“Lorsque j'entends le mot culture, je sors mon pistolet.” Ainsi parlait Goebbels, ministre de la Propagande du troisième Reich. Aujourd'hui, en Algérie, lorsque les policiers voient un journaliste-photographe dégainer son appareil, ils sortent la matraque. La comparaison est peu flatteuse, et peut-être la jugera-t-on excessive, mais elle est d'autant caricaturale qu'elle est symptomatique des dérives répressives dont s'illustrent de plus en plus les pouvoirs publics dans leurs relations avec la presse indépendante. Hier encore, des photographes ont été empêchés d'accomplir leur travail lors d'un rassemblement des enseignants devant le Palais du gouvernement. Leurs pellicules ont été confisquées et un journaliste a été interpellé avant d'être relâché. Non seulement les autorités optent pour la politique de la trique et de la fuite en avant, mais elles s'appliquent à empêcher les journaux d'apporter des témoignages vivants de cette politique. Cachez-moi ces appareils photographiques que je ne saurai voir ! Dès lors qu'il s'est méthodiquement arrangé pour mettre les médias publics à son seul service en fermant tous les canaux d'expression à la contradiction, Bouteflika aspire aujourd'hui à verrouiller davantage les rares espaces qui échappent à son contrôle. Il se confirme de plus en plus que le gouvernement et la présidence sont décidés à ériger l'intimidation, le harcèlement et la répression en seules méthodes de dialogue avec une presse qui se refuse à la domestication et à l'“à-plat-ventrisme”. Il se confirme de plus en plus qu'une telle méthode de gestion des affaires du pays passe par une instrumentalisation de la police et de la justice pour des tâches qui n'honorent ni la mission, ni la respectabilité de ces deux institutions. Un journaliste tabassé, des photographes retenus dans les commissariats, des journaux menacés de fermeture et des directeurs de journaux en liberté provisoire et sous contrôle judiciaire, ce sont autant d'atteintes à un droit fondamental : la liberté d'expression et ce qu'elle induit comme droits et prérogatives professionnels liés à son exercice. Ce pouvoir ne sortira pas grandi de ce bras de fer, aussi inutile que dangereux, contre la presse et, au-delà, contre la société. F. A.