant les dettes que l'Afrique du Sud et d'autres pays seront obligés de contracter. L'investissement étranger La part du montant global de l'investissement étranger direct (IED) absorbé par l'Afrique (3%) est la plus basse du monde. Mais, en termes absolus, la valeur pour l'Afrique de ce genre de flux financiers est importante et augmente rapidement. Selon des estimations de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), les entrées d'investissement étranger direct en Afrique ont fait un bond, passant de 17–18 milliards de dollars en 2003-2004 à 53 milliards en 2007, le plus haut niveau jamais atteint. Une grande partie de cet afflux est dû au boom sur les matières premières, note la CNUCED dans son «Rapport sur l'investissement dans le monde 2008» publié en septembre dernier. Les pays producteurs de pétrole, qui reçoivent habituellement la plus grande partie des nouveaux investissements étrangers directs pour l'Afrique, en restent les plus importants bénéficiaires. Mais la CNUCED souligne que d'autres pays ont attiré des investisseurs vers leurs secteurs de services financiers et de télécommunications, pour de nouveaux projets miniers et, dans une moindre mesure, vers les industries de transformation. Les pays les moins développés d'Afrique ont ainsi attiré plus de 10 milliards de dollars d'IED en 2007. Le lancement d'un certain nombre de projets miniers a, cependant, déjà été retardé dans plusieurs pays. En octobre dernier, le Centre de promotion des investissements du Ghana avertissait que le dernier trimestre de 2008 serait probablement «difficile» pour le climat de l'investissement dans le pays. Cependant, l'Afrique a des avantages certains à offrir. Selon la CNUCED, le rendement des investissements étrangers sur le continent était, en 2006 et 2007, le plus élevé de toutes les régions en développement. En améliorant leurs politiques et le climat des investissements dans leur pays, un certain nombre de gouvernements ont également réussi à changer la perception que l'instabilité politique, les ravages des maladies infectieuses et le sous-développement des infrastructures faisaient de l'Afrique une région peu propice à l'investissement. Alors que les perspectives offertes par de nombreux pays parmi les plus avancés du groupe des «marchés émergents» se révèlent aujourd'hui de plus en plus incertaines et volatiles, certains investisseurs commencent à percevoir l'Afrique sous un jour nouveau. L'Afrique n'apparaît plus comme un pari aussi risqué qu'auparavant. E. H. * In Afrique Renouveau, magazine de l'ONU