Bouteflika connaît la réalité de l'Algérie. C'est sur cette réalité qu'il doit agir pour provoquer l'électrochoc nécessaire et salutaire. Etre élu avec plus de 90% des électeurs ne renforce pas uniquement la légitimité du président de la République. Ce taux est aussi une lourde responsabilité dans un contexte de déficit de confiance vis-à-vis des institutions nationales, des institutions intermédiaires, des méthodes de gestion et des pratiques illégales qui donnent raison aux méfiances des citoyens y compris des lois de la République face auxquelles ils estiment ne pas être égaux aussi bien en droits qu'en devoirs. Le message que le président de la République a rendu public, samedi dernier, à la suite de sa réélection, renforce l'espoir que la majorité des électeurs a mis en lui. Il s'engage à «consolider les acquis et mener une politique d'encouragement des investissements, d'accroissement des capacités de production nationales, de résorption du chômage et de lutte contre tous les fléaux». Il déclare que «cette démarche, qui se poursuivra, a d'abord et avant tout visé à améliorer la qualité de vie et préserver nos acquis pour impulser le processus de développement.» Le 9 avril le Président a «soumis» à l'appréciation des électeurs «le bilan des réalisations de la décennie écoulée, un bilan étayé de chiffres et de preuves édifiantes, tout en définissant les contours de [son] programme pour l'avenir, en justifiant les démarches à entreprendre et les moyens à mettre en œuvre, les plus à même de favoriser le développement socio-économique de notre pays». Bouteflika affirme aussi : «Je demeure fidèle à mon engagement et je m'attellerai, avec vous et grâce à vous, à la réalisation de nos objectifs et de nos choix stratégiques. La confiance que vous avez placée en moi me motive au plus haut point pour me permettre de réaliser mes promesses à travers la mise en œuvre de projets et de programmes capables de faire de l'Algérie un pays fort, uni et respecté par tous les peuples du monde.» «Après l'exploit que nous venons d'accomplir ensemble, engageons-nous dans la voie de l'édification d'un avenir plus radieux avec toujours la même détermination et la même ferveur.» Donc, les urnes ont rendu leur verdict et Bouteflika est investi d'une responsabilité énorme. Il ne s'agit pas uniquement de réaliser le bien-être matériel légitime des Algériens, mais aussi de combattre efficacement et sans relâche, les pratiques responsables de la démission collective et de la déchéance de l'idéal national. La corruption, le népotisme, la cupidité des responsables et la prédation économique sont autant de facteurs ayant nourri la tragédie nationale et la méfiance des Algériens. Les responsables politiques, administratifs et économiques des différentes institutions et organismes doivent être soumis à un contrôle strict car la crédibilité de l'Etat et de toutes les institutions en dépend. La cohésion nationale est le fondement de la stabilité et de la sécurité mais surtout le préalable à tout engagement des citoyens à la réussite de tout projet de société. La jeunesse, qui constitue le vivier de la nation et sa force dynamique, ne croit plus aux marchands de rêves, encore moins aux discours qui promettent monts et merveilles alors qu'elle voit une autre réalité sur le terrain : celle de la prédation et de la corruption qui profite illégalement des richesses du pays et celle des laissés-pour-compte qui n'ont que des solutions de désespoir ou, au mieux, de bricolage pour survivre. Il s'agit de changer cet état de fait par une lutte sans merci contre le clientélisme, d'instaurer en urgence une éthique dans le monde politique, administratif et économique et de punir tout contrevenant quel que soit son niveau de responsabilité. Ces phénomènes existent dans toutes les sociétés et existeront toujours, mais le silence complice et le laxisme en ont fait, en Algérie, un mode de gouvernance. A. G.