De notre correspondant à Constantine A. Lemili La grève supposée déclenchée dans les rangs des cheminots à Constantine baigne dans un black-out total. Notre démarche auprès du directeur régional au cours de la matinée d'hier n'a pas eu de suite. Selon sa secrétaire, «seule la cellule de communication de la DG est habilitée à parler à la presse». Son responsable, qu'elle ira voir sur notre insistance, affirmera «être retenue par une réunion»… C'est dire. Au niveau du dépôt, le centre palpitant de l'entreprise, l'arrêt est quasi total au vu des personnes agglutinées à ne rien faire et compte tenu de l'inertie des machines. Sauf que là également les syndicalises que nous avons approchés n'ont pas osé «se mouiller» et nous prendre en charge devant tout ce monde. Qu'y avait-il d'aussi inquiétant du moment que la grève est là et bien là ? Preuve en est que les quelques mouvements de trains de voyageurs et de marchandises parmi les plus importants ont été assurés par des cadres de l'entreprise ? «Le train de voyageurs assurant la liaison avec la capitale a démarré avec un peu de retard ce matin mais a démarré malgré tout, conduit par un cadre technique sachant que ce sont les conducteurs qui sont en grève.» Au niveau de la gare centrale de voyageurs, l'impeccable hall est dramatiquement désert et tous les guichets vides de leurs agents. La seule personne que nous avons trouvée sur place est un agent de sécurité qui nous répondra avant que nous n'ayons eu le temps de l'aborder : «Il n'y a pas de train de banlieue aujourd'hui.» Nous tentons vaille que vaille de savoir pour quelle raison et la réponse est aussi sidérante que les prises de position du premier cadre régional de l'entreprise et des syndicalistes : «Franchement, je ne sais pas pour quelle raison.» Les usagers du train de banlieue sont en général des fonctionnaires qui, en l'absence d'informations autant de l'administration que des représentants des travailleurs, vont se retrouver piégés et souffrir en fin de journée pour espérer rentrer chez eux. Jusqu'au train de nuit d'Alger, la question n'est pas encore tranchée même si des voyageurs ont déjà acquis leur billet auprès des agences. «Or, la prestation de ce train est tributaire de la décision des machinistes de la gare de Annaba parce qu'il prend son départ à partir de cette wilaya. Et à Annaba le mouvement de grève est suivi à 100%.» Conclusion, les cheminots de Constantine sont physiquement en grève mais ne semblent pas l'assumer moralement. Au moment où nous discutions avec un agent à hauteur du dépôt de Sidi Mabrouk, deux travailleurs quittaient les lieux quand ils ont été interpellés par un de leurs collègues sur leur destination. La réponse de l'un d'eux est sidérante : «Nous allons frauder.» Autrement dit, dans le langage courant des Constantinois, «faire le chauffeur clandestin». C'est-à-dire que l'administration de la SNTF aura beau retenir sur salaire les journées d'arrêt de travail, il se trouvera toujours d'autres qui compenseront le manque à gagner.