De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Joseph Goebbels, grand «superviseur» des autodafés nazis, disait : «Quand j'entends le mot ‘‘culture'', je sors mon pistolet.» C'est dire toute la peur que suscite ce mot justement chez ceux qui en connaissent la portée et l'influence fédératrice que peut avoir son expression dans les milieux populaires. Les descendants de la communauté juive d'Allemagne et d'Europe (qui avaient souffert des affres du nazisme et de ses corollaires) appliquent aujourd'hui exactement le même traitement aux Palestiniens, qui ne demandent qu'à affirmer leur appartenance en proclamant El Qods, capitale de la culture arabe 2009. L'interdiction de toute manifestation marquant cette célébration par Israël n'a pas donné lieu à des protestations de la part des organisations internationales, encore moins des pays occidentaux qui brandissent «les droits de l'homme» à chaque occasion pour défendre la liberté d'expression. Les sionistes en sont venus jusqu'à faire crever les ballons aux couleurs palestiniennes lâchés par les enfants des écoles, à croire que ces ballons représentaient un danger imminent. Les pays arabes, impuissants (comme d'habitude), ont condamné et dénoncé cette attitude et les manifestations prévues auront lieu en même temps en Cisjordanie, à Bethléem, Ghaza et Beyrouth. A El Qods, le cliquetis des armes et le bruit de bottes ont étouffé et expulsé la culture, déclarée persona non grata et décrétée «intruse» dans des lieux hautement symboliques. L'argument avancé par Israël, qui vit à l'ombre tutélaire de l'Oncle Sam, est que l'Autorité palestinienne ne peut organiser ce type de manifestations hors de ses «frontières», des frontières allègrement franchies par les troupes israéliennes quand elles le souhaitent. La raison du plus fort est toujours la meilleure. L'ONU, l'Unesco et bien d'autres organisations s'avèrent désarmées face à cette entité qui ne reconnaît aucune d'entre-elles quand il s'agit des droits du peuple palestinien mais les sollicitent avec insistance quand il y a «agression» par les tirs de roquettes du Hamas, qui font plus de bruit que de mal. Dans tout cela, la culture n'a pas droit de cité, elle ne peut combattre la barbarie et préfère se retirer pour aller éclore et s'épanouir ailleurs. Des villes arabes ont pris le relais et se sont proposées d'abriter cette manifestation qui symbolise l'unité linguistique arabe ainsi que la culture de ce peuple martyrisé. Alger et toutes les grandes villes d'Algérie se sont solidarisées avec les Palestiniens en établissant de riches programmes dédiés à la Palestine et à la culture arabe pour marquer l'appartenance de cet Etat en gestation à la grande Oumma qui réunit tous les Arabes, du Golfe à l'océan indien. Annaba, une des villes les plus en vue sur les plans culturel et touristique, se prépare depuis près d'un mois à abriter plusieurs manifestations qui auront lieu tout au long de l'année 2009. La direction de la culture de la wilaya finalise et apporte les dernières retouches à un programme ambitieux qui marquera certainement les participants à cette manifestation grandiose. Les grandes lignes de ce projet dédié à la culture s'articulent autour d'axes ayant trait au théâtre, à la poésie, à la musique et à l'histoire de la nation arabe. Ainsi, des troupes, connues sur la place d'Annaba se produiront sur les planches du théâtre régional Azzeddine Medjoubi et y interpréter des pièces ayant pour thème principal «la Palestine occupée». Une dizaine de représentations, étalées sur quelques semaines, animeront les soirées de la ville des Jujubes qui vivra au rythme de la culture arabe dans toute son expression. Côté musique, le malouf, le chaabi, mais aussi le rap feront vibrer les foules qui viendront assister aux concerts programmés. Des groupes musicaux de toute la région sont invités. «Chaque chanteur, chaque musicien, chaque artiste se sent concerné et se dit prêt à apporter sa contribution pour réussir cette manifestation et lui donner ainsi toute la place qu'elle mérite, apprend-on au niveau de la direction de la culture de la wilaya. Il faut montrer à la face du monde que, malgré l'interdiction décrétée par l'entité sioniste, la culture continuera à vivre partout dans toutes les villes du monde arabe et nous ferons tout pour qu'elle rayonne !» Selon nos informations, Lotfi Double Kanon sera lui aussi de la partie. Sans surprise. Cet artiste, qui porte dans son cœur la cause palestinienne et vit dans sa chair toutes les souffrances de ce peuple, ne peut pas ne pas y participer. Il donnera, selon l'un de ses proches, le meilleur de lui-même et comme on le sait, c'est quelqu'un de généreux. Des expositions de photographies, de tableaux d'artistes locaux et étrangers seront organisées au palais de la culture Mohamed Boudiaf, des installations relatant les exactions commises par l'armée israélienne à Ghaza seront mises en place et des artistes seront présents pour répondre aux questions du public. Incontournable, la poésie arabe dans toute son expression agrémentera les soirées printanières. Lectures d'auteurs, dictions lyriques et autres conférences empliront tous les espaces culturels de la ville pour que l'étendard de la culture arabe porté par la Palestine soit omniprésent. La ville de Annaba, qui a toujours accueilli à bras ouverts les faibles et les opprimés, les hommes de culture et de religion qu'elle a toujours respectés et adulés, donnera et continuera à donner ce qu'elle pense être le meilleur pour que ceux-ci se sentent chez eux malgré leur éloignement. Ainsi, cette solidarité légendaire de l'Algérie avec ce pays frère, encore sous occupation, aura rendu hommage à ce peuple en portant à bras-le-corps sa culture et ses aspirations à la paix et à l'indépendance. N'en déplaise à certains qui auraient souhaité que cette manifestation soit purement et simplement annulée. La culture résistera, survivra, vivra et s'épanouira malgré tout.