Le Printemps des poètes d'Alger a connu un début plutôt timide cette année. Abritée chaque année par le Centre culturel français d'Alger, il avait habitué les férus de rimes à avoir à chaque printemps leur petite dose de poésie à travers une programmation s'étalant sur plusieurs jours et faisant rencontrer des poètes de divers horizons. Cette année, seules deux lectures ont été au programme : la première tenue dimanche dernier n'a pas suscité un grand enthousiasme, elle a même été un peu décevante pour certains. Il n'en sera pas de même pour la seconde lecture qui, elle, a rassemblé un public nombreux jeudi soir dernier. Sur scène, la compagnie le Grain de sable, qui a quitté sa Basse-Normandie le temps d'une soirée pour venir à la rencontre du public algérois. Des regards hagards, des gestes lents et précis dans un silence captivant, les quatre comédiens s'installent sur des chaises qui font face au public. Des chapeaux de papier sur la tête, ils se concentrent puis, un spectacle plein de dérision et de tristesse, d'amour et de nostalgie peut alors commencer pour dire la vie dans toute sa splendeur autant que dans sa plus faste absurdité. «Oh, je voudrais tant que tu te souviennes des jours heureux où nous étions amis, en ce temps-là la vie était plus belle et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui»… C'est avec ces premiers mots chantés par Valentine Cohen accompagnée au piano par Claude Clin que s'ouvrira le spectacle. Les Feuilles mortes, une chanson assez connue dont le texte est de Prévert et la musique de Joseph Cosma, donnera le la du spectacle de la soirée : une interprétation mesurée et sincère alternant chant, notes de piano, déclamations graves et mise en scène pertinente. S'ensuivent alors les lectures des deux autres comédiens, Vincent Vernillat et Philippe Muller qui est aussi le réalisateur du spectacle. Enfance, amour perdu, guerre et violence, absurdité de l'existence, nostalgie et amour seront au cœur des mots de la soirée à travers cette poétique de Prévert qui sait avec la plus grande simplicité dire les choses les plus inextricables. L'amour restant l'essentiel à dire, à interpréter et à jouer sur scène : «Cet amour/ Si violent /Si fragile / Si tendre/ Si désespéré / Cet amour / Beau comme le jour / Et mauvais comme le temps / Quand le temps est mauvais / Cet amour si vrai / Cet amour si beau / Si heureux / Si joyeux/ Et si dérisoire/ Tremblant de peur comme un enfant dans le noir/ Et si sûr de lui/ Comme un homme tranquille au milieu de la nuit/ Cet amour qui faisait peur aux autres / Qui les faisait parler/ Qui les faisait blêmir /…». En plus des mots déclamés, le spectacle proposait également de courtes projections montrant mieux l'univers créatif de Jacques Prévert à travers ses scénarios de films, ses dessins, ses collages, mais aussi ses rapports étroits avec ses collaborateurs… autant d'images pour révéler les nombreux visages d'un poète anticonformiste qui entre anarchisme et douce poésie, a si bien su capter les esprits. En interprétant ses textes dans plusieurs registres, la compagnie le Grain de sable a proposé un moment de poésie délectable au public algérois, relevant ainsi le début timide et décevant du Printemps des poètes 2009… F. B.