A défaut d'une réaction officielle algérienne à la loi française du 23 février votée par le Parlement français et glorifiant l'acte colonial, c'est le FLN qui prend le maquis contre cette loi scélérate qui met en évidence « le rôle positif de la présence française outre-mer ». Dans un communiqué rendu public hier, le FLN « s'élève contre ce texte qui consacre une vision rétrograde de l'histoire et condamne, avec la plus grande fermeté, cette volonté de justification de la barbarie du fait colonial en gommant les actes les plus odieux ». Le FLN, parti majoritaire de l'Alliance présidentielle dont le président Abdelaziz Belkhadem vient d'être propulsé lors du dernier remaniement ministériel au poste stratégique de représentant personnel du président Bouteflika avec le grade de superministre d'Etat, ne se contente pas seulement de dénoncer ce déni d'histoire. Il s'autorise des commentaires et des digressions qui ne relèvent pas forcément de son champ de compétence en voyant dans cette loi française un lourd hypothèque qui pèse sur le projet de traité d'amitié devant être signé entre l'Algérie et la France avant la fin de l'année en cours. Le Parlement français a pris une lourde responsabilité pouvant remettre en cause le processus entamé, sous l'impulsion des présidents Bouteflika et Chirac, de la difficile refondation entre l'Algérie et la France », avertit le FLN. La fermeté de la réaction du FLN par rapport à cette loi transcende le cadre partisan, pour prendre des contours quasiment de réaction officielle. Cette loi n'a paradoxalement pas suscité un grand débat de société en Algérie devant cette confiscation de l'histoire et cette interprétation néocoloniale du passé commun entre l'Algérie et la France. Le FLN a-t-il été mandaté par Bouteflika pour exprimer la désapprobation et la colère de l'Algérie par rapport à ce texte qui est une injure à l'indépendance de l'Algérie et à la mémoire de nos martyrs ? Soucieux de préserver les relations cordiales qui le lient au président Chirac avec lequel il paraît être en totale communion, il n'est pas exclu que Bouteflika ait inspiré la réaction du FLN en mettant en branle une diplomatie parallèle qui n'engage pas l'Etat algérien tout en faisant parvenir aux autorités françaises un message fort d'un parti majoritaire. Bouteflika, qui a beaucoup investi dans le réchauffement des relations entre Alger et Paris qui devait être couronné par la signature d'un traité d'amitié, évolue sur le fil du rasoir par rapport à ce coup de tonnerre qui vient déchirer un ciel que l'on pensait désormais politiquement plus serein pour inciter les deux pays à regarder vers l'avenir tout en prenant en charge le devoir de mémoire avec la rigueur historique exigée et dans le respect mutuel. Se taire par rapport à cet outrage à notre histoire, c'est se décrédibiliser aux yeux de l'opinion nationale qui est jalouse de son histoire comme tous les peuples qui ont arraché leur indépendance de haute lutte. Embarras Sa sortie fracassante à l'occasion du 8 Mai 45 où il avait provoqué une véritable contre-révolution en établissant le parallèle entre les fours crématoires et les fours à chaux, dernier voyage des victimes des massacres, est venue bien tardivement. Soit trois mois après le vote par le Parlement français de la loi en question. Et puis il n'est jamais de trop de rappeler aux fossoyeurs de l'histoire la grandeur, la dimension révolutionnaire et populaire de notre lutte armée. Ce travail pédagogique et de vérité a d'autant plus de résonance et d'impact s'il est porté par le premier responsable du pays. Mais monter au créneau de manière aussi frontale pourrait avoir des conséquences politiques sur l'avenir des relations entre l'Algérie et la France, précisément sur les perspectives de la signature du traité d'amitié. Manifestement, le Pouvoir a opté dans ce choix cornélien pour la voix de la raison (d'Etat). A moins que le FLN n'ait agi pour son propre compte. Et que cette poussée de fièvre révolutionnaire qui s'est emparée subitement du parti de Abdelaziz Belkhadem ne soit qu'une stratégie du plus vieux parti pour rebondir sur la scène politique nationale. En se présentant, ce qu'il a toujours revendiqué et qu'en lui a renié ces dernières années, comme le digne défenseur et héritier de la Révolution algérienne et le dépositaire unique de la légitimité historique. Dans les deux cas de figure, autrement dit que la réaction du FLN ait été inspirée par les cercles du Pouvoir ou qu'elle soit l'œuvre d'un parti qui a agi de façon autonome, c'est le FLN qui engrange les dividendes politiques. Bouteflika laisse des plumes. D'une part, par rapport à l'opinion nationale qui n'apprécie pas son silence sur un dossier aussi sensible que l'histoire de l'Algérie. Et d'autre part, vis-à-vis de Chirac qui voyait en Bouteflika l'homme providentiel qui pourrait sceller la réconciliation entre les deux pays. La sincérité du Président français quant à l'œuvre complexe de refondation des relations entre les deux pays doit s'apprécier sur le terrain des réalités et non des professions de foi. Jacques Chirac n'a fait jusqu'ici aucun commentaire sur le coup de force du Parlement français. La Constitution française lui donne les prérogatives pour demander une seconde lecture du projet de loi en question. Il ne l'a pas fait. Et qui ne dit mot consent. Les nostalgiques de l'Algérie française sont dans les institutions de la République. Cette loi inique s'inscrit dans une stratégie visant clairement à saborder le traité d'amitié. Avec ou sans le consentement de Jacques Chirac.